Samedi, 1 novembre 2025
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    The History of Sound

    Avec The History of Sound, le cinéaste sud-africain Oliver Hermanus signe un film d’une élégance rare, où la musique, la mémoire et le silence se fondent en un même langage. Adapté d’une nouvelle de Ben Shattuck, le long métrage — porté par Paul Mescal et Josh O’Connor — explore l’amour, la perte et le passage du temps à travers la rencontre de deux jeunes hommes à la fin de la Première Guerre mondiale. Au cœur du film, un motif : celui du son comme mémoire. Lionel et David sillonnent la campagne américaine pour enregistrer des chansons folkloriques sur des cylindres de cire, espérant préserver les voix d’un monde sur le point de disparaître.

    Ce geste d’archiviste devient une métaphore de la captation du vivant, de l’émotion et du souvenir. Oliver Hermanus, avec ce film, a créé une expérience sensorielle, un cinéma qui se goûte, se respire, se ressent. Le spectateur entend non seulement les voix, mais aussi les silences : ces interstices où l’intime se loge, où la mémoire s’accroche. Dans une scène bouleversante, Lionel réécoute la voix de David gravée sur un cylindre ; le son tremblé devient alors un fantôme d’amour, un écho du passé. La musique, ici, n’explose pas : elle palpite à l’intérieur, discrète, enfouie. Cette esthétique contenue s’étend aussi à la représentation de l’intimité queer.

    Hermanus choisit la suggestion plutôt que l’exposition, privilégiant les gestes, les regards, la pudeur. Dans The History of Sound, le désir est une onde : il circule entre deux hommes sans jamais se figer dans la chair. Le film déploie ainsi une poétique de la retenue, où la sensualité naît de ce qui n’est pas dit, de ce qui se retient avant de se déclarer. La Première Guerre mondiale traverse le récit comme une ombre. Hermanus n’en montre pas les batailles, mais les cicatrices invisibles qu’elle laisse : l’attente, le vide, le deuil. David disparaît au front, laissant Lionel seul avec ses souvenirs. La structure du film, non linéaire, alterne passé et présent : le Lionel âgé, incarné par Chris Cooper, écoute ses propres enregistrements comme on feuillette une vie. Cette construction temporelle — faite d’échos et de réminiscences — transforme The History of Sound en une méditation sur le temps et la perte. Le film n’avance pas, il revient : sur les traces d’un amour qu’on n’a jamais cessé d’entendre. Derrière la délicatesse formelle, Hermanus aborde aussi les fractures sociales et raciales. Une scène marquante montre Lionel et David enregistrant une famille noire menacée par des voisins blancs. David s’indigne, Lionel détourne le regard. Cette tension révèle leurs différences de classe, d’engagement, de conscience — un rappel que même dans l’intime, le monde extérieur fait irruption. Entre mélancolie et douceur, The History of Sound est moins un drame historique qu’une symphonie des silences. Oliver Hermanus y orchestre la fragilité du souvenir, la beauté des gestes retenus, la persistance de ce qu’on ne peut pas dire. Un film chuchoté, vibrant d’amour, de musique et de mémoire — une ode au son des émotions humaines.

    INFOS | History of Sound sera présenté lors du Festival image+nation et diffusé dès le 1er novembre sur la plateforme MUBI https://mubi.com

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