Jeudi, 18 septembre 2025
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    Edmund White, grande voix de la littérature gaie, s’éteint à 85 ans

    L’écrivain, dramaturge et essayiste américain Edmund White, figure incontournable de la littérature LGBTQ+, est décédé à l’âge de 85 ans. Connu pour ses romans semi-autobiographiques marquants comme A Boy’s Own Story (Un jeune homme seul en français) et pour avoir littéralement écrit le manuel sur le sexe entre hommes avec The Joy of Gay Sex, White laisse derrière lui une œuvre majeure, pionnière, à la fois intime et universelle.

    Son décès est survenu mardi soir alors qu’il attendait une ambulance, après avoir éprouvé des symptômes liés à un trouble gastrique.

    Une voix incontournable pour les communautés LGBTQ+
    Edmund White a profondément marqué la littérature gaie moderne. Plusieurs prix littéraires LGBTQ+ portent son nom, et une nouvelle génération d’écrivain·e·s comme Garth Greenwell, Édouard Louis, Ocean Vuong, Brandon Taylor ou Alexander Chee revendique son influence.

    White avait d’ailleurs bien résumé l’évolution d’un pan de la littérature queer à la fin des années 1970 : « La fiction gaie avant nous — Gore Vidal, Truman Capote — était écrite pour un lectorat hétéro. Nous, on écrivait pour un public gai. Et ça change tout. Plus besoin d’expliquer ce qu’est Fire Island, par exemple. »

    Son mari et partenaire depuis près de 30 ans, Michael Carroll, a témoigné de sa perte : « Il avait cette sagesse d’être presque toujours gentil. Il était au-delà de l’agacement et d’une générosité désarmante. Je me surprends encore à vouloir lui raconter des choses, avant de me rappeler. »

    De l’Ohio à la scène littéraire internationale
    Né en 1940 en Ohio, White a grandi en Illinois. Accepté à Harvard, il choisit plutôt l’Université du Michigan afin de rester près de son thérapeute, qui prétendait pouvoir “guérir” son homosexualité — un épisode qu’il abordera ouvertement dans ses romans.

    Installé par la suite à New York puis à San Francisco, il entame une carrière de pigiste avant de devenir éditeur dans le monde des magazines.

    Son premier roman, Forgetting Elena (1973), avait reçu les éloges de Vladimir Nabokov, qui l’avait qualifié de « livre remarquable ». En 1977, il coécrit avec le psychothérapeute Charles Silverstein The Joy of Gay Sex, manuel sexuel révolutionnaire. « Si je l’avais écrit seul, ç’aurait été La Tragédie du sexe gai », avait-il un jour blagué. « Charles a ajouté la chaleur, le côté affectueux. »

    Une œuvre miroir de sa propre vie
    L’essentiel de l’œuvre de White est profondément enraciné dans sa propre expérience. A Boy’s Own Story (1982), considéré comme son chef-d’œuvre, amorce une trilogie autobiographique poursuivie avec The Beautiful Room Is Empty (1988) et The Farewell Symphony (1997), qui brossent un portrait nuancé de la vie d’un homme gai de l’enfance à la maturité.

    Entre 1983 et 1990, White vit en France, où il fréquente Michel Foucault et s’initie plus profondément à la littérature française. Il y écrit d’ailleurs des biographies majeures de Jean Genet — couronnée par un prix Pulitzer —, Marcel Proust et Arthur Rimbaud.

    Plus de 30 livres, cinq mémoires et une franchise radicale
    Au fil de sa carrière, White publie plus de 30 ouvrages. Parmi eux, notons le roman The Married Man (1998), encore une fois très personnel, ainsi que Fanny: A Fiction, roman historique autour de Frances Trollope et de la réformatrice sociale Frances Wright.

    À partir de 2005, il se livre à une série de mémoires, toutes plus franches les unes que les autres : My Lives (2005), City Boy, sur le New York des années 60 et 70 (2009), Inside a Pearl: My Years in Paris (2014), The Unpunished Vice, sur ses goûts littéraires (2018), The Loves of My Life (2025), consacré à sa vie sexuelle, sans filtre

    White affirmait avoir eu des relations sexuelles avec environ trois hommes par semaine pendant vingt ans. Il écrivait à propos de New York dans les années 1970 : « C’était normal de faire une pause d’écriture à deux heures du matin, de descendre aux quais, et de coucher avec 20 hommes dans un camion. Quand j’ai dit que j’avais eu 3000 partenaires, un ami m’a lancé, compatissant : “Pourquoi si peu ?” »

    Diagnostiqué séropositif en 1984, White confiait au quotidien britannique Guardian, en janvier dernier : « Je n’étais pas surpris, mais ça m’a démoralisé. J’ai tiré les couvertures sur ma tête en me disant que j’allais mourir dans un ou deux ans… Finalement, j’étais un “progresseur lent”. »

    Professeur respecté, il a enseigné à l’Université Brown puis à Princeton, où il a marqué de nombreuses générations d’auteur·e·s en devenir.

    Une œuvre essentielle, entre élégance et honnêteté
    Paul Baggaley, directeur éditorial chez Bloomsbury, son éditeur, a souligné l’importance de son œuvre : « Il est difficile de surestimer l’influence d’Edmund White. Il a donné une voix à l’expérience gaie, avec une intelligence, une élégance et une franchise sexuelle uniques. Ses romans, biographies et mémoires font partie des plus courageux et brillants de ces cinquante dernières années. Ils deviendront des classiques. »


    Edmund White s’éteint, mais son œuvre demeure. Une œuvre qui aura pavé la voie pour d’innombrables récits gais, queers, intimes et puissamment humains — avec, toujours, cette volonté de dire les choses telles qu’elles sont.

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