Vendredi, 18 avril 2025
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    Héros de notre histoire; David Lefneski

    On connaît hélas la position rétrograde de la religion à l’égard de l’homosexualité, considérée comme une abomination, un péché contre nature. Heureusement, il existe aujourd’hui des exceptions, lesquelles s’avèrent rarissimes chez les hommes d’église. Le pasteur David Lefneski est de ceux-là, son courage et sa détermination faisant de lui un véritable héros de notre histoire.

    Après avoir grandi au sein de la société fondamentaliste de Guelph, en Ontario, il s’installe au Québec au début des années 1980. Marié et père de deux enfants, il fonde une paroisse à Montréal-Nord à titre de pasteur pentecôtiste. Un poste qu’il occupe durant huit ans avant d’être carrément banni : « Chaque fois que j’ai changé d’Église, confie-t-il, c’était pour des raisons d’exclusion. Lorsque j’ai embrassé un homme pour la première fois à 27 ans, j’ai été expulsé de la paroisse le dimanche suivant 1. » Il se retrouve ensuite pendant dix ans à l’Église presbytérienne Saint-Luc, à Rosemont, d’où il est aussi renvoyé parce qu’il est homosexuel. Il précise : « Quand j’ai assumé que mon amour pour un homme gai était un bon amour, j’ai dû partir. Encore une fois 2. » Lors d’une entrevue, David Lefneski précise : « J’ai fait mon coming out progressivement et j’ai senti alors que mon orientation était aussi un enjeu pour d’autres gens 3. »

    À partir de 1998, il officie à Verdun, à l’Église unie du Sud-Ouest laquelle, signale-t-il, « est née en 1925 de la fusion des églises presbytériennes, méthodistes et congrégationnelles du Canada. C’est après de longs débats et discussions qu’un consensus s’est dégagé, permettant une ouverture aux LGBT. Depuis ce temps, tous les membres de cette église, sans discrimination, femmes, hommes, hétéros, homos et trans, peuvent répondre à l’appel et devenir pasteurs 4. » Il ajoute : « Ça a pris plusieurs années de conversations avec les anciens, avec les membres de la paroisse, avec la communauté. […] Marier deux femmes, deux hommes, un musulman avec une chrétienne. Ça s’est fait une question à la fois. On a prié. On s’est chicanés. On a parlé. Toujours dans le respect 5. »

    En plus d’être le père de Mark et de Luke, David Lefneski décide un jour de constituer une famille d’accueil, ayant neuf jeunes à sa charge sur 20 ans, jusqu’à l’été 2021. Une initiative qui ne se fera pas sans heurts. En effet, la situation s’est compliquée lorsqu’il a voulu adopter un garçon de 9 ans et que la mère l’a accusé d’être un pédophile. Il a donc résolu de soulever la question avec ses supérieurs et sa communauté, lesquels l’ont appuyé sans réserve. Autre initiative originale : conscient qu’il vit au Québec, il choisit dès le départ de s’ouvrir au fait français même s’il pratique au sein d’une population majoritairement anglophone. Il prêche donc en français, tentant ainsi de jeter des ponts entre les anglophones et les francophones — que certains ont déjà nommé les « deux solitudes ».

    Avec Greg Tudeski et Alain Audet, il a créé le groupe Papa-Daddy avec l’objectif de militer pour les droits d’adoption chez les hommes gais. Le regroupement a fusionné plus tard avec les mères lesbiennes et est devenu les Familles Homoparentales. Il a également fondé la Mission du Sud-Ouest où l’on sert des repas communautaires : « Il s’agit de casser l’isolement, en plus d’offrir une sécurité alimentaire. D’ailleurs, un calendrier présentait chaque mois les initiatives qui permettent aux Verdunois de manger à prix modiques, d’avoir accès à une banque alimentaire et aux cuisines collectives 6. »

    En 2019, David Lefneski choisira de quitter la paroisse après vingt ans de bons et loyaux services afin de s’établir à Cowansville dans les Cantons-de-l’Est comme leader spirituel de l’Église Unie Emmanuel — dont l’origine remonte à 1844. Récemment, il a contacté le regroupement Sexuality and Gender Alliance (SAGA), constitué d’élèves de l’École secondaire Massey-Vanier et du professeur responsable. Il les a invités à participer à l’événement « Souvenirs des Trans à Emmanuel ». Un geste qui démontre bien qu’il continue de lutter avec ténacité pour une vision qui soit toujours plus inclusive.6

    NOTES :

    1. Philippe Jean Poirier, « Pasteur de la diversité », Le Devoir, 15 avril 2017.
    2. Ibid.
    3. Tracey Arial, « Unapologetically Canadian Episode 2 : Building Community with David Lefneski », Arial View, 6 mars 2018 : https://traceyarial.com/blog/en/david-lefneski. Consulté le 2 décembre 2022. Traduction de l’auteur.
    4. Patrick Brunette, « Pasteur David Lefneski. Conjuguer homosexualité et religion »,
      Fugues, 26 mars 2015.
    5. « Quand l’innovation tend à être organique », Aujourd’hui Credo, 15 octobre 2017 :
      https://egliseunie.ca/quand-linnovation-tend-a-etre-organique. Consulté le 30 novembre 2022.
    6. Sophie Poisson, « Mission du Sud-Ouest ferme après 12 ans de services », journal Métro,
      30 novembre 2022.»

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