Les adeptes de Révolution connaissent bien Jordan Raymond et Santiago Santamaria-Correa, l’étincelant duo qui s’est rendu en finale de la saison 2023 remportée par Gabrielle Boudreau. Pourtant, personne n’aurait pu prédire que ces trois interprètes formeraient un trio lors de la saison des étoiles et qu’iels offriraient un numéro sensuel sur la pansexualité en demi-finale.
Quelle était votre motivation à présenter ce numéro?
Santiago – L’année précédente, on avait raconté une histoire sur un événement très marquant pour Jordan. Gabrielle l’avait fait aussi. On avait donc envie que je mette de l’avant quelque chose qui me représente. J’ai l’impression de ne pas correspondre aux stéréotypes queers. Pourtant, c’est une grande partie de qui je suis. Cette zone grise a toujours occupé beaucoup d’espace dans ma tête. Elle fait partie de mes choix artistiques, de partenaires et d’amis.

Jordan, pourquoi as-tu accepté de partager un aspect très personnel de Santiago?
Jordan – C’est mon ami et je veux le soutenir. Je le trouvais courageux de faire ça, car il a parfois peur de s’ouvrir. Quand on apprend à le connaître, on voit d’abord la première couche qui est super cool, mais peu de gens ont accès aux facettes plus personnelles et profondes de sa personne. J’avais envie de l’encourager là-dedans. C’était à son tour de s’exprimer.
Que vouliez-vous dire sur ce sujet?
Santiago – Je ne voyais pas le numéro comme un coming out. Les gens autour de moi sont au courant que je suis un homme pansexuel. J’avais envie de représenter cette zone grise dans laquelle on se retrouve quand on est étiqueté. Je l’ai ressenti avec ma sexualité, mais les gens peuvent le ressentir autrement, comme en danse. Dans notre communauté artistique, les gens s’étiquettent souvent avec un style pour définir les danseurs qu’ils sont. Mais quand certaines personnes veulent explorer d’autres styles, elles se retrouvent dans une zone grise et se sentent rejetées par certains danseurs plus puristes. J’ai senti la même chose avec les étiquettes associées à la sexualité. Quand tu te situes sur un bout du spectre, tu ressens peut-être une appartenance plus claire à un groupe, tandis que moi, mon questionnement me faisait sentir moins appartenir.
Comment l’avez-vous raconté dans une chorégraphie?
Jordan – On a concentré nos mouvements sur la connexion entre chaque personne, en mettant légèrement l’accent sur le lien entre Gabrielle et Santiago, et celui entre moi et Santiago. On voulait représenter les deux extrêmes, l’hétérosexualité et l’homosexualité, en montrant que Gabrielle et moi étions en amour avec Santiago, mais qu’il y avait une incompréhension face à cette zone grise-là.
Santiago – Sur scène, les armoires représentaient le cocon où je me sens bien, alors que Jordan et Gabrielle étaient plus à l’aise à l’extérieur. Le cocon les rendait inconfortables. On a imaginé une sorte de va-et-vient tout au long du numéro : je m’approchais d’eux et je m’en éloignais sans arrêt.

Quels sont les préjugés associés à la pansexualité?
Santiago – Quand on parle de pansexualité et de bisexualité, il y a beaucoup d’incompréhension. Plusieurs personnes pensent que ces orientations sexuelles touchent surtout les femmes. Je constate que les hommes se les approprient beaucoup moins. Il y a encore un stigma. Dans notre société hétéronormative, les gens voient peu les hommes dans cet entre-deux. J’avais envie de montrer qu’on existe. Après la diffusion du numéro, bien des gens m’ont texté qu’ils s’étaient sentis vus.
À l’origine, comment êtes-vous devenus partenaires de danse?
Jordan – On se connaît depuis bientôt dix ans. On dansait dans le même studio à Boisbriand. On se voyait sans se parler nécessairement. Un jour, on a changé de studio et on a commencé à discuter davantage. On a réalisé qu’on était presque voisins. Ensuite, le reste appartient à l’histoire. On se voyait pratiquement chaque jour. On dansait tout le temps.
Santiago – On faisait du freestyle un après l’autre, mais on a jamais dansé ensemble avant Révolution. En 2023, Jordan m’a proposé de participer à l’émission en duo.
Jordan – J’ai un passé de chorégraphie de compétition depuis plus de douze ans. Dans le passé, je faisais partie d’un autre duo, Crazy-Ray, qui avait participé à la première saison de Révolution. On s’était rendu au ballottage. Puis, quand j’ai vu mon ami Jason gagner la saison 4 avec sa partenaire Marie-Josée, j’ai pensé que je pourrais le faire aussi. J’ai proposé à Santi d’essayer. On avait une belle connexion. Par la suite, on s’est retrouvé en finale. Puis, on a participé à la saison All Stars.
Qu’est-ce qui vous a poussés à former un trio avec Gabrielle pour la saison des étoiles?
Santiago – Durant la saison 2023, on a donné tout ce qu’on avait dans le ventre et on était très fatigué. De son côté, Gabrielle a gagné la saison, après avoir investi des heures et des heures de travail. Comme on devait répéter dans les mêmes studios pour la finale, on avait commencé à se rapprocher. Quelques semaines plus tard, on était heureux de se retrouver tous les trois en tournée.
Quand ils ont annoncé la saison All Stars, j’ai dit à Jordan que je n’étais pas intéressé à y retourner en duo. Je sentais qu’on avait offert tout ce qu’on pouvait offrir à deux. Gabrielle aussi était épuisée d’avoir travaillé en solo, et elle venait de gagner. Quand on s’est parlé, on a pensé à un autre format. On ne voulait pas y aller pour la victoire à tout prix, mais pour créer quelque chose de différent avec trois corps.
Comment réagissiez-vous en voyant de grandes pointures (finalistes, anciens gagnant.es) être éliminées?
Jordan – C’était difficile. On savait que tout le monde était bon et qu’il y aurait des éliminations, mais chaque départ était un choc. Celui qui m’a saisi le plus a été la blessure de Rahmane au face-à-face; je le voyais en grande finale et même gagner avec Sunny.
Willow aussi, c’a été une grosse perte : ils faisaient partie de mes préférés de toutes les saisons. Le fait de continuer et de voir ces gens-là éliminés, c’était un peu déstabilisant.
Santiago – Comme on avait participé à Révolution la saison précédente, on était devenu amis avec plusieurs danseurs extrêmement talentueux. Alors, quand on voyait ces personnes-là partir, c’était aussi nos amis qui étaient éliminés. Inévitablement, ça devenait doux-amer de progresser dans la compétition.
Quand vous analysez votre parcours, qu’est-ce qui vous rend fiers?
Santiago – Durant notre saison en duo, je m’étais collé davantage au style de Jordan, alors que pendant la saison des étoiles, je voulais montrer davantage le mien, le breakdance. Je voulais être fidèle à moi-même. Je me suis réinventer avec eux à chaque étape.
Jordan – Le fait qu’on soit sorti de notre zone de confort, en arrivant sans arrêt avec des surprises. On a été une entité imprévisible de numéro en numéro.
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