Alors que Camille et son conjoint planifient une petite soirée bien tranquille, dans leur petit chez-soi montréalais, les deux hommes sont confrontés aux insultes de leur fille adolescente qui a découvert une ancienne entrevue où son père dévoilait sa sexualité et sa non-binarité. Le choc de cette réaction démesurée amène Camille à replonger dans un passé encore douloureux. En 2003, il réside à Paris et n’est encore qu’un jeune homme qui ne sait comment interpréter les sentiments ambigus qu’il ressent face à son corps et celui des autres.
Il consacre toute son énergie à l’étude de la danse classique et cherche avant tout à éviter les insultes et l’intimidation. Il sait qu’il est gai, mais ne peut s’empêcher d’entretenir un sentiment diffus, voire un malaise, au regard de sa masculinité. Il ressent bien une certaine fascination pour les femmes sans cependant pouvoir se l’expliquer puisqu’il ne ressent pas de réels désirs.
Entre une mère puritaine et une série d’abus sexuels, il éprouve un mal de vivre dont il ne trouve d’apaisement que dans la drogue et une sexualité frénétique et anonyme. En parallèle, l’auteur trace également le portrait d’une adolescente de 11 ans, Géraldine, qui s’entraîne pour devenir patineuse professionnelle et s’enorgueillit de ne pas avoir encore traversé la puberté. Identité de genre et transidentité sont au cœur d’une démarche à la fois commune et profondément différente qui anime les deux personnages. Dans l’un et l’autre cas, c’est par touche progressive ou par l’intermédiaire de gestes souvent anodins, que l’auteur révèle ce qui anime leur passé ou leur recherche identitaire. Au détour d’une page, Camille évoque ainsi un homme de 30 ans qui a couché avec lui alors qu’il n’en avait que 13 : un geste qu’il avait alors cru amoureux, mais qu’il réalise maintenant n’être que manipulateur.
De son côté, malgré son jeune âge, Géraldine se réapproprie son identité via une coupe de cheveux toute simple qui vient pourtant affirmer sa volonté d’éradiquer une féminité bourgeonnante et par trop étrangère. Alex N., pseudonyme de l’artiste Alexandre Nolet, est né en France, mais réside à Montréal depuis plusieurs années. Le requiem du danseur a remporté le Prix du roman gay 2022 et annonce d’emblée une suite puisque, après avoir bien campé ses personnages et ses enjeux, il se conclut par une série de questions dont on ne peut attendre les réponses qu’avec impatience.
INFOS | Le requiem du danseur / Alex N. Strasbourg : Écho éditions, 2021, 192 p. (Érotique)