Dimanche, 27 avril 2025
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    Kashink et sa murale de gâteaux militants pour les 30 ans de Fugues

    Pour les 30 ans de Fugues — et souligner du coup les dix ans du mariage au Québec —, l’artiste française Kashink a peint, les 6 et 7 juillet 2014, une trentaine de gâteaux sur le mur Nord du bureau de Fugues dans le cadre de son projet international 50 CAKES OF GAY. Depuis, cette nouvelle murale provoque surprise et sourire chez les passants qui photographient le mur ou se prennent en photo devant les gâteaux flottants. Pendant une pause causée par la pluie alors qu’elle terminait la murale, nous nous sommes entretenus avec l’artiste dont la renommée grandie chaque jour.

    Tu signes tes œuvres Kashink. Quelle en est la signification ?
    C’est une onomatopée. Quand j’étais ado j’aimais bien lire des Comics américains, des bédés. J’ai d’ailleurs eu quelques exemplaires de la collection Marvel avec des supers héros. Je me souviens avoir lu là, le mot Kashink, mot en grosses lettres. Et je me souviens que j’avais trouvé ça trop fort comme mot. À l’époque je m’étais dit que ça sonnait bien. Y’a un K devant, un K derrière. C’est équilibré : tant pour la sonorité, que  graphiquement. Je l’ai gardé dans un coin de ma tête et quand je me suis mise à faire des dessins plus activement je l’ai pris comme pseudo.

    L’univers des Comics en est un qui est ultra coloré comme tes murales…

    Oui, et il est ultra stéréotypé également. C’est ça qui est drôle. Cela vient des supers héros, enfin de la BD dans l’absolu. En fait je mets un point d’honneur à mettre mes héros personnels, enfin mes peintures en tout cas, en situation où cela casse ce stéréotype, du mec viril, super musclé, qui survit à toutes les péripéties, qui sauve le monde tous les jours.

    À part la bédé, qu’elles sont tes sources d’inspiration ?
    J’ai toujours aimé les arts graphiques, ça m’a permis de progresser en dessin aussi. Je me tiens au courant de ce qui sort de nouveau, j’aime bien m’intéresser aux autres artistes en général. Mais j’ai aussi une grande admiration pour des peintres plus « classiques » et quand j’ai découvert les portraits de Frida Kahlo à mon adolescence j’ai pris une bonne claque. J’adore aussi le travail de Botero, je me suis rendu compte que j’avais déjà flashé sur ses sculptures quand j’étais gamine c’est peut-­être à cause de ça que je peins des mecs gros maintenant… Sinon, le travail de Leigh Bowery m’inspire beaucoup, et le concept de performance à la Gilbert & Georges. Je les adore.

    Souhaites-tu faire passer certains messages au travers de tes œuvres ?
    Le street art est un bon moyen de faire partager ses idées avec le plus grand nombre. Quand je choisis de ne pas peindre de femmes, c’est déjà un peu un acte militant. C’est beaucoup plus facile de vendre une image d’une belle nana à poil ! Petit à petit j’ai mis mes personnages en scène en incluant une petite phrase dans mes peintures, comme si le mec parlait ou pensait un truc. Du coup ça permet de proposer des situations inattendues, par exemple des mecs gros, poilus et tatoués qui téléphonent à leur mère, qui tombent amoureux, qui expriment leur peur ou leur joie. Encore une fois, c’est une manière de casser les codes. 

    C’est comme ça que je me suis mis à aborder le thème de l’homosexualité. J’ai peint pas mal de mecs dans des situations amoureuses gaies et j’ai fait une expo solo il y a 3 ans que j’avais appelée « GAYFFITI ». C’est un sujet qui est très rarement abordé dans le street art et encore moins dans le milieu du graffiti. Depuis, avec le débat sur le mariage pour tous [en France ], j’ai commencé à peindre des gâteaux de mariages.

    Ce projet, je l’ai appelé «50 Cakes of gay». Le premier c’était à Paris en décembre 2012, et ensuite j’ai pas mal voyagé en Europe et ailleurs, et j’en ai peint presque partout où je suis allée. Quand je suis venue plutôt cette année à Montréal, dans le cadre du festival MURAL, je me cherchais un mur pour poursuivre 50 Cakes… dans le Village. Rapidement, le mur de Fugues est apparu comme une évidence… surtout quand j’ai appris que Fugues célébrait cette année son 30e anniversaire

    À l’origine, l’idée était-elle de peindre 50 gâteaux dans autant de villes différentes ?
    Oui, au début, en soutien avec le mariage pour tous, je pensais que j’allais peindre 50 gâteaux dans différentes villes et basta, que ce serait fini. Mais je me suis mise à en peindre beaucoup plus. Aujourd’hui, j’en suis à plusieurs centaines et j’ai encore envie de continuer. Il faut dire qu’avec les murales de Miami — pour le Art Basel —, et à West Hollywood, qui compte chacune 50 gâteaux, et celle de Fugues, une trentaine, le nombre total a grossi rapidement. Le jour où j’en aurais marre je passerai à autre chose. Mais ca ne risque pas d’arriver de si tôt. J’aime bien avoir plusieurs projets en même temps aussi, ça permet de ne pas rester focalisé sur une seule thématique sans arrêt. 

    Yves Lafontaine, Kashink et Bernard Plante

    Penses-tu que l’art du graffiti puisse contribuer à donner plus de place aux femmes dans l’espace public ?
    Je pense qu’il est crucial d’aborder ces questions de manière profonde, et pas juste en se contentant de peindre une femme dans la rue en disant que ça donne une place aux femmes dans l’espace public. C’est un début mais ça ne suffit pas.

    Prendre son espace, se sentir marcher dans la rue avec son territoire en mouvement, oser rire fort sans se soucier du regard des autres, s’habiller comme on veut. Se détacher du jugement des autres, trouver un équilibre en s’autorisant à être libérée de la peur d’être jugée sur notre apparence, c’est ça qui me paraît essentiel.

    Le geste de peindre dans la rue est un acte qui peut être militant, et pour ma part ça fait partie d’un élan qui me porte. Je sais que ce geste seul peut déjà ouvrir des possibles, on ne sait jamais qui nous voit faire, qui on peut encourager sans le savoir. Je vois que mon parcours inspire déjà, j’ai beaucoup de retours sur les réseaux sociaux ou dans la vraie vie, d’autres femmes mais pas uniquement. Je me fixe aussi comme but d’ouvrir la voie sur certaines idées, comme par exemple cette remise en question des codes esthétiques, et je vois que ça parle à beaucoup de gens.

    Un grand merci à Kashink, à la SDC Village et à MURAL qui ont rendu possible le projet de cette murale.

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