Ex-gardien de buts des Stingers de l’Université Concordia, Brock McGillis a été témoin de l’homophobie qui suinte dans les vestiaires et les arénas, des rangs mineurs en Ontario jusque chez les pros aux Pays-Bas. Après un coming-out libérateur à l’automne 2016, il a entrepris une tournée pancanadienne qui lui a permis de sensibiliser 200 000 jeunes à la lutte contre l’homophobie. Un combat qu’il n’est pas près d’arrêter.
Pourquoi as-tu pris ta retraite sportive?
En partie à cause des blessures, mais aussi parce que je me détestais. Le hockey, c’était ma vie, mais je ne me permettais pas d’être moi-même dans cet environnement. Je suis devenu dépressif, avec des idées suicidaires. Je buvais énormément, presque chaque soir pendant six ans, pour étouffer ce que je sentais. Puisque j’avais d’énormes problèmes avec mon orientation sexuelle, je crois que mes blessures étaient psychosomatiques. J’ai été blessé de la tête aux pieds, en plus de subir quatre opérations majeures.
Quand as-tu tout quitté?
À 23 ans, quand je jouais pour la ligue professionnelle aux Pays-Bas, j’ai décidé d’arrêter pour aller au fond des choses. Je suis rentré à Toronto et je suis allé en date avec un homme pour la première fois de ma vie. J’ai accepté que j’étais gai, mais en demeurant dans la garde-robe. Je suis resté avec lui durant trois ans et je devais constamment cacher ce qui se passait à tout le monde. C’était extrêmement difficile. Un jour, j’ai envisagé de retourner jouer aux États-Unis, mais j’étais en douleur constante en raison des blessures. Quand je me suis rendu à la frontière pour obtenir un visa, j’ai reviré de bord. Je ne voulais plus revivre ça. Je suis allé dans le Village à Toronto et j’ai fait le party avec des amis gais.
En novembre 2016, j’en ai parlé à mon entourage de hockey. Certaines personnes se sont excusées pour le langage qu’elles ont utilisé devant moi dans le passé, d’autres étaient déçus que je ne me sois pas senti confortable pour leur en parler.
Quel est l’objectif des conférences dans les écoles, les organisations sportives et les entreprises?
Je veux que les gens prennent conscience de l’impact de leurs mots. Les jeunes d’aujourd’hui sont incroyablement plus ouverts d’esprit que les générations précédentes, mais leur langage n’a pas évolué aussi vite que leurs croyances. Puisque le hockey occupe une place hyper importante au Canada et que j’ai atteint un niveau professionnel que plusieurs garçons souhaitent atteindre, je crois qu’ils m’écoutent différemment.
Comment t’y prends-tu?
Quand je leur demande s’ils connaissent une personne LGBTQ, je suis ébloui de constater que 90% d’entre eux lèvent la main, ce qui signifie que les gens vivent qui ils sont ouvertement et que les jeunes sont au courant. Ensuite, je demande qui a déjà exprimé des paroles homophobes. Au début, quatre ou cinq jeunes se manifestent. Ils rient et les autres pensent qu’ils vont être dans le trouble. Je les calme et je demande à la classe d’être honnête, en levant ma propre main. À ce moment-là, 95% des gens font pareil, incluant les profs. Je leur raconte alors mon histoire.
Tu n’as jamais été intimidé, n’est-ce pas?
Non, car j’étais moi-même le stéréotype du joueur de hockey hétérosexuel et vantard, qui accumulait les conquêtes et qui tenait des propos homophobes. Je voulais mourir tous les jours à force de mentir et d’être dans un environnement où j’entendais des paroles négatives associées aux homosexuels. Durant la conférence, je parle aux jeunes des insultes directes («t’es fif»), indirectes («ark, c’est tellement gai…»), des rires quand ils sont témoins d’intimidation et du malaise non verbal quand ils voient deux hommes s’embrasser ou deux femmes se tenir par la main, parce qu’ils pensent que c’est anormal. Je leur raconte ce que ça me fait et je leur explique que la normalité n’existe pas.
Trouves-tu que les choses changent?
Les jeunes viennent me voir quotidiennement pour me dire qu’ils ne réalisaient pas l’importance de leurs paroles. Souvent, ils commencent à utiliser ces expressions, ça devient à la mode, toute l’école les utilise, les plus jeunes les imitent, sans que personne ne réalise que les personnes LGBTQ qui les entourent peuvent entendre tout ça et être blessées. Par ailleurs, je travaille avec plusieurs athlètes comme mentor. Récemment, lors d’un exercice, un jeune – qui vient d’un milieu très progressif – a dit que c’était trop gai. Immédiatement, un athlète plus vieux lui a répondu qu’on ne disait pas ça ici. Au fond, les jeunes peuvent être des influenceurs.
Penses-tu qu’ils t’écoutent davantage parce que tu corresponds aux standards de la masculinité?
Je déteste dire ça… mais je crois que oui. J’ai une allure de joueur de hockey, je mesure six pieds un pouce et je pèse 200 livres. Ça les aide définitivement à se sentir confortables pour m’écouter. Surtout les gars hétérosexuels.
Te sens-tu bienvenu dans toutes les écoles?
Peu après mon coming-out, une école m’a invité à parler aux jeunes. Ensuite, le bouche-à-oreille a fait des merveilles. Par contre, plusieurs écoles qui ont été contactées par mon équipe n’ont jamais répondu. Il faut généralement un étudiant ou un professeur de l’intérieur qui porte le projet. Quand j’arrive, je vois tout de suite qui veut vraiment m’avoir et qui veut simplement faire un trait sur une liste de choses à faire qui sont politiquement correctes. Ultimement, je ne suis pas là pour le directeur ou le prof qui ne veut pas m’écouter, mais pour les autres.
Quels sont tes projets futurs?
Je continue d’offrir des conférences car c’est ma passion, mais comme je veux rejoindre le plus de personnes possible et que je ne peux pas être partout, je vais utiliser la télévision, YouTube et les médias sociaux pour transmettre mon message. Aussi, j’irai bientôt en Californie et j’aimerais offrir des conférences dans les écoles au Québec, mais je n’ai pas encore de contacts. Mon but est de changer le monde!