Bien après le temps des boîtes à gogo et bien avant le jour où elle tirera sa révérence, Michèle Richard est souvent perçue comme une femme de caractère et trop souvent comme un personnage. Au moment de la sortie de son nouvel album Les Nuits de Montréal et avec la deuxième saison de son docu-réalité présenté à Musimax, Michèle Richard ne se cache plus et assume la femme qu’elle est devenue. Elle ne fait plus la différence entre la femme et l’artiste et ne se considère pas comme une star. Rencontre avec une femme généreuse de son temps, drôle, patiente et remplie de sagesse.
Michèle, déjà neuf années se sont écoulées depuis la sortie de votre dernier disque Je suis Libre; quel élément de votre maturité artistique avez-vous apporté à ce nouvel album, Les Nuits de Montréal?
Je me suis laissée aller, j’e n’ai rien forcé. J’ai mis tous mes efforts comme ça sortait. C’est comme si je chantais dans la douche. C’est beaucoup de travail, mais cet album reflète vraiment ce que je voulais rendre. Les nuits de Montréal, je les ai connues. Je n’ai pas eu à apprendre les chansons, elles faisaient partie de moi et de mes souvenirs. J’ai appris à faire ce que j’aime sans forcer les choses. On a fignolé les arrangements, on a jazzé quelques pièces, c’est un cadeau que je me suis fait et que je vous fais à vous aussi.
Votre lancement de disque était tout à fait à votre image : très glamour dans la simplicité. Étiez-vous habituée à ce genre de rituel de lancement et de promotion?
Non, pas du tout. C’était d’ailleurs la première fois que je faisais un lancement. Les producteurs m’ont fait comprendre que ce n’est pas la même chose qu’un spectacle. J’ai été impressionnée par la machine derrière toute la promotion. Mais, quand je suis arrivée sur scène, j’ai oublié que c’était un lancement. J’ai chanté mes chansons, sans rien forcer, comme sur le disque, et le spectacle a commencé. Lorsque je suis sur la scène, c’est moi qui mène (rires)! Je fais mon travail du mieux que je peux et j’oublie ce qui se passe autour.
Est-ce que c’est un besoin de vouloir se livrer et de se raconter comme vous l’avez fait avec votre docu-réalité ou votre livre paru au début des années 70 Michèle Richard raconte Michèle Richard?
Premièrement, ce livre était complètement un mauvais choix de carrière. C’était une prétention effrontée de vouloir se raconter à 21 ans et, même aujourd’hui, je ne veux rien savoir d’une biographie, ça ne m’intéresse pas. Un docu-réalité, c’est pas pareil, car une biographie, demande de faire affaire à un ghost writer qui aura sa version de ma version qui sera interprétée encore une troisième fois, par les lecteurs. Alors que dans mon docu-réalité, c’est one on one. Lorsque j’ai décidé de faire ce show-là, je n’avais pas le besoin de me révéler, mais je voulais parler en face à ceux qui ont eu des interprétations de moi tout au long de ma carrière. C’est ma vie que je montre, et c’est mon mandat dans la vie d’être entertainer, et je le fais, c’est mon métier. Ce n’est pas un besoin, mais un travail.
Vous semblez être une personne très solitaire mais qui vit mal cette solitude. Est-ce que cela reflète bien votre état d’âme?
Oui, c’est difficile d’être souvent seule et c’est pour cette raison que j’accorde beaucoup d’importance à mon chien Jessy. Il me suit partout, en tournée et dans mes voyages. C’est moins d’entretien qu’un homme. Au moins, lui, il s’arrange tout seul. Mais je laisse ma vie me bercer et, si un homme vient à moi, ou le contraire, je laisserai les choses aller, et nous verrons bien. Mais j’ai deux tantes exceptionnelles qui habitent encore Sherbrooke et j’ai une très bonne relation avec elles. J’ai quelques amis de confiance, de bons et solides, qui me connaissent bien et qui savent qu’en temps de crise et de tempête, ils doivent me laisser tranquille (rires).
Quelle relation avez-vous avec la communauté gaie?
Le domaine dans lequel je travaille me permet de côtoyer beaucoup de personnes gaies, comme des coiffeurs, des designers, des maquilleurs, des auteurs et j’en passe. Et bien sûr que je me suis fait de très bons amis dans ce milieu. Ça crée des osmoses fabuleuses de travailler avec ces gens. J’aime aller manger dans le Village et je suis très à l’aise. Je trouve aussi que les gais ont souvent une sensibilité proche de la femme, et c’est ce qui, avec moi, crée des liens très forts.
Croyez-vous que votre malchance et les scandales qui vous entourent alimentent votre popularité et que, sans ces manchettes, vous ne seriez pas la Michèle Richard connue et reconnue d’aujourd’hui?
Oui, ça alimente sans doute. C’est un intérêt qui prend d’autres proportions. Mais je serais Michèle Richard quand même. C’est du voyeurisme social. Je suis souvent reconnue, car, effectivement, je fais souvent la manchette; mais, ces derniers jours, je fais des entrevues, car j’ai un produit à présenter dont je suis fière, et c’est beaucoup plus intéressant pour moi. On parle de moi pour les bonnes raisons.
Vous avez fait l’émission Musicographie à Musimax, vous faites la manchette presque à tous les deux jours ces temps-ci, vous êtes allée à Tout le monde en parle sur les ondes de Radio-Canada; préférez-vous qu’on s’intéresse à la femme ou à l’artiste?
Il n’y a plus de frontière entre ma vie privée et le show-business. Il y a deux femmes : Michèle et Michèle Richard. Après avoir vécu 50 ans avec les deux, j’ai cessé de faire la différence. Elles se rejoignaient tellement que je me suis dit que ça ne valait plus la peine d’y penser. Où j’en suis, lorsque je fais une entrevue? Je me laisse aller et advienne que pourra. Il est certain que je suis parfois plus stressée, mais je livre toujours ce que je suis. Ce qui m’insupporte, ce sont des journalistes ou des médias qui prennent des brides d’histoires et qui en font tout un plat complètement hors contexte. Pour revenir sur l’affaire de Sherbrooke d’il y a quelques semaines, je crois que c’est de l’acharnement pur et dur. Les policiers qui sont venus m’appréhender à l’hôtel étaient probablement très contents de venir mettre en arrestation Michèle Richard et de la surprendre pénarde avec son chien dans sa chambre d’hôtel. Il manque souvent d’effectif dans la police et ils ont pris le temps de déplacer quatre hommes en uniforme pour venir me dire de quitter ma chambre. C’est ridicule et insensé. Oui, j’étais nerveuse et oui, j’ai été malade, mais non, je n’ai pas volontairement sali ma chambre. Fin de la nouvelle. Mais vous connaissez la suite…
Les nuits de Montréal par Michèle Richard, présentement disponible.