Dimanche, 19 janvier 2025
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    Below Her Mouth, un film qui fera jaser

    Présenté l’an dernier au Festival International de Toronto et au Festival du Nouveau Cinéma, Below Her Mouth arrive sur les écrans du Québec, tout juste à point, pour la Saint-Valentin. Le film pose un regard audacieux sur une romance inattendue entre deux femmes, alors que Jasmine (Nathalie Krill) rencontre Dallas (Erika Linder) dans un bar. Below Her Mouth, aux scènes explicites authentiques, a le mérite d’une production composée à 99% de femmes, chapeautée par la réalisatrice April Mullen. Celle qui a jadis débuté dans l’industrie en tant qu’actrice, fût, en 2012, la plus jeune réalisatrice (et la première femme) à réaliser un long-métrage 3D avec Dead Before Dawn. En tournage au Québec pour la réalisation de quelques épisodes de la série canadienne Bellevue, April Mullen s’est prêtée au jeu de l’entrevue afin de discuter de Below Her Mouth, un film qui lui tient à coeur et qui fera certainement jaser…

    Erika Linder & Natalie Krill dans Below Her Mouth – April Mullen

    Below Her Mouth est très différent de tes précédentes réalisations. Qu’est-ce qui t’a menée à collaborer à ce film?

    J’ai été engagée pour Below Her Mouth, car les productrices voulaient une réalisatrice et elles avaient aimé l’esthétique de mes films précédents. Elles ont cru en ma vision et il est certain que j’étais connectée au scénario dès le début. J’ai toujours été intriguée par ce moment où cette inexplicable chimie entre deux personnes peut, en un instant, changer complètement notre vie. On connecte avec un être humain par amour et même si c’est éphémère, cela change notre vie. J’ai toujours été fascinée par ça, en tant qu’être humain, alors le scénario m’a interpellée.

    Je suis certaine que plusieurs lesbiennes s’identifieront aux personnages, puisque le film offre une représentation sincère d’un amour lesbien. Comment en es-tu venue à cette représentation loin des clichés?

    Tu sais ce qui est intéressant, c’est que je suis allée puiser dans mes propres expériences de vie amoureuse (bien que je ne sois pas lesbienne), c’était avec un homme, donc j’ai dessiné à partir de ces moments dont j’ai été témoin dans ma vie. Afin de m’assurer que la représentation était honnête et fidèle à une relation entre deux femmes et au milieu gai, j’ai passé 6-7 mois avec la scénariste queer (Stephanie Fabrizi) à discuter et à lui poser beaucoup de questions! C’était non seulement pour être fidèle à la relation présentée à l’écran, mais aussi aux scènes plus intimes et sexuelles.

    Justement, les scènes sexuelles sont non seulement réalistes, mais variées (avec ou sans objets sexuels). Aussi elles sont explicites, sans pour autant être pornographiques ou se cantonner dans la représentation mainstream / hollywoodienne du lesbianisme. En ce sens, comment as-tu approché la mise en scène?

    C’était crucial et important pour nous de bien représenter le parcours des protagonistes au travers de leur intimité et des scènes sexuelles. La première nuit, c’est la passion, elles sont dans la chaleur du moment. Chaque scène sexuelle a son unicité et son parcours, car l’intimité grandit et elles veulent se rapprocher davantage. Aussi, on voulait rester vrai dans le fait que les jouets sexuels ne sont pas toujours essentiels; à un certain point, elles veulent juste être aussi près que possible physiquement. Je trouve cela très rafraichissant; c’est audacieux, car peu de gens ont abordé ce terrain-là auparavant. Il y a plusieurs façons de présenter l’intimité entre deux femmes et c’était crucial pour nous de les présenter. Et ce n’est pas à propos de la fantaisie ou du regard masculin, ou sur ce qu’ils présument sur ce que les femmes font ensemble… Au contraire, ça provient d’un endroit authentique, où la scénariste voulait présenter des scènes vraies! Cela passe par la connexion entre les deux protagonistes qui désirent toujours se rapprocher davantage; jeux de regards, mouvements symbiotiques des corps, confiance qui se développe entre les deux femmes.

    Parlant de confiance, comment était l’atmosphère sur le plateau lors de ces scènes?

    Le scénario était déjà très audacieux et on a voulu pousser cet aspect… Les deux actrices ont développé une belle confiance et elles se sont isolées dans leur bulle. Elles étaient à l’aise puisque l’équipe technique était entièrement composé des femmes. Il y avait beaucoup de respect et nous avons pris notre temps pour créer l’atmosphère propice au tournage de ces scènes. Le plus important pour nous, c’était vraiment l’authenticité, la connexion entre elles, l’étincelle.

    On ressent ce point de vue frais et honnête dans la mise en scène. Crois-tu que nous manquons de telles représentations du lesbianisme dans le cinéma populaire aujourd’hui?

    Je crois qu’elles sont sous-représentées, en termes de points de vue et voix authentiques. Dans le passé, les personnages ont été stéréotypés et les acteurs campent ce qu’ils voient… Dans Below Her Mouth, le casting est « queer for queer », donc toutes celles qui sont gaies dans le film, le sont dans la vie. Je crois que c’est unique et aussi très important. C’est intéressant de voir des personnes vraies et authentiques exposer ce qu’elles sont vraiment, être transparentes et donner aux spectateurs le cadeau de voir une partie intériorisée d’elles-mêmes. Il y a cette discussion présentement sur les femmes – en général – qui sont sous-représentées dans l’industrie du cinéma et lorsque je pensais à la création des scènes sexuelles dans le film, c’était difficile d’oublier le fait que nous sommes effacées. Fondamentalement, toutes les images sexuelles féminines auxquelles j’ai été exposée dans ma vie, que ce soit en publicité, à la télé ou au cinéma, sont de façon prédominantes écrites, réalisées ou produites par des hommes ou créées pour exciter les hommes. Je devais donc constamment me forcer à oublier ces images pour m’assurer que mon point de vue demeurait authentique et ne provenait pas de ce que la société m’avait inculqué en terme de ce qui est « sexy », mais plutôt me questionner à savoir ce qui est sexy pour moi.

    Crois-tu que le fait que l’équipe du film soit composée à 99% de femmes aide à présenter cette vision plus authentique?

    Je crois que oui. Notre intention était de présenter aux spectateurs quelque chose de nouveau, quelque chose qui n’avait jamais été fait. Toutes les décisions créatives sur ce film passent par le regard, la perspective et les décisions des femmes. C’était le film parfait pour honorer cette initiative. Tout le monde était investi de la même mission; nous formions une équipe, dénudée de jugement, avec respect et collaboration. C’était un choix créatif. On voulait explorer comment le sexe présenté de façon audacieuse, et créé par des femmes, serait représenté à l’écran.

    Below Her Mouth constitue un premier rôle au cinéma pour la topmodel suédoise Erika Linder. Étant actrice de formation, comme approches-tu la direction d’acteur?

    Je crois que tous les acteurs sont différents, que chaque personne a une façon unique de communiquer, alors mon approche n’est jamais la même. Aussi, il y a tellement de types d’acteurs; certains veulent plus d’espace, d’autres veulent être davantage dirigés. J’adore travailler avec les acteurs pour faire ressortir les nuances et les parcelles d’eux-mêmes, afin que le personnage soit le plus honnête possible. Ça c’est mon boulot! Erika a une présence unique à l’écran et une personnalité honnête, alors je voulais juste qu’elle se sente assez confortable pour oublier qu’elle était filmée! Qu’elle soit assez confiante et audacieuse pour incarner Dallas!

    Below Her Mouth, (Canada, 1h32) en salles à la mi-février, juste à temps pour la Saint-Valentin.

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