Jeudi, 18 avril 2024
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    La COCQ-SIDA célèbre ses 30 ans déjà

    Au début des années 1980, l’apparition du sida a été une période de grande confusion et d’incertitudes. Si c’est d’abord la communauté haïtienne qui est la plus durement touchée à Montréal, en quelques années seulement, la majorité des cas sont des hommes gais, ce qui a provoqué une panique et du déni au sein même de la communauté. Les organisations gaies québécoises d’alors — axés sur le lobbying ou les services de soutien liés à l’orientation sexuelle — n’étaient pas préparés à faire face à l’épidémie. De nombreux organismes sida se créent offrant services ou soutien aux personnes atteintes, alors que d’autres prennent les devants quant à la prévention ciblée. Devant la multiplication des organismes une coalition se forme en 1990.

    La Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le Sida, mieux connue comme la COCQ-Sida, compte 35 membres actuels. De ACCM à Tandem Mauricie, de MIELS-Québec à MAINS BSL (Bas-Saint-Laurent) et de Sidalys au BLITSS (Victoriaville), ou encore
    de RÉZO à Spectre de Rue, elle fédère plusieurs organismes LGBT+ ou non luttant contre le VIH, contre la stigmatisation, contre la criminalisation, contre la discrimination et offrant une variété de services destinés aux personnes séropositives. Elle dispense aussi, à ses membres et aux
    personnes vivant avec le VIH-sida (PVVIH), toute l’information nécessaire pour avoir une réflexion éclairée sur la situation du VIH. Elle a menée au cours de son histoire autant de campagnes de sensibilisation que de luttes pour l’accessibilité des traitements au plus grand nombre possible. Et, 30 ans plus tard, la COCQ-Sida continue de le faire aujourd’hui encore.


    La COCQ-Sida garde toujours un pied dans l’actualité et ce n’est pas surprenant qu’elle a émis plusieurs communiqués concernant les personnes séropositives et la présente crise du coronavirus que nous vivons. «Avec ce coronavirus, on a l’impression qu’on revient aux débuts de l’apparition du VIH-sida. Mais c’est quand même une mobilisation qu’on n’avait pas eu durant les premières années du VIH, donc c’est bien si les autorités ont agi rapidement cette fois-ci», de commenter Ken Monteith, le directeur général de la COCQ-Sida.

    Ken Monteith déplore d’ailleurs les contraventions que les policiers peuvent émettre pour faire respecter la distanciation physique. «Une des leçons apprises du VIH est que la criminalisation n’a jamais été un instrument de prévention. C’est dommage mais ça ne va pas aider. Il fallait plutôt continuer d’informer. Parfois c’est de l’incompréhension ou de l’ignorance, donc informer et sensibiliser sont toujours à privilégier», selon Ken Monteith. Justement, cela nous ramène 30 ans en arrière, soit à la création de la COCQ-Sida, en plein développement du VIH en Occident, alors qu’il n’y avait pas encore de médicaments efficaces et que les gens continuaient de mourir. «C’est intéressant de voir l’évolution de la COCQ-Sida, toute la concertation, toute la collaboration et de constater aussi toute l’innovation qui est venue parfois ensemble, avec les organismes-membres, et parfois des organismes individuels et qui a été reprise par d’autres groupes. Cela a toujours été en évolution et ça continue encore aujourd’hui», de dire Ken Monteith qui dirige l’organisme depuis 2008.


    «Au début, on a vu une certaine multiplication des groupes, poursuit Ken Monteith. Mais il y avait et il y a toujours de la place pour tout le monde. Il faut savoir que la réponse vient de la communauté et les groupes sont proches de leurs membres. C’est d’ailleurs l’une des choses dont on est le plus fier à la COCQ-Sida, soit la participation accrue des personnes séropositives dans la réponse à la lutte contre le VIH. Ça fait partie de la mission de l’organisme. Aujourd’hui, il y a 35 groupes, dont la moitié est à Montréal, mais il y en a partout au Québec et c’est ce qui est intéressant aussi, l’implication dans les autres régions.»


    La criminalisation, encore une lutte
    Si beaucoup de travail été accompli, il reste encore du chemin à parcourir. Certaines problématiques demeurent. Si la science a permis d’avancer et de faire en sorte que les personnes puissent vivre pratiquement normalement avec le VIH, comme s’il s’agissait d’une «maladie chronique», d’autres défis sont toujours au rendez-vous. «On souhaiterait que la vie des personnes séropositives puisse être « banale », mais on ne peut pas dire ça lorsqu’on voit encore des cas de criminalisation de personnes vivant avec le VIH (PVVIH), continue le directeur général de la COCQ-Sida. Il y a toujours du travail à faire. Il n’y a aucune raison d’avoir peur en terme de criminalisation lorsque les gens sont séropositifs mais indétectables et qu’ils ne peuvent plus transmettre le virus (I=I, indétectable = intransmissible). Il faut donc suivre la science et en finir avec la criminalisation.»


    «On ne peut pas dire que tout est noir ou que tout le monde est méchant. Mais il y a encore cette image du passé chez une certaine partie de la population et ce, alors que la vie des PVVIH a évoluée. Cette image dans la population, elle, n’a pas évoluée encore. Il faut continuer de faire de la sensibilisation et éviter l’usage de la criminalisation», souligne Ken Monteith qui, avant de prendre le fauteuil de directeur général de la COCQ-Sida, a dirigé ACCM durant neuf ans.

    Les défis qui attendent la COCQ-Sida
    «Le progrès social fait en sorte que la société accepte mieux aujourd’hui les LGBT, mais en même temps, ça veut dire qu’on n’arrive pas à rejoindre les jeunes hommes gais qui ne sont plus dans les saunas, les bars, etc. Mais c’est quand même un beau défi pour le mouvement communautaire qui s’adapte grâce aux outils technologiques et à la créativité», note Ken Monteith.

    La technologie, la science, etc. font des pas de géant, le défi aussi de la COCQ-Sida est d’aider ses membres à développer les connaissances, les formations et les compétences nécessaires pour utiliser ces outils et «qu’il y ait un partage des connaissances entre les groupes, c’est notre rôle aussi de réussir à obtenir le financement qui suit les besoins et les réalités de chaque groupe», rajoute M. Monteith. Ken Monteith insiste longuement sur la formation des organismes-membres et de leur personnel (employés et bénévoles). Depuis plus d’une dizaine d’années maintenant, la COCQ-Sida a mis sur pied un programme de formation appelé Outillons-nous, destinés à informer les membres des recherches et études, de se mettre à jour et de pouvoir ainsi mieux intervenir. «Outillons-nous signifie de rester constamment à l’affût de tout ce qui évolue et de regrouper toutes nos forces pour divers types d’interventions. Il y a aussi maintenant un autre programme, Préparons nos membres à un monde sans VIH qui est là pour préparer l’avenir. Plus les gens vont connaître leur statut, plus les gens recevront des traitements et plus ils seront indétectables… Le tout dans le respect des droits de la personne. Donc, il y a encore beaucoup de choses qui restent à faire», estime Ken Monteith. C’est pourquoi, entre autres, la COCQ-Sida participe activement à des études comme Mobilise!, en collaboration avec le département de sexologie de l’UQAM.

    La COCQ-Sida gère aussi une dizaine de sites web souvent issus de campagnes de prévention et de sensibilisation comme Prêt pour l’action, Dans mon sac, Se faire dépister, J’pense positif… et toi?, un site de témoignages, etc. Il y a aussi le blogue I+I = 0. «On peut être très fier de tout ce qu’on a accompli jusqu’à aujourd’hui à la COCQ-Sida. Ce n’est pas qu’il n’y a plus de problèmes, on le voit encore avec la criminalisation, mais nous avons aussi de beaux défis devant nous pour le mouvement communautaire», de terminer Ken Monteith.

    INFOS : cocqsida.com

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