Deux ans après sa sortie sur la chaîne AMC, la première saison de la série basée sur le roman éponyme d’Anne Rice fait une entrée remarquée sur Crave, en anglais et en français. Délaissant l’homoérotisme suggéré du film de 1994, mettant en vedette Tom Cruise et Brad Pitt, la série embrasse avec ferveur la sensualité, l’humour et la violence de l’œuvre originale.
Le charismatique Lestat de Lioncourt y est interprété par Sam Reid alors que Jacob Anderson prête ses traits à Louis de Pointe du Lac. L’action se déroule à La Nouvelle-Orléans, au début du 20e siècle et au cœur de luttes sociales. Louis est afro-américain et évolue au cœur d’une culture profondément raciste alors que Lestat jouit des privilèges que lui confèrent « naturellement » sa blancheur et son élégance européenne. Louis lance d’ailleurs une boutade à l’effet que Lestat n’est pas blanc : il est Français!
La série n’est pas une réinvention du film de 1994, puisqu’elle prend appui sur ce dernier. Le récit s’amorce sur le journaliste Daniel Molloy qui, 30 ans après les événements du film, reçoit un colis dans lequel se trouvent les bandes audios de l’entretien qu’il avait amorcées avec Louis. Les rencontres reprennent, mais le journaliste se fait un malin plaisir de souligner les contradictions qu’il relève au regard du précédent exercice. Une subtile référence aux incohérences entre les deux premiers volumes de la série d’Anne Rice puisque le tome 1 est relaté du point de vue de Louis et le second sur celui de Lestat.
Dès le départ, Louis invoque qu’il se sent maintenant plus libre d’évoquer certains éléments, notamment au regard de ses « préférences amoureuses ». En ce sens, la série télévisée s’arrime habilement avec les romans d’Anne Rice pour qui les vampires constituaient une métaphore des communautés queer qu’elle côtoyait alors qu’elle résidait à San Francisco.
Dans la série, Louis est tout sauf en paix avec les sentiments qu’il nourrit pour les hommes et Lestat s’emploie à le libérer de ses chaines et à réveiller des braises qu’il pressent ardentes. La sensualité du vampire s’exprime d’ailleurs symboliquement à l’écran par les cravates flamboyantes qu’il arbore au milieu d’hommes aux vêtements généralement ternes.
Le premier épisode culmine dans une scène passionnelle, magnifiquement poétique et sanglante, au cœur d’une église : Louis rend les armes et Lestat pourfend les représentants d’une institution pour qui les deux hommes constituent une abomination. Malgré toute la sauvagerie de la scène, sa démesure se révèle une véritable déclaration d’amour qui résonne au rythme des battements de cœur des deux hommes qui battent bientôt à l’unisson.
La série se distingue non seulement par la sensualité et la critique sociale dont elle est empreinte, mais également par un humour pince-sans-rire qui joue avec les codes du genre. Lors du premier partage à deux d’un cercueil, Lestat déclare finement « It’s okay, you can be on top ». On a également droit à une amusante conversation sur l’oreiller entre deux cercueils fermés.
Petit bémol autour de la langue de certains personnages présentés comme étant Français ou de descendance française. Pour un auditoire francophone, le décodage de leurs échanges relève parfois de la prouesse auditive. En ce sens, le doublage français permet de transcender cet agaçant écueil. À noter que, dans les premières minutes, le doublage semble maladroit, mais ne vient qu’illustrer le côté amateur d’un message publicitaire qui amorce la série.
Magnifiquement mis en image, la série se révèle un plaisir pour les yeux, mais également pour l’esprit. Les personnages sont complexes à souhait, parfois même bouleversants, et mettent habilement en scène la complexité des enjeux et les tensions qui les gouvernent.
INFOS | La première saison d’Anne Rice’s Interview With the Vampire (Entretien avec un vampire) est disponible, en anglais et dans un excellent doublage français, sur Crave. La saison 2 est tout aussi passionnante et on ne peut y attendre son arrivée qu’avec impatience.