Le bleu ne va pas à tous les garçons

0
908

Peu d’ouvrages ont évoqué avec autant de talent la réalité d’un jeune homme gai afro-américain grandissant au cœur d’une Amérique où, la plupart du temps, il n’est pas en mesure de se retrouver puisqu’il n’y est pas représenté. Journaliste et militant, c’est à l’âge de 33 ans que George M. Johnson porte son regard vers une enfance pas si lointaine afin de rédiger ce qu’il qualifie de mémoire et de manifeste puisqu’il s’agit plus que de la simple évocation de sa jeunesse et de son passage à l’âge adulte, mais bien également d’y porter un regard critique, que ce soit au niveau culturel ou politique.

Au cœur d’un maelstrom de souvenirs familiaux (notamment sa relation avec sa grand-mère), d’amitiés, d’apprentissages, d’intimidations scolaires et de découvertes, il ne faut donc pas être surpris que s’y dressent des réflexions en lien avec des sujets qui les dépassent tout en s’y inscrivant pleinement: l’homophobie, l’identité sexuelle et de genre, la masculinité toxique, la notion de consentement, la famille et la communauté. Ayant vécu son enfance dans la classe moyenne du New Jersey, où régnait une prédominance blanche, c’est lorsqu’il fréquente une université en Virginie où la population estudiantine est surtout noire, qu’un choc identitaire se met en place.

Comme il le souligne bien : « Dans la communauté blanche, on me voit d’abord comme un homme noir. […] Dans la communauté noire, […] ce n’est pas tout de suite mon identité d’homme noir qui est remise en question. C’est ce chevauchement avec mon identité queer dont on se sert pour diminuer mon identité noire et l’image générale des hommes de couleur ». George M. Johnson ne se contente cependant pas d’évoquer son passé et les constats qu’il est possible d’en tirer, mais souligne également l’importance de prendre sa place et de s’inscrire pleinement au cœur de l’histoire, du discours et du langage (notamment au regard du « mot en N »). Le menu peut sembler robuste et certains pourraient craindre une lecture pesante, mais rien n’est moins vrai puisque le ton demeure au contraire toujours familier et accessible, presque léger malgré la lourdeur de certains sujets.


On progresse donc avec l’auteur, au fil de ses souvenirs vers cette réalisation qui devient éventuellement son point d’ancrage : « Je suis noir. Je suis queer. J’existe ».

INFOS | Le bleu ne va pas à tous les garçons / George M. Johnson. [France] :
Éditons De Saxus, 2021. 285p. (Ellipsis)

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here