Beaucoup vous le diront, travailler dans le communautaire est, en soi, une vocation. Travailler pour la cause. C’est notamment le discours de Cynthia Eysseric, adjointe à la direction au Réseau des lesbiennes du Québec. Rencontre avec la jeune femme de 28 ans qui travaille pour la visibilité politique et sociale des femmes de la diversité sexuelle.
Native de Sainte-Agathe-des-Monts, Cynthia grandit dans les Laurentides. Après un DEC en théâtre au Cégep Lionel-Groulx, elle s’établit à Laval. « Je n’ai pas vraiment fait de coming out. Il n’y a pas eu une journée où j’ai fait : oyez, oyez, je vous l’annonce! » explique d’emblée Cynthia. « Au secondaire, j’étudiais dans un collège de filles, mais je ne pensais pas pouvoir tomber en amour avec une femme. Aussi, je me disais que toutes les lesbiennes étaient tomboy et butch, puis je ne le suis pas. Donc je me disais que ça ne pouvait pas être moi.
Arrivée au cégep, une fille avait un crush sur moi. Je ne l’avais pas remarqué, mais j’ai découvert plus sérieusement mon attirance avec elle. En même temps que moi, ma famille l’a découvert à ce moment. Je le regrette, car ça a créé beaucoup d’insécurité chez ma mère, qui questionnait ma sexualité », explique celle qui à l’époque n’arrivait pas, à mettre des mots sur sa récente découverte. Si Cynthia peut aujourd’hui exprimer son ressenti, elle avoue ne pas être friande des étiquettes, car « je n’ai pas envie de me mettre dans un carcan. Je crois en la fluidité, mais d’un point de vue politique je m’identifie comme lesbienne et je suis dans une relation lesbienne », explique celle qui est en couple avec Anne-Marie Leroux, qui figure dans le zine de Portraits JVL 2021.
Diplômée d’un baccalauréat en sexologie de l’Université du Québec à Montréal, en 2016, Cynthia détient également un certificat en entrepreneuriat et gestion de PME de l’Université Laval. Si la sexologie est un domaine d’étude peu orthodoxe, elle avoue provenir d’une famille ouverte au sujet de la sexualité : « Ma mère m’a enseigné très jeune que je devais apprendre à connaitre mon corps avant que quelqu’un d’autre le fasse. Plus jeune, je ne comprenais pas ce qu’elle voulait dire, mais aujourd’hui je me rends compte de l’impact que ça a eu sur ma vie », explique celle qui a travaillé dans un Sexe Shop durant ses études collégiales : « Ça m’a permis de comprendre les besoins des gens et les aider à rendre leur sexualité positive ». Ces concours de circonstances mènent la jeune femme à « réfléchir la vie avec des lunettes sexo ». Les préjugés subsistent et « je ne compte plus les fois où je me suis fait traiter de cochonne, car j’étudiais en sexologie… Mais c’est tellement plus que le sexe, c’est la relation à l’humain, à son corps, la perception en tant qu’être sexué…»
De ses études en sexologie, Cynthia s’intéresse aux communautés LGBTQ+. Après un stage à Jeunesse Lambda, elle intègre l’équipe du Réseau des lesbiennes du Québec (RLQ), en 2017, pour un contrat estival. « J’ai trouvé ça chouette de vivre la Fierté de l’intérieur; ça reste une de mes meilleures! De l’extérieur, on voit ce qui est capitaliste, les chars, les commanditaires, et de l’intérieur on prend conscience de toute l’organisation derrière l’évènement et on sent qu’on fait quelque chose pour notre propre communauté. Ça donne du pouvoir! » De ce fait, en 2020, en pleine période de pandémie, elle rejoint à temps plein les rangs de l’équipe du RLQ, à titre d’adjointe à la direction. Si les défis liés à la COVID-19 persistent, le communautaire possède déjà son lot de défis, explique Cynthia.
« On ne se rend pas compte du travail effectué par les organismes communautaires, car c’est souvent du travail invisible, de l’extérieur. Sans compter l’instabilité financière et la précarité des emplois, qui dépendent de l’octroi de subventions » explique celle qui travaillait jadis dans le milieu de la vente au détail. Cela dit, l’aspect militant et l’amour de la cause sont un point positif indéniable : « Dans la vente au détail, j’avais mon âme qui était en train de mourir à petit feu ; je ne faisais que contribuer au capitalisme et la pollution de la planète. Dans notre travail au RLQ, on a la chance d’être out et de pouvoir en parler et il n’y a pas vraiment de journée type.
Je fais beaucoup de tâches administratives, de la communication avec nos membres par le biais de l’infolettre, des médias sociaux, du site web. Ces temps-ci, j’assiste à des Assemblées générales annuelles d’autres organismes du milieu et mon rôle est de m’assurer qu’on n’oublie pas les lesbiennes et le terme lesbophobie, car c’est un enjeu pour notre communauté. » D’ailleurs, c’est son intérêt pour le féminisme, qui pousse Cynthia à vouloir travailler avec les femmes et à défendre leurs droits, explique celle qui souligne que la mauvaise perception qu’on les jeunes du féminisme est d’abord dû à un manque d’éducation : « À force d’en apprendre sur le mouvement, j’en ai compris tout son sens. Mais on ne l’enseigne pas assez aux jeunes.
On tient pour acquis que les droits sont là… » Le féminisme est inhérent à la visibilité lesbienne et le RLQ organise annuellement la Journée de visibilité lesbienne, à laquelle travaille notamment Cynthia : « Le plus grand défi des femmes a toujours été, selon moi, de prendre leur place et se rendre visibles. Cette année encore, nous avons eu des modèles très intéressants. Les gens ne veulent pas être réduits à leur orientation sexuelle, mais considérés pour l’ensemble de leur être et c’est pour cette raison, je crois, que les personnalités publiques sont réticentes à s’afficher.
C’est l’objectif de toute lutte de dire : oui, on existe, mais on est des personnes avec de multiples facettes! » D’ailleurs, Cynthia n’hésite pas à afficher sa facette de modèle, sur instagram : « Ma mère fait de la photo et j’ai commencé à m’exprimer de cette façon. J’aime parler à travers mon corps et participer à créer des œuvres. Au premier coup d’œil, je n’ai pas l’air d’être lesbienne, ou de me battre contre les stéréotypes. Assumer qui l’on est, s’exposer fièrement est, en soi, une façon de combattre les préjugés ».
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