Samedi, 15 février 2025
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    La loi du désir : Théo et Hugo dans le même bateau

    Théo et Hugo dans le même bateau c’est juste une histoire d’amour, mais une très belle histoire d’amour que l’on suit en temps réel pendant plus d’une heure trente. Olivier Ducastel et Jacques Martineau (Le goût de plaire, Drôle de Félix, Ma vie à Rouen, Crustacés et Coquillages) nous ont habitué à des productions légèrement en marge d’un cinéma bien calibré, en nous racontant de très belles histoires, touchantes, émouvantes, drôles. C’est encore le cas avec Théo et Hugo… Tout commence à 4h27 du matin dans un sexe club parisien pour se terminer à 6h du matin aux premières lueurs du jour.

    Théo et Hugo dans le même bateau

    Et Ducastel et Martineau ne cachent rien de cet amour qui naît dans une back-room, où les corps s’entremêlent, les sexes se tendent. La longue scène d’ouverture fera date, car les deux superbes comédiens qui interprètent Théo et Hugo ne font pas semblant de baiser. Entre ce coup de foudre, se glisse un accident puisque sous l’emprise du désir, Théo ne met pas de capote, alors qu’Hugo est séropositif. C’est donc à travers des déambulations dans Paris la nuit pour aller aux urgences et recevoir le traitement post-exposition que Théo et Hugo se découvrent et apprennent à se connaître. Comme toujours avec Ducastel et Martineau, des hommages discrets sont fait à des réalisateurs qu’ils aiment. Le plus évident, c’est Jacques Rivette avec Cléo de cinq à sept qui racontent une histoire en temps rée, mais aussi Jacques Demy, Jean Cocteau et d’autres, des références qui ne gênent en rien la compréhension du film si l’on ne les connaît pas.

    Rencontre avec les réalisateurs…

    La scène d’ouverture est un morceau de bravoure, 16 minutes dans une back-room, comment l’idée d’ouvrir le film sur cette longue séquence vous est venue ?

    Nous avions le désir de travailler sur la représentation de la sexualité au cinéma mais c’était une idée abstraite. Quand nous eu l’idée du temps réel et du sexe-club pour raconter cette histoire d’amour entre deux gars, la scène d’ouverture s’est imposée d’elle-même. Nous savions que le film allait commencer par un lieu où les sentiments, les émotions, le désir et la sexualité devant témoins. Souvent dans les films où la sexualité est représentée, on ne s’attarde pas dessus, on passe rapidement des préliminaires à l’orgasme au mieux, au pire, on reste aux préliminaires. Et dans la plupart des films, on sait que cette scène va avoir lieu, mais elle arrive toujours tardivement. Nous voulions aussi prendre notre temps pour montrer le désir et la naissance du coup de foudre entre Théo et Hugo.

    Les deux comédiens, Geoffroy Couët (Théo) et François Nambot (Hugo) qui jouent cette rencontre sont remarquables. Comment les avez-vous rencontrés et comment ont-ils accepté d’avoir une véritable relation sexuelle entre eux ?

    Il nous fallait de véritables comédiens sachant que ce ne serait pas gagné d’avance compte tenu de ce que nous leur demandions de faire. Mais nous avons eu de la chance, car Geoffroy et François, sans le savoir, se sont retrouvés les premiers à passer le casting. Ils correspondaient exactement à ce que nous cherchions. Ils ne se connaissaient pas et il s’est passé un truc incroyable, mais il y a eu tout de suite entre eux une complicité, une attention, une sensualité et une générosité qui étaient flagrantes. Ils étaient tellement formidables que nous leur avons donné le scénario à lire et que s’ils étaient d’accord nous ferions une séance de travail ensemble. Ce qui nous a plu, c’est leur grande honnêteté, ils nous faisaient confiance, comprenaient bien ce qu’on leur demandait, mais nous ont dit qu’ils n’étaient pas sûrs d’y arriver. Et pourtant, ça a fonctionné à merveille.

    Théo et Hugo dans le même bateau

    Les deux comédiens sont mignons, mais ils ne sont pas stéréotypés avec des corps parfaits, est-ce aussi un choix de votre part ?

    Oui, nous avons vu un comédien dont le corps était musclé, très beau visage, mais en fait pour nous il était trop beau (Rires !). Nous nous sommes posés aussi la question de prendre des acteurs venant du porno. Mais il fallait aussi qu’ils soient capables de faire passer toutes les émotions que nous voulions faire passer. Nous avons eu une chance incroyable de rencontrer Geoffrey et François.

    Le sida est aussi un personnage du film car il vient jeter une forte ombre sur la relation naissante ?

    Oui, cela nous intéressait de mettre en scène un personnage de moins trente ans, séropositif depuis le tout début de sa vie sexuelle. On avait conscience d’un certain relâchement dans la prévention du sida en écrivant le film mais on en a eu la confirmation en préparant les acteurs à la scène du sexe-club, et l’on voyait pour certains leur ignorance, ou leur réaction face à toutes les questions autour du VIH qui nous a confortés dans le fait d’en parler. Beaucoup de gars ont encore tendance à jouer à l’autruche et n’utilisent pas toujours les moyens de protection à leur disposition. Sans revendiquer un côté pédagogique et didactique au film, nous savions qu’il y aurait une grosse trouée documentaire autour du traitement post-exposition, et de la possibilité d’une relation entre deux gars sérodiscordants. Nous voulions que ce moment soit périphérique à l’histoire mais pas du tout anecdotique.

    Comme dans vos autres films, la tendresse prime sur les moments les plus dramatiques avec Théo et Hugo… comme si pour vous elle était motrice dans votre création ?

    C’est juste et dans un monde de violence dans lequel nous vivons, ça manque beaucoup. Mais je crois aussi que cela tient à nos personnalités avant tout, même si nous pouvons aussi être parfois hargneux (rires). Et aussi parce que les films que nous voyions plus jeunes mettaient toujours en scène des gais dans des états de souffrance, ou bien victimes, ou encore finissant par se suicider. Nos films s’inscri-vent en réaction contre cette représentation des gais dans le cinéma.

    Comment a été reçu le film par le public ?

    En France, c’est surtout dans les grandes villes où l’accueil a été le meilleur. Ce qui nous surprend en revanche, c’est le succès qu’il remporte dans les festivals, en Asie, en Europe. Je suis allé le présenter au Mexique et j’ai été surpris par les réactions positives du public. Et en novembre, nous le présenterons aussi dans un festival à Saint-Pétersbourg. En fait, c’est la première fois qu’un de nos films a une telle réception sur le plan international. Si l’on excepte les gais, je dirais que ce sont les femmes qui l’apprécient le plus, beaucoup plus que les hommes hétérosexuels. Elles portent un regard moins moralisateur. Et c’est tant mieux.

    THEO ET HUGO DANS LE MÊME BATEAU sera présenté lors du Festival Image+Nation, le samedi 26 novembre 2016, à 21h15, au Cinéma Impérial. PGM12
    www.image-nation.org

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