Les opéras baroques ont souvent des points communs qui peuvent aujourd’hui surprendre. Les intrigues sont souvent complexes, prennent des libertés avec les grands thèmes de l’antiquité, multiplient les rebondissements, mais dans la plupart des cas se terminent bien, les amant.e.s se retrouvent, les familles sont réunies et tout s’éclaire comme par magie. En fait, ce ne sont que des prétextes pour mettre en valeur des voix et de se laisser porter par les émotions qu’elles procurent.
NDLR : Cet été, notre journaliste Denis-Daniel Boullé était au Festival d’Aix-en-Provence 2025. Voici l’un des textes sur l’une des œuvres inspirantes qui l’ont marqué… lors de son voyage.
Long préambule, pour mieux comprendre alors la grande liberté que peuvent prendre des metteurs en scène d’aujourd’hui, dans l’interprétation des livrets tout en respectant un seul critère : que la musique et les voix nous arrivent avec la même virtuosité qu’à l’époque.
La mise en scène de La Calisto de Francisco Cavelli s’inscrit dans cette nouvelle lecture des opéras baroques. Bien sûr, on tente de mettre en relief aussi des préoccupations actuelles, comme dans le Don Giovanni de Robert Icke. Ici, c’est Calisto dont on découvre qu’elle n’aime pas les hommes. Et manque de chance, Jupiter descendu sur terre pour féconder un nouveau monde tombe amoureux de la Calisto. Bien évidemment, Jupiter est déguisé pour se faire passer pour un humain. Déçu par le refus de Calisto, Jupiter prend les traits de sa fille la déesse Diane pour approcher Calisto, qui confondue cède aux tendresses de la fausse Diane.
Quiproquos, subterfuges, retournements de situation improbable, d’autant que Junon, la femme de Jupiter soupçonne l’infidélité de son Dieu de mari et finira par défigurer la pauvre Calisto. Un véritable scénario de tele novela mais dont il faut retenir l’audace du librettiste, Faustini (1615-1651) qui ose présenter une femme attirée par les femmes ou encore qui n’hésite pas à jouer sur le genre en transformant le personnage masculin Jupiter en personnage féminin. Tous les personnages sont animés par des désirs brûlants et vivent des amoures contrariées. Jupiter à la toute fin retrouve Calisto et ne pouvant changer son destin la transforme en une étoile brillante au firmament, une marque de reconnaissance
La metteure en scène, Jetske Mijnssen, a choisi de situer l’action au XVIIIe siècle emprunt du style rococo mais sans surcharger ni dans les décors, ni dans les costumes des références de cette époque. Cela facilite les changements de lieu mais aussi les déplacements des chanteurs et des chanteuses. Elle mise aussi sur l’humour porté par le livret, sans jamais tomber dans le grotesque.
Lauranne Oliva (soprano) est une Calisto juste toute en interrogation, en espoir et désir, et Alex Rosen (basse), campe un Jupiter conquérant mais qui se voit désarmé par l’amour.
Un très beau moment surtout dans le cadre somptueux du Théâtre de l’Archevêché.