Un safari en Namibie, un mariage gai au Népal ou un séjour dans la catholique Italie: les voyages élaborés pour les touristes gais et lesbiennes ne cessent de se renouveler avec les années. Fugues a donc rencontré John Tanzella, Président de l’International Gay & Lesbian Travel Association (IGLTA), pour faire le point.
Bien entendu, il ne suffit pas d’additionner son amour des voyages et son homosexualité pour aboutir dans une catégorie homogène de touristes aux goûts identiques. Mais comme certaines destinations sont beaucoup plus sécuritaires et gay friendly que d’autres, les touristes gais et lesbiennes ont certains besoins communs auxquels tentent de répondre plusieurs pays à travers le monde.
Selon John Tanzella, l’Espagne a été particulièrement active cours des dernières années pour attirer les membres de la communauté. «Grâce à la conjoncture économique et aux efforts investis pour courtiser les LGBTQ, le pays a été extrêmement populaire, dit-il. Et pas seulement à Barcelone et à Madrid, mais partout. Les amoureux d’histoire, de plages et de vins y trouvent facilement leur compte.» S’il souligne que les destinations d’aventure, comme l’Afrique du Sud et la Namibie pour les safaris, ainsi que le Pérou pour l’ascension du Machu Picchu, attirent autant les hétérosexuels et les LGBTQ, il précise que l’Italie fait présentement ses premiers pas dans la niche du tourisme rose. «Bien sûr, les voyageurs gais ne s’empêchent pas d’aller en Italie, mais les autorités du pays ont depuis peu mis en place un plan d’action marketing pour les attirer, alors qu’ils n’ont jamais rien fait auparavant dans ce secteur.» Même surprise avec le Japon. «Le pays s’intéresse tranquillement au secteur et on commence à travailler étroitement avec eux. Mais on est loin de la Thaïlande, qui est un leader depuis des années.»
Mais concrètement, comment peut-on avoir la certitude qu’une destination est réellement ouverte aux LGBTQ? «En général, nos membres choisissent surtout des pays qui possèdent plusieurs hôtels, restaurants et commerces qui sont engagés dans leur communauté et qui soutiennent les organisations LGBTQ locales. Ils ne peuvent pas prétendre être inclusifs s’ils ne font que courir après les dollars roses.» Selon M. Tanzella, l’ouverture, la vraie, se traduit dans les menus détails. «On apprécie que les employés soient formés pour accueillir les couples de même sexe, afin d’éviter que les voyageurs soient mal reçus à la réception d’un hôtel, quand ils font leur check-in et que les employés réalisent que deux personnes de même sexe partageront le même lit. On aime aussi que du contenu ciblé soit créé pour les touristes gais et lesbiennes sur le site Internet des entreprises ou dans leur documentation. C’est le genre de détails qui peut faire la différence.»
Si les nombreuses publicités dans les médias LGBTQ et sur les médias sociaux permettent d’attirer l’attention des consommateurs, les lois jouent un rôle encore plus important pour les convaincre d’acheter des billets d’avion et de réserver des nuitées à l’étranger. «C’est difficile d’être attiré par un pays qui ne reconnait pas les droits LGBTQ de ses propres citoyens, affirme le président de l’IGLTA. Quand les lois changent, ça crée un fort engouement.»
Il cite en exemple la popularité du Canada, qui a légalisé les mariages gais plus d’une décennie avant les États-Unis, ainsi que l’Argentine qui, en 2010, est devenue le premier pays sud-américain à faire de même. Le spécialiste en tourisme LGBTQ évoque même le cas de New York, qui nous apparaît pourtant comme un vieux classique. «Étant donné que l’État de New York a légalisé le mariage gai en 2011, quatre ans avant que le gouvernement fédéral américain en fasse autant, Manhattan a accueilli une quantité phénoménale de mariages gais depuis quelques années. Ça a créé un important flux d’argent dans la région.»
En contrepartie, certaines destinations ont fait marche arrière dans l’imaginaire collectif. «La Russie, par exemple. Même si le pays n’a jamais été très prisé des voyageurs gais, il y avait quand même des groupes qui se rendaient à Saint-Pétersbourg, ici et là. Mais depuis quelques années, avec la régression de la cause LGBTQ, on y pense à deux fois avant d’y aller. Ou on est doublement prudent quand on se prépare pour être certain de respecter leurs lois.»