Raconteur intarissable, psychothérapeute et athlète paralympique détenteur de titres nationaux, mondiaux et continentaux, l’activiste australo-canadien Ness Murby est devenu en 2020 le premier paralympien ouvertement transgenre au monde. Personne queer, polyhandicapée et métisse, d’apparence blanche, il accepte pour la première fois cette année le titre de co-président d’honneur d’un festival de la Fierté. À quelques jours de sa venue à Montréal, le sympathique Ness Murby partage sa vision sur la situation des personnes trans.
Vous serez co-président d’honneur de Fierté Montréal cette année. Est-ce votre première implication à ce titre?
C’est ma seconde fois à Montréal, j’ai eu la chance de visiter la ville lors des Championnats nationaux d’athlétisme il y a deux ans, mais ma première fois comme co-président d’honneur d’un festival de la Fierté. Je suis incroyablement ravi, enthousiaste et honoré. C’est pour moi l’occasion de m’impliquer et d’être présent pour la communauté, à un moment où tant de choses négatives se passent dans le monde.
Quelles seront vos implications précises?
NESS MURBY : Je participerai à plusieurs événements et j’aurai l’occasion de tisser des liens avec plusieurs organismes, notamment durant les journées communautaires et pendant le défilé. Je suis super excité de faire partie de cette démonstration de résistance et de joie.
Vous êtes le premier paralympien ouvertement transgenre au monde. Pouvez-vous partager quelques-uns des défis et des succès rencontrés?
En tant que personnalité publique, je n’ai pas pu faire mon coming out en privé. La notoriété est à la fois valorisante et dangereuse. Je me suis notamment demandé comment trouver un équilibre entre mon espace privé (je suis un papa, je veux préserver la sécurité de mes enfants et de ma famille) et mon devoir public. Mon coming out m’a aussi fait réaliser les oppressions systémiques, notamment du côté de l’immigration et du sport.
Est-ce que le monde du sport rend les choses plus difficiles pour les personnes de la communauté LGBTQ+?
NESS MURBY : Mon expérience personnelle m’a fait voir le capacitisme et la transphobie dans le sport. Le système est conçu pour les personnes valides, pas pour celles qui ne le sont pas. Quand j’ai fait mon coming out, j’ai pu observer les oppressions systémiques et j’ai compris qu’il fallait avoir « le bon handicap » ou la « bonne diversité » pour entrer dans le moule.
Caitlin Jenner, qui a battu le record du monde du décathlon à Montréal en 1976, a été l’une des premières athlètes ouvertement transgenres, il y a dix. Quel a été son impact pour vous et pour la communauté?
NESS MURBY : Elle a marqué et changé l’histoire. L’impact de son parcours est indéniable. Lorsque j’ai fait mon coming out, j’ai réalisé que, comme elle, je ne l’ai pas fait pour le plaisir du monde, mais pour l’amour de moi-même. Parce que j’étais une personne connue, c’était public par défaut. On peut parfois avoir l’impression que les personnalités connues font un coming out public par choix, alors qu’elles le font simplement pour se présenter. Le seul choix que j’ai fait a été d’être moi-même.
Les personnes trans sont beaucoup plus visibles et reconnues dans l’espace public depuis les dernières années. Quelle est, selon vous, la bataille la plus importante qu’il reste à remporter ?
NESS MURBY : Le droit humain le plus important que les personnes trans n’ont pas encore obtenu est la pleine autonomie de leur propre corps et le sentiment de sécurité : de ne pas avoir à vérifier en tout temps si nous sommes en sécurité. Les mots « bataille » et « gagner » témoignent de l’essence de la question. L’existence des personnes ne devrait pas être un champ de bataille ! Vivre en sécurité et dans le respect ne devrait pas nécessiter de guerre. Dans le sport, par exemple, le débat se réduit souvent à la question de l’équité, mais il devrait plutôt porter sur le fait que nous sommes tous des individus. Il ne faut pas échanger la sécurité d’un humain contre celle d’un autre.
Vous avez brisé de nombreux plafonds de verre, tant sur le plan professionnel que social. Lequel vous procure le plus de plaisir ? Gagner sur le terrain ou gagner dans la rue ?
NESS MURBY : Le sport m’a donné une plateforme pour m’exprimer dans un monde qui me dit que les gens comme moi ne devraient pas exister. Les titres que j’ai remportés m’ont donc donné le privilège de faire bouger les choses ailleurs que sur le terrain! La victoire, elle est toujours dans la rue ! Et marcher dans la rue avec mon enfant et ma femme, c’est ça pour moi le vrai succès !
La question de la transition des jeunes est un sujet encore très polarisant aujourd’hui. Quelle est votre position à ce sujet ?
NESS MURBY : Cela rappelle que la question des personnes transgenres est réduite à l’utilisation des toilettes. J’aimerais que l’on puisse demander à la société : à quoi pensez-vous lorsque l’on parle de la transidentité chez les jeunes? En réalité, il ne s’agit pas de la question des toilettes, il s’agit de sécurité et d’ouverture. Pour certains jeunes, le besoin unique se résume à utiliser des pronoms différents. Pour d’autres, il s’agit peut-être d’un soutien psychologique ou d’une consultation en lien avec l’affirmation de genre.
La chirurgie d’affirmation de genre subit le même traitement…
NESS MURBY : Effectivement. La question des personnes trans ne se résume pas non plus à la chirurgie. Les chirurgies sont très rarement pratiquées dans les cas de mineurs, mais elles soutiennent un certain narratif. Je comprends les peurs en lien avec la chirurgie.
C’est justifié et je ne vais pas en débattre. Toutefois, ce que je demande, c’est de prendre en compte tout ce qu’on enlève aux gens en leur enlevant le droit de s’épanouir. La question de la chirurgie est souvent utilisée pour amplifier la haine au lieu de parler des soins de façon plus large. Il faudrait davantage parler des soins identitaires, incluant le soutien psychologique, plutôt que de chirurgie d’affirmation uniquement.
INFOS : plus de détails sur Ness Murby ou le suivre :
https://nessmurby.com
Super inspirant comme histoire. !!!
On a besoin de plus de modèle comme lui!