En créant les Outgames, leurs instigateurs ont souhaité qu’un volet droits de la personne soit ajouté au volet sportif. Le souhait est devenu réalité, puisque Montréal accueillera la plus grande conférence internationale sur les droits humains des LGBT de l’histoire des communautés gaies, lesbiennes et transgenres. Avec le nombre d’ateliers prévus, de conférenciers présents et d’invités de marque pour médiatiser l’événement, la conférence fera date.
La déclaration de Montréal (voir plus bas), dont les grandes lignes ont déjà été rédigées, deviendra un document de référence présenté à l’ONU. Elle constituera une base minimale pour considérer la reconnaissance, l’égalité et la protection des droits des minorités sexuelles. Selon plusieurs membres du comité scientifique responsable de la préparation de la conférence, aucune rencontre d’une telle envergure n’a eu lieu jusqu’à maintenant. Parmi les thèmes abordés, on compte: les droits essentiels – comme celui d’être protégé contre la violence privée ou d’état –, la liberté d’expression et d’association, les enjeux mondiaux – dont le mouvement de lutte en faveur de l’égalité –, la diversité de la communauté GLBT – incluant les autres identités ethniques, religieuses, culturelles et sociales qui la composent, de même que la participation sociale de la communauté LGBT, dont les acteurs sociaux provoquent des changements tant individuels que collectifs. En outre, deux sous-conférences, Workers Out, et Out for Business, se dérouleront en même temps et dans les mêmes lieux.
Comme le souligne la sociologue et chercheure en études féministes à l’UQÀM Line Chamberland, aussi membre du comité organisateur, ce qui est le plus remarquable à la lecture du programme de la conférence, c’est la venue à Montréal de femmes et d’hommes qui ne pas sont des grands noms connus, mais qui travaillent sur le terrain. Il y aura des représentants d’Amérique latine, mais aussi d’Afrique, d’Europe de l’Est et d’Asie, qui, dans des contextes politiques et sociaux difficiles, arrivent à lancer des initiatives dont le témoignage peut nous apporter beaucoup.» Aussi, s’il reste encore des droits à réclamer dans plusieurs pays occidentaux, la conférence veut aussi tisser des liens entre les groupes de partout et créer une solidarité à l’égard des combats menés à travers le monde. Même son de cloche de la part de la co-présidente de l’Association des mères lesbiennes du Québec, qui se félicite que la condamnation de l’homosexualité, toujours légale dans nombre de pays, n’empêchera pas des groupes en provenance de certains d’entre eux de participer à l’événement. «En mettant en place un système de bourses pour aider financièrement des personnes à défrayer le coût des déplacements, nous espérons une forte présence de gais et de lesbiennes qui, autrement, n’auraient pu se déplacer.»
Tout comme Line Chamberland, Mona Greenbaum pense qu’en dehors de la Déclaration de Montréal, la conférence permettra surtout de tisser des liens et de constituer un réseau. «C’est déjà le cas depuis que nous avons annoncé l’événement : je reçois des courriels de groupes d’Afrique, de professeurs d’universités… c’est encourageant.» Et Line Chamberland d’ajouter : « Trop souvent, dans les pays occidentaux, nous pensons que notre communauté LGBT est un modèle ou un exemple, et qu’il ne se passe rien ailleurs. C’est faux, et dans des pays où l’homophobie est encore très forte, où il n’y a pas d’aide de l’état, il y a des initiatives locales dont nous pourrions aussi nous inspirer. » Au-delà delà de la réflexion, il y a le désir de se retrouver et, d’une certaine façon, de se reconnaître à travers des expériences et des parcours différents.
Du 26 au 29 juillet, 2000 personnes sont attendues dans l’enceinte du Palais des Congrès; de nombreux ateliers y favoriseront les échanges entre les participants. Pour Francis Lagacé, membre de la coalition des centrales syndicales du Canada et du Québec, la troisième rencontre de Workers Out (les deux premières ayant eu lieu à Amsterdam en 1998 et à Sydney en 2002) sera l’occasion d’élaborer un plan d’action et d’accompagnement pour les syndicats. « Lors des rencontres, on sent qu’il y a un enthousiasme de plus en plus grand. Cependant, les syndicats où se manifeste la plus grande réceptivité proviennent des pays riches, et même là, on peut voir des disparités étonnantes. Actuellement, ce sont des syndicats de Grande-Bretagne, du Canada, des États-Unis et de l’Australie qui sont les plus ouverts quant au rôle qu’ils peuvent jouer dans la meilleure acceptation des gais et des lesbiennes tout comme dans la lutte à l’homophobie. Et parmi ceux-ci, c’est le Québec et le Canada qui sont les leaders. »
Au cours de ces quatre jours, on traitera de sujets aussi variés que l’organisation des lesbiennes en Chine, la prévention du sida au Sénégal, les positions de l’Église, la dissidence au Pérou et en Chine, le fait d’être gai et de couleur, et le fait d’être gai en région rurale ou urbaine… Sans viser l’exhaustivité, la Conférence de Montréal dressera un état des lieux quant aux diverses problématiques devant être considérées par les organismes communautaires et les chercheurs, mais aussi par les élus politiques.
La Déclaration de Montréal
La Déclaration de Montréal sera l’aboutissement de la Conférence sur les droits. S’appuyant sur la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, le texte reprendra les droits essentiels qui ne sont pas reconnus pour les personnes LBGT dans de nombreux pays. En effet, soixante-quinze pays criminalisent encore les actes sexuels entre adultes consentants de même sexe. La Déclaration sera remise aux autorités des Nations-Unies. «Ce texte permettra de mieux appuyer la pression internationale sur nos réalités, affirme Line Chamberland. Cela peut aider d’autres pays à faire des gains et modifier ainsi les enjeux et créer une dynamique internationale, véhiculée par les jeux en même temps. C’est une bonne chose de jumeler les jeux avec la question des droits et les enjeux politiques.» Porteuse d’espoir, la Déclaration n’est pas une fin en elle-même, mais le début d’une lutte pour la reconnaissance de la communauté LBGT à un niveau mondial. « Ce document fera date, avance Francis Lagacé, à condition d’y faire référence de façon active et qu’à partir de ce texte, on agisse. La prochaine conférence, qui aura lieu en 2009 lors des prochains Outgames, nous permettra de faire le point sur le poids qu’aura eu cette déclaration.»
Pique-nique sur le Mont Royal
Le dimanche suivant la conférence, plusieurs organismes y ayant participé organiseront un pique-nique international au parc du Mont-Royal. Celui-ci sera l’occasion de partager autrement et de resserrer les liens qui auront été tissés au cours des quatre journées de rencontre.
Montréal, avec les premiers Outgames, la Conférence internationale et la Déclaration sur les droits, inscrira donc, cet été, son nom dans l’histoire mondiale de la communauté LGBT.