Last call : meurtres en série dans le milieu gay new-yorkais

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En 1991, New York est secouée par une série de meurtres qui visent exclusivement des hommes fréquentant les bars gais de Manhattan. Les victimes sont retrouvées, finement dépecées, dans des sacs à ordure le long des routes des États avoisinants. L’histoire devrait avoir marqué l’imaginaire, mais elle a pourtant sombré dans l’oubli jusqu’à ce qu’elle soit ramenée au grand jour par Elon Green.

Selon l’auteur, cette amnésie surprenante s’explique du fait que l’imaginaire autour des tueurs en série s’est construit autour de victimes qui sont avant tout des femmes blanches, alors qu’il s’agit ici d’hommes gais. À une époque où la police new-yorkaise et le grand public affichaient une indifférence marquée à l’endroit de la communauté LGBTQ, nulle surprise que cette tragédie ait été balayée sous le tapis de l’histoire.

Fort d’une recherche exhaustive, l’ouvrage ne se contente pas de faire défiler les détails de chacune des découvertes sordides, mais s’applique au contraire à brosser le portrait d’une époque trouble où la communauté gaie émerge de l’ombre, mais se heurte à une homophobie marquée des forces policières et à une anxiété du public alimentée par l’épidémie du sida. Inutile de dire qu’un lot de victimes avant tout constituées d’hommes dans le placard ou de prostitués n’était pas pour générer un grand capital de sympathie. À l’encontre de la plupart des ouvrages touchant aux tueurs en série, l’attention se porte avant tout du côté des victimes plutôt que de leur tortionnaire. À l’aide de multiples
entrevues, l’ouvrage redonne vie à la complexité de ces hommes plutôt que de les réduire à des clichés unidimensionnels.

Dans la même veine, il évite le piège de présenter le tueur comme un génie du crime, mais le ramène à ce que ces meurtriers en série sont généralement : des êtres peu intelligents qui s’infiltrent, le plus souvent par hasard, à travers les mailles d’un système. En l’occurrence, l’indifférence des policiers dès qu’une victime n’est pas caucasienne et hétéro. Ce constat est d’ailleurs illustré avec brio lorsque le passé du tueur révèle la clémence d’un juge, alors même qu’il est manifestement coupable de meurtre, en raison d’une défense axée sur la « panique gaie » : une folie temporaire générée par les avances d’une personne du même sexe. Un ouvrage fascinant qui se révèle le complément idéal pour approfondir le visionnement de la série HBO, portant le même titre, sur laquelle elle est d’ailleurs basée.

INFOS | Last call : meurtres en série dans le milieu gay new-yorkais / Elon Green. France : Sonatine, 2023, 320 p.

Autres articles : https://www.fugues.com

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