Un roman historique de fiction inspiré d’Alan Turing soulève une vive controverse pour avoir imaginé que le célèbre mathématicien homosexuel ait secrètement eu un enfant avec une femme.
The Turing Protocol, écrit par l’auteur Nick Croydon et publié par Affirm Press en juillet, propose une histoire alternative de la vie du codebreaker britannique. Ce thriller imagine que Turing conçoit une machine à voyager dans le temps afin d’envoyer un message crucial permettant aux Alliés de réussir le Débarquement de Normandie. Dans le récit, il entretient une relation sexuelle avec Joan Clarke – collègue et cryptanalyste qui avait réellement travaillé avec lui durant la Seconde Guerre mondiale – et devient secrètement père d’un enfant.
Dans la réalité, Turing a joué un rôle déterminant au sein de Bletchley Park dans le décryptage du code Enigma utilisé par l’Allemagne nazie. Malgré ses contributions décisives, il fut condamné en 1952 pour « indécence grave » en raison de sa relation avec un homme, et soumis à une castration chimique. Deux ans plus tard, il mettait fin à ses jours à l’âge de 41 ans.
Un accueil glacial des lecteurs et critiques
Bien que le roman présente Turing comme homosexuel, cette réécriture de sa vie indigne la plupart des lecteurs. Sur le site GoodReads, au moment du bilan, 64 % des 115 évaluations donnaient à l’ouvrage la note minimale d’une étoile sur cinq. Plusieurs critiques l’ont qualifié de « l’une des pires lectures de [leur] vie ».
« Toute personne connaissant un tant soit peu l’histoire d’Alan Turing et des persécutions qu’il a subies restera bouche bée devant un tel récit », écrit un lecteur.
Un autre renchérit : « [Turing] méritait beaucoup mieux. Utiliser des personnages réels en arrière-plan pour situer une intrigue, c’est une chose. Mais écrire qu’Alan Turing, un homme gai, a eu une relation sexuelle avec une femme, c’en est une autre. »
L’auteur se défend
Face au tollé, Nick Croydon – également PDG de QBD Books, la plus grande chaîne de librairies d’Australie – a défendu son roman dans les pages du The Australian. Selon lui, le fait de donner un enfant à Turing servait l’intrigue du livre : « J’ai écrit ce roman comme un hommage. Je voulais mettre en lumière son génie, mais aussi l’injustice dont il a été victime. »
Malgré la controverse, l’ouvrage a été sélectionné comme « livre de fiction du mois » par QBD et bénéficie d’une promotion active, rapporte The Guardian.
L’héritage de Turing
Alan Turing a été gracié à titre posthume par la reine Élisabeth II en 2013, après que l’ancien premier ministre Gordon Brown eut qualifié son traitement d’« épouvantable ». Ses travaux ont non seulement permis aux Alliés de contrer l’occupation fasciste, mais ils ont aussi posé les bases de l’informatique moderne.