Si vous êtes une lectrice ou un lecteur assidu de ma chronique, vous connaissez déjà mon amour des Jeux olympiques et ce désir avorté d’avoir voulu un jour y participer. C’est pourquoi cette chronique offre un retour sur les JO de Paris, en mettant de l’avant, bien sûr, la gent féminine.
D’entrée de jeu, je dois avouer avoir été soufflée par la cérémonie d’ouverture. Bien sûr, Céline m’a fait pleurer et sa performance d’un classique de Piaf était d’autant plus émouvante après avoir visionné le documentaire I Am : Céline Dion. Si vous n’avez pas encore vu cette réalisation d’Irene Taylor Brodsky, courez la voir sur Amazon. L’autre vedette de la cérémonie d’ouverture est sans conteste La Ville Lumière, représentée par ses monuments historiques qui, à l’instar d’autres villes européennes, ont survécu à la Seconde Guerre mondiale et au passage du temps. Ainsi, on peut y voir la conciergerie se faire le théâtre du passé guillotiné de Marie Antoinette, aux sons de la chanteuse lyrique franco-suisse Marina Viotti, accompagnée du groupe de métal français Gojira. Sans oublier la superbe Tour Eiffel
illuminée dans un jeu de sons et lumières arborant les anneaux olympiques. À n’en point douter, Pierre de Coubertin, natif de Paris et fondateur des Jeux olympiques modernes, devait jouissivement se retourner dans sa tombe. Parlant de défunts marquants, le metteur en scène Thomas Jolly a présenté, lors du tableau intitulé « Sororité » dix statues de femmes ayant marquées l’histoire. Ces statues se sont donc élevées de chaque côté du fleuve tout près de l’Assemblée nationale et elles vont par la suite prendre place dans Paris, parce que l’on sait que cette édification statuesque est davantage réservée aux hommes; la femme, lorsqu’elle est édifiée c’est avant tout pour montrer ses plus beaux atours, selon le regard de l’artiste masculin… Bref, ces « femmes en or » choisies pour les JO sont Simone de Beauvoir, Olympe de Gouges, Simone Veil, Alice Milliat, Gisèle Halimi, Paulette Nardal, Jeanne Barret, Christine de Pizan, Alice Guy et Louise Michel. Dans leurs domaines respectifs, elles ont toutes fait avancer les droits des femmes. Mentionnons l’athlète et militante féministe française Alice Milliat (1884-1957), qui était nageuse, hockeyeuse et rameuse. Elle est à l’origine de la Fédération sportive internationale féminine (FSFI) et connue pour son militantisme en faveur de la reconnaissance du sport féminin de haut niveau.
« Ils nous refusent le droit au muscle parce qu’ils veulent rester les plus forts. Mais ils auront beau faire, notre sexe aura du biceps et du jarret, et ce sera tant pis pour vous, messieurs les tyrans! Le muscle de la femme est en route et rien ne l’arrêtera » (1), déclarait-elle en 1921.
Certaines tribunes et internautes ont reproché à Thomas Jolly (ouvertement homosexuel) d’avoir « imposé » un spectacle « wokiste, décadent, LGBT », mais j’y ai plutôt vu un spectacle inclusif et carte postale de Paris, qui avait cette volonté de rassembler toutes les générations, couleurs, grosseurs et orientations, en faisant honneur à la ville hôte, ses habitants et ses joyaux, soulignant certaines valeurs universelles des JO, dont le dépassement de soi et la solidarité. Et ce, sous le couvert de
l’humour. Clairement, certains n’entendent pas à rire… Notamment, en lien avec la performance de l’auteur-compositeur français Philippe Katerine. Peint en bleu, il a chanté sa chanson « Nu » entouré de drag queens dans un tableau vivant de la toile Le Festin des dieux peintre néerlandais Jan van Bijlert. Cependant, certains chrétiens vexés l’ont interprété comme étant La Cène de Léonard de Vinci (qui représente le dernier repas de Jésus avec ses apôtres). Si la couronne de la DJ lesbienne Barbara Butch (en arrière-plan) a pu faire penser à celle du Christ à certains spectateurs, le metteur en scène Thomas Jolly a précisé que cette scène était « une grande fête païenne reliée aux dieux de l’Olympe »
avec Dionysos/Bacchus et sa grappe de raisins en avant-plan. Néanmoins, en entrevue à CNN, le chanteur s’est excusé auprès des « chrétiens du monde » offensés par sa performance. Mais qui donc s’offense de toutes ces femmes qu’on a objectifiées sur maintes toiles dans les musées, ou lors d’autres cérémonies d’ouverture? Celles qui sont absentes des fresques de la religion catholique, servantes de l’institution, cachées pour servir les « apôtres de la foi »? Qui demande pardon pour ça?
Qui tente de faire cesser ces pratiques qui mettent de l’avant une misogynie banalisée au sein d’une
hétérosexualité toujours valorisée, de génération en génération? Qui s’insurge de cela? Et je n’ai même pas mentionné ces femmes violées/abusées par les prêtres… Mais il ne faudrait surtout pas qu’un chanteur gras et peint en bleu se présente comme le buffet de la soirée, en chantant les mérites de la nudité…
Les J.O. de Paris, de retour un siècle après leur passage dans La Ville Lumière en 1924, se vantent d’offrir la parité, puisqu’ils comportent 5250 athlètes chez les hommes et autant chez les femmes. À savoir que cette parité n’est pas tout à fait atteinte au niveau des épreuves avec 157 épreuves masculines, 152 épreuves féminines et 20 épreuves mixtes (le 4x400m en athlétisme fut saisissant, comme la victoire des Pays-Bas!) On se réjouit que depuis 1991, toute nouvelle discipline aux JO doit obligatoirement comporter des épreuves féminines. Nous avons fait du chemin! En 1924, alors que la participation des femmes reste marginale (moins de 5%), la misogyne des sociétés de l’époque revendique la place de la femme à la maison, « elle est avant tout la compagne de l’homme, la future mère de famille et doit être élevée en vue de cet avenir immuable », pour citer le fondateur des JO modernes. C’est grâce à l’obstination d’Alice Milliat, militante du sport féminin, que les femmes font progressivement leur place aux JO, mais aussi à toutes celles qui représentent fièrement leurs disciplines, s’inscrivent dans le livre des records, remportent des victoires, qu’elles soient personnelles et/ou sacrées de l’or, de l’argent ou du bronze. High five à ces Canadiennes qui m’ont fait pleurer aux J.O. de Paris : la jeune sprinteuse québécoise Audrey Leduc s’est classée 12e au monde puis a battu le record canadien au 100 mètres (au même titre que l’équipe de relais féminine au 4x100m), ou encore la jeune nageuse torontoise de 17 ans qui a remporté tous les éloges (3 d’or et 1 d’argent) en natation : Summer McIntosh a fait de cet été, le sien! Enfin, pensons à ces athlètes qui se font le porte-étendard de deux drapeaux, canadien, et LGBT : la boxeuse beauceronne Tammara Thibeault, les poloïstes, Clara Vulpisi et Emma Wright, ou encore du côté de l’équipe de basketball féminine, les Ontariennes Kia Nurse et Natalie Achonwa. Sport d’équipe ou individuel, médaille ou pas, l’important c’est de participer avec toute sa force et son authenticité. Pourquoi défilez-vous ? Pourquoi prenez-vous part à cet évènement, que ce soit en marchant ou comme spectateur ou spectatrice ? Il est primordial de se questionner et de le faire pour les bonnes raisons.