Mercredi, 15 janvier 2025
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    Vivre avec le VIH depuis 10, 20 ou 30 ans…

    André, Léopold et Mathieu vivent avec le VIH depuis plusieurs années. Leur vie en a été bouleversée à jamais et les a obligés à faire des choix auxquels ils ne s’attendaient pas. Mais ils ont appris à vivre avec le virus, tout comme ils ont dû intégrer la perception que leur renvoyait la société. Des parcours de vie qui ne peuvent que nous interroger, que l’on soit ou non séropositif.


    André : vivre le moment présent
    André, aujourd’hui à la retraite, a été diagnostiqué en 1985. «À l’époque, je passais beaucoup de fins de semaine dans les sex clubs de New York. J’habitais à Québec et avec un groupe d’amis, on louait un minibus pour se rendre à New York. On parlait d’un cancer gai, on ne savait pas trop comment il s’attrapait, mais on savait qu’on pouvait savoir si on était contaminé ou non par une prise de sang. J’ai dû insister pour être testé car seuls ceux qui présentaient des symptômes pouvaient passer le test. J’ai tellement insisté qu’on a accepté de me le faire passer et j’ai donc découvert que j’étais séropositif. Comme je n’avais aucune maladie opportuniste, j’ai vécu plus de 10 ans avant de commencer une médication à la fin des années 90.»
     
    Face à un avenir hypothéqué, André décide de choisir de vivre le moment présent. «Ayant une échéance de vie peut-être plus courte, je n’ai jamais eu de plans de carrières, je n’ai jamais mis d’argent de côté, pensant que tout pouvait s’arrêter demain… et pourtant je suis encore là à 62 ans». Jusqu’à la trithérapie, je dois dire que l’inquiétude n’était jamais très loin. Dès que j’avais un rhume, une grippe ou une gastro, je paniquais totalement, c’était la fin du monde – en fait de mon monde. Mon entourage ne comprenait pas que je perde pied pour un simple rhume. Comme beaucoup d’autres, je n’ai pas dit tout de suite autour de moi que j’étais séropositif, par peur des réactions, puis à peu près au même moment que la prise de médicaments, je m’en suis ouvert et tout s’est très bien passé.»
     
    Côté sexuel, André se protège dès l’annonce de sa séropositivité. «Le condom ne m’a jamais dérangé et à la fin des années 80, dans les sex clubs, avec les partenaires occasionnels, le condom était toujours présent, se protéger était devenu naturel». La médication va lui apporter une certaine sérénité. «Quand j’ai commencé à prendre la trithérapie, j’ai cessé d’avoir peur du lendemain. D’autant que j’ai été chanceux puisque je n’ai jamais développé de maladies en lien avec le virus au cours de ces années, que je supporte bien la médication et que ma charge virale est indétectable depuis longtemps. Alors tout va bien. Je me considère chanceux. Je crois que de vivre au jour le jour sans angoisser sur l’avenir fait partie de ma nature, et c’est encore le cas aujourd’hui. En fait, j’ai vécu et je vis encore comme un éternel adolescent.»

     
    Léopold : ne pas renoncer
    Léopold a aujourd’hui 73 ans et se sait séropositif depuis 1990. Il a un parcours de résistance. «J’étais au tout début d’une relation et mon chum et moi avions décidé de nous faire tester; c’est là que la terrible nouvelle est tombée. J’ai cru que ma vie s’arrêtait là car à l’époque la grande majorité de ceux qui étaient diagnostiqués avec le VIH mouraient dans les mois ou l’année qui suivait, et je pensais que je ferais partie du lot. Trois mois après le diagnostic, j’ai fait un premier infarctus, et les problèmes cardiaques n’ont pas cessé jusqu’à aujourd’hui. Bien évidemment, je n’en ai parlé à personne à l’époque tellement nous étions perçus comme des pestiférés. Dans la même année j’ai été renvoyé de mon travail en raison de mon homosexualité. C’était beaucoup. Avec mes problèmes de santé qui n’étaient pas liés au VIH, je n’ai plus jamais travaillé. J’ai aussi fait deux grosses dépressions tellement il m’était difficile de vivre avec la pression que je ressentais au quotidien, avec la façon dont on parlait des personnes atteintes.»
     
    Après son diagnostic, Léopold revoit ses pratiques sexuelles. «Dans les mois qui ont suivi, je n’ai choisi que des partenaires ou des conjoints séropositifs. C’était plus simple. Je n’avais plus à le dire ou à le cacher. J’étais plus à l’aise, moins stressé, puisqu’on vivait la même chose».
     
    À l’arrivée des trithérapies, Léopold reprend espoir. Espoir qu’il a retrouvé en fréquentant la Maison Plein Coeur. «En trois mois de médication, ma charge virale était devenue indétectable, mais je m’étais engagé à faire du bénévolat à la Maison Plein Coeur depuis longtemps. Ça me permettait de partager avec d’autres personnes qui étaient passées par le même chemin que moi. Ça me permettait aussi de me tenir au courant des différents progrès de la médecine pour combattre le virus. En fait, à la Maison Plein Cœur, j’ai trouvé une famille. J’ai accompagné beaucoup de gars qui sont morts des suites du sida. Ça m’a beaucoup appris, et puis ça me préparait aussi peut-être. En fait, je suis allé chercher de l’aide. J’ai beaucoup donné, mais j’ai aussi beaucoup reçu.»
     
    La vie de Léopold a aussi été marquée par les maladies. «Je souffre de neuf maladies chroniques et je prends une cinquantaine de pilules par jour. J’ai souvent frôlé la mort, mais à chaque fois je remonte la pente. Comme mon bénévolat à la Maison Plein Coeur m’apporte un certain équilibre, une raison d’exister, alors je continue.»

     
    Mathieu : se comprendre et s’accepter
    Mathieu vient d’entamer sa dixième année en tant que séropositif. C’est dans la nuit du 1er janvier 2011 qu’il l’apprend. «Ç’a commencé une année noire pour moi, puisque quelques jours après, le père du partenaire que j’avais eu m’apprenait que son fils s’était suicidé après avoir été diagnostiqué séropositif. Ç’a été une année très difficile. Je ne savais plus comment vivre avec ce poids sur les épaules. D’autant que j’ai aussi perdu mon emploi. J’ai mis plusieurs ans avant de reprendre pied professionnellement. Mais je n’allais pas mieux dans ma tête. J’ai fait une dépression qui a duré plus de deux ans. Je me demandais comment les autres faisaient pour vivre avec ce poids-là. J’aurais voulu m’ancrer dans la réalité et je n’y arrivais pas. Ma vie n’avait plus aucun intérêt».
     
    «Il n’y avait que deux autres personnes au courant de ma séropositivité, dont une amie qui était avec moi lorsque j’ai reçu le diagnostic. Je me souviens que je l’ai laissée là tout de suite après et que je suis parti marcher dans les rues, complètement perdu dans ma tête. Il m’a fallu du temps pour être capable de le dire à d’autres personnes, dont aux membres de ma famille. Mon père n’a jamais été dans le jugement et s’est tout de suite informé en faisant des recherches. Pour ma mère, ç’a été beaucoup plus difficile.

    On ne parle plus beaucoup du sida, comme si c’était réglé, et beaucoup ne connaissent pas ce que vivent les personnes séropositives. Je crois qu’il est important qu’on en parle, qu’on rappelle que le sida, ce n’est pas fini.»
     
    Malgré les difficultés qu’il rencontre, Mathieu ne renonce pas et cherche à remonter la pente. «Je suis allé à la Maison Plein Coeur, où j’ai rencontré des gars qui vivaient la  même chose que moi. J’ai d’abord écouté avant de pouvoir partager ce que je ressentais. Ça s’est fait progressivement. J’ai encore rencontré des embuches avant de pouvoir vraiment aller mieux, mais ç’a pris beaucoup de temps. Je pense que ce que j’ai vécu m’a rendu plus fort. Aujourd’hui, à 43 ans, je me comprends mieux, je prends mieux soin de moi, ce que je ne faisais pas avant. Maintenant, je sais me rendre service. J’ai aussi développé un bon sens de l’autocritique, et j’ai développé une meilleure estime de moi. Je reste encore disponible pour les autres, mais je ne m’oublie plus.» 

    Le 1er décembre, le public est invité au Centre St-Pierre (1212, rue Panet), de 18:30 à 21:00 pour une soirée de discussions et d’échanges sur le vécu des personnes qui ont fait l’histoire de la lutte contre cette maladie. Cet évènement est organisé par le Dr Jean-Pierre Routy, infectiologue au Centre hospitalier de l’Université McGill et coprésident local de la Conférence internationale sur le sida (en juillet prochain) et par le Réseau Sida-MI. Une retransmission virtuelle est également offerte sur la plateforme Zoom (mais il faut s’inscrire auparavant pour obtenir le lien).

    INFOS | Pour inscription : Mario Legault à l’adresse courriel [email protected]

    au Centre St-Pierre, salle 100 – Marcel Pépin, rez-de-chaussée, 1212, rue Panet (entre rue Ste-Catherine et boulevard René-Lévesque).

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