Une manifestation de membres conservateurs et religieux (toute religion confondue), pour s’opposer aux mesures visant à améliorer la vie des enfants trans et non binaires, a suffi à créer un émoi au sein du gouvernement Legault. Surpris, il a proposé dans la foulée la création d’un comité de sages qui selon les propos du premier ministre «examinerait les deux côtés de la médaille».
Loin de moi de condamner celles et ceux dans la population québécoise qui se posent des questions sur cette arrivée dans le paysage sociétal de la question trans et surtout de la question des enfants trans et non-binaires. Je peux comprendre leur inquiétude mais n’est-ce pas au gouvernement de rappeler les valeurs fondamentales du Québec d’ouverture et d’inclusion et de les rassurer, plutôt que d’endosser et faire leurs, les inquiétudes de ces populations. En ce sens, le ministre de l’Éducation, Martin Drainville, tout comme le Premier ministre ont eu des déclarations qui peuvent inquiéter.
De même, nos organismes communautaires n’ont pas su répondre de façon unitaire et claire à ces manifestants de droite et d’extrême-droite. Bien sûr, il y a eu des contre-manifestations mais on aurait souhaité avoir une réponse collective bien plus forte et bien plus médiatique.
Avant de proposer un groupe de réflexion autour du genre et de la non binarité, il aurait peut-être été d’utile de se référer au travail déjà réalisé et avalisé par le ministère de l’Éducation dans de ce domaine. Le guide à l’intention des milieux scolaires, Pour une meilleure prise en compte de la diversité sexuelle et du genre, consultable en ligne (education.gouv.qc.ca) n’a pas été mentionné par le ministre de l’Éducation dans ses déclarations. Ce guide a été conçu à partir des travaux de professionnel.le.s, de chercheurs.euses et d’intervenant.e.s sur le terrain. Il apporte des réponses aux craintes légitimes d’une partie non informée de la population.
On peut donc se demander si la mise sur pied d’un comité des sages sous la responsabilité de la ministre de la Famille, n’est pas une façon pour le gouvernement de tenter de rassurer une partie de la population et de son électorat (les gens comme les appelle Martin Drainville) en repoussant dans les semaines et les mois à venir une prise de position. On espère sans doute que le soufflé retombera de lui-même, effacé par un autre sujet chaud d’actualité. Une mesure temporaire pour calmer le jeu.
D’autant que, comme l’ont rappelé plusieurs leaders communautaires dans des entrevues dans les médias, il n’y a pas besoin de créer un comité quelconque pour répondre aux interrogations de certain.e.s et pars uniquement sur les questions trans, mais on pourrait aussi élargir cela à la question non-binaire et les toilettes dans les écoles, tant qu’à y être.
Comme je l’ai mentionné ci-dessus, il existe déjà un guide (intitulé Pour une meilleure prise en compte de la diversité sexuelle et de genre) à l’intention des milieux scolaires. Ce guide du ministère de l’Éducation est le produit d’un travail de réflexion et de consultation sur plusieurs mois est disponible facilement sur le site du ministère. Ça ne s’invente pas…
On aurait souhaité que le Premier ministre du Québec et son ministre de l’Éducation rappellent la Charte des droits et libertés de la personne, aussi imparfaite soit-elle, qui ne s’adresse pas seulement aux nouveaux immigrant.e.s mais à toute la population québécoise. Une occasion manquée par le gouvernement de rappeler la primauté du respect de la personne avant de se positionner sur la nécessité de réfléchir à ce que l’on pourrait faire ou non pour le bien-être des enfants trans et non-binaires. En ayant en arrière-plan, cette valeur première, et en la rappelant, les parents et autres inquiets pourraient aborder le sujet avec beaucoup plus de bienveillance.
A-t-on réellement besoin d’un comité de sages, aussi sages soient-ils, soient-elles? Rappelons que les recherches sont là, les intervenant.e.s sur le terrain sont là aussi. On pourrait aussi donner la parole – et surtout l’écouter – aux premièr.e.s intéressé.e.s, c’est à dire les enfants trans et non binaires. Ces enfants ne feront pas partie du fameux comité, on s’en doute. Leur corps et leur expression ne leur appartiennent pas, trop jeunes pour être « sages » et trop jeunes pour prendre des
décisions éclairées.
Dans cette polémique qui a éclaté, on aurait aimé entendre un peu plus, la ministre responsable du bureau de lutte contre l’homophobie et la transphobie, Martine Biron. Certes dans les quelques interventions faites devant les médias elle a rappelé qu’elle se souciait du bien-être des enfants trans et non-binaires mais a laissé toute la latitude à ses collègues pour calmer la tempête. Martine Biron ministre ne pilotera pas le comité des sages, laissé aux bons soins de sa collègue la ministre de la famille, Suzanne Roy, sans que l’on comprenne réellement ce choix par le Premier ministre…
Doit-on comprendre que ce comité de sages en sera un de parents?
Impossible de ne pas conclure devant la petitesse de ce combat à mener. En quoi le fait qu’un.e enfant décide de choisir le prénom qui semble mieux lui correspondre ou qu’encore qu’il ou elle décide de s’identifier à un à un autre ou à aucun puisse soulever autant de discussions, de réprobations, de contestations. Il s’agit seulement de faciliter sa vie au quotidien, de l’accompagner sur le chemin pour qu’il ou elle puisse être pleinement. Assez simple à comprendre. Non ?