Les droits humains sont une des très grandes préoccupations du Premier ministre Justin Trudeau. Sensibles aux réalités LGBTQ, il vient de nommer le député, Randy Boissonnault comme Conseiller spécial sur les questions LGBTQ qui, à peine dans ses nouvelles fonctions, croulait sous les demandes de rencontre et d’entrevues.
Pour ce franco-albertain, très engagé socialement et militant libéral depuis de nombreuses années, il s’agit d’une continuité dans son parcours. Comme gai, il considère cette nomination par Justin Trudeau comme un privilège, et une preuve supplémentaire de Justin Trudeau de lutter contre toute forme d’homophobie et de transphobie. Rejoint par téléphone, Randy Boissonnault s’est exprimé sur plusieurs dossiers concernant les communautés LGBTQ.
Quelle connaissance avez-vous des réalités et des problématiques LGBTQ et quelle est spécifiquement la mission d’un Conseiller spécial sur les questions LGBT ?
Je fais partie depuis longtemps de cette communauté. Lorsque je dirigeais une société d’aide-conseil pour petites et moyennes entreprises, j’ai aidé plusieurs organismes LGBTQ à travers le pays dans leur stratégie, dont HIV-Edmonton. J’ai une bonne connaissance des problématiques. Mon rôle est avant tout de coordonnateur entre les organismes et les différents ministères concernés, et de travailler ensemble à trouver les meilleures solutions possibles. Je tiens à préciser que le gouvernement n’a pas attendu la nomination d’un Conseiller pour agir. On le voit avec le dépôt en mai dernier d’un projet de loi contre la discrimination fondée sur l’identité et l’expression de genre. Projet de loi qui a été adopté en novembre dernier.
Mais on sait qu’un projet de loi semblable adopté en 2013 s’était rendu jusqu’au Sénat et était mort au feuilleton. Pensez-vous que le Sénat sera plus ouvert à cette nouvelle loi ?
Le Sénat est indépendant. Des sénateurs avaient voté contre ce projet de loi les années précédentes, c’est vrai. Aujourd’hui, j’ai des discussions avec les sénateurs pour qu’ils aient toute l’information dont ils ont besoin. Mais je travaille aussi avec des organismes transgenres pour qu’ils fassent leur représentation auprès des sénateurs. En tant que gouvernement nous souhaitons que ce projet de loi passe. Disons que je suis optimiste.
Des gais et des lesbiennes ont été renvoyé-e-s de l’armée et d’autres secteurs de la fonction publique en raison de leur orientation sexuelle. Beaucoup ont subi de l’intimidation voire de la violence, des agressions et des viols. Ils demandent aujourd’hui réparation. Comment comptez-vous procéder ?
En premier lieu, il faut écouter ces personnes des Forces armées canadiennes, de la Gendarmerie royale (GRC), ou encore du service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) dont la carrière a été arrêtée. J’ai déjà reçu beaucoup de témoignages et rencontré certaines de ces personnes dont Martine Roy. Il faut aussi sensibiliser les Canadiennes et les Canadiens sur cette histoire et rappeler que cela touche environ 9 000 personnes pour la période de 1969 à 1990. Il faut commencer ce processus de vérité et réconciliation pour notre communauté. La première chose que souhaitent ces personnes, ce sont des excuses officielles. Et nous devons travailler sur ces excuses pour qu’elles soient bien acceptées largement par la communauté. On sait que certaines personnes ont vécu de réelles tragédies, on parle de suicides, et vivent encore avec les traumatismes subis comme l’intimidation, les agressions physiques, le viol. D’autres se sont vu coupé leur fonds de pension du gouvernement. Il n’y aura pas une seule réponse à apporter dans ces dossiers, mais plusieurs et cela ne peut se réduire à une seule loi. Nous devons regarder au cas par cas et apporter les meilleures solutions. Le travail commence avec les ministères, pour regarder chaque dossier.
Est-ce que vous envisagez des campagnes nationales de lutte contre l’homophobie et la transphobie ?
Notre gouvernement est très sensible aux droits et à l’inclusion pour tous les canadiens et les canadiennes. Lutter contre l’homophobie et la transphobie, cela fait partie de mon mandat et nous sommes ouverts à des propositions. Comme nous allons regarder ce qui s’est fait dans d’autres pays, je pense entre autres à l’Allemagne, l’Australie, ou même ce qu’a fait le Président Obama aux États-Unis. Il y a des initiatives intéressantes dont nous pourrions nous inspirer. J’ai accepté ce poste avec beaucoup d’humilité, je veux être à l’écoute des communautés, mais aussi regarder ce qui se fait ailleurs pour trouver les meilleures pratiques.
La voix du Canada doit-elle être plus forte à l’international pour les droits LGBTQ ?
Je vais travailler avec le ministère des affaires étrangères pour s’assurer que le message du Canada reste cohérent à l’étranger. Déjà Justin Trudeau a parlé du droit des femmes, des droits LGBTQ, des droits humains en Afrique, mais aussi de m’assurer que ces valeurs soient aussi promues à travers nos ambassades et nos missions. Ces dernières sont déjà bien sensibilisées comme en témoignent les nombreux messages que j’ai reçus de leur part suite à ma nomination.
Un dossier sensible est celui de la criminalisation des séropositifs, toujours responsables et condamnés dans les procès, et celui du don du sang ?
Je suis tout à fait au courant ces deux dossiers, et j’aurais des rencontres avec la ministre de la Justice à ce sujet. Concernant le don du sang, le gouvernement a débloqué 3 millions de dollars pour financer des recherches afin de déterminer si on peut réduire la pério-de d’exclusion des hommes ayant des relations sexuelles avec d’au- tres hommes à trois mois au lieu d’un an. Bien entendu, c’est un dossier que je vais suivre.
Avoir un « Monsieur Gai » pour le gouvernement fédéral a été applaudi par les communautés LGBTQ, les organismes doivent tous vouloir vous rencontrer ?
(Rires !) Oui, mais en même temps, c’est ce que nous souhaitons. Nous voulons travailler en partenariat avec les acteurs communautaires pour avancer ensemble avec les meilleures pratiques possibles pour respecter les valeurs promues et défendues par le Canada en matière des droits et des libertés de chacun des citoyens.
Qui est Randy Boissonnault?
Député libéral d’Edmonton-Centre, Randy Boissonnault est un homme d’affaires réputé qui a dirigé jusqu’à son élection une société de service-conseil d’aide aux petites et moyennes entreprises sur le plan de la gestion et de la stratégie. Il est aussi très actif sur le plan communautaire, surtout pour des actions de bienfaisance, et a fondé Alphabétisation sans frontières, qui comme le nom de l’ONG l’indique, promeut l’alphabétisation dans les pays en voie de développement et au Canada. Ouvertement gai, il a participé, en compagnie de Justin Trudeau, au défilé de la fierté à Edmonton en 2015. Il était présent à Montréal, en juin dernier, lors de la vigile pour les victimes de l’attentat d’Orlando.