Depuis le 1er novembre 2016, les utilisateurs d’Airbnb doivent accepter une politique anti-discrimination très détaillée les engageant à respecter tous les membres, quels que soient leur race, leur religion, leur handicap, leur sexe, leur identité de genre, leur âge et leur orientation sexuelle. Élaborée à la suite de plusieurs incidents où des voyageurs ont été rejetés par leurs hôtes en raison de leur orientation sexuelle ou de leur ethnie, la mesure paraît cependant insuffisante aux yeux de Misterb&b, une plateforme concurrente conçue spécialement pour la communauté lgbt.
Avant l’entrée en vigueur de ses nouveaux critères encore plus sévères, Airbnb avait l’habitude d’interdire la discrimination et de bannir les hôtes homophobes. Par exemple, en juillet dernier, l’Américain Buddy Fisher a vu sa réservation annulée après qu’il ait indiqué à son hôte qu’il prévoyait visiter Austin (Texas) pour la Pride. Le propriétaire lui a répondu ceci : « Aucune personne LGBT, svp. Je ne supporte pas les gens qui sont contre l’humanité. Désolé. » Après avoir avisé les dirigeants d’Airbnb, Fisher a reçu de l’aide pour se relocaliser et l’hôte a été expulsé du système.
L’été dernier, le président d’Airbnb, Brian Chesky, s’est adressé à ses utilisateurs pour clarifier sa position. « La discrimination n’a pas sa place sur Airbnb, et nous avons pour cela une tolérance zéro. Malheureusement, nous avons été lents à résoudre ces problèmes, et pour cela, je suis désolé. Je prends la responsabilité de toute la douleur ou la frustration que cela a causé à des membres de notre communauté. » Une mesure qui ne convainc pas entièrement Matthieu Jost, cofondateur de Misterb&b. « Je crois fermement que plusieurs entreprises peuvent être gay-friendly. Mais qu’en est-il des hôtes et des voyageurs eux-mêmes? » Il ne croit pas qu’une politique d’utilisation efface toutes traces de risques ou de malaises potentiels. « Les hôtes lgbt devront-ils cacher les photos d’eux et de leurs partenaires qui se trouvent dans leur demeure, parce qu’ils ne peuvent jamais être certains de la réaction de ceux qu’ils accueilleront? Et à la base… pourquoi les personnes lgbt devraient-elles révéler leur orientation sexuelle chaque fois qu’elles font une réservation pour s’assurer qu’il n’y aura pas de problème à leur arrivée? »
C’est en réfléchissant à ce genre de questions, il y a bientôt cinq ans, que Jost a eu l’idée de lancer Misterb&b. « En 2012, j’ai fait un voyage avec mon copain à Barcelone, une destination gay-friendly. Quand notre hôte a réalisé qu’un couple gai allait dormir ensemble dans le même lit dans la chambre à côté de la sienne, j’ai vécu l’une de mes expériences de voyage les plus inconfortables à vie. » Peu après, il a eu l’idée de lancer un système de location à court terme dédié aux voyageurs LGBTQI. « Je voulais offrir un espace sécuritaire aux touristes et aux hôtes où ils n’auraient pas peur d’être eux-mêmes. Parce que oui, les préjugés envers la communauté existent encore dans tous les pays, même ceux où le mariage gai est légal. »
Avec plus de 80 000 hôtes répartis dans 135 pays, Misterb&b est un succès à la popularité croissante et son cofondateur n’a que faire de ceux qui accusent son entreprise de favoriser la ghettoïsation de la communauté. « Depuis nos débuts, nous recevons des tas des messages de gens qui nous remercient d’exister, parce qu’ils ont tous connu des expériences de discrimination. Misterb&b est une façon de connecter avec la communauté lgbt mondiale. La majorité de nos hôtes sont gais ou gay-friendly, alors les usagers n’ont pas besoin de les avertir de leur orientation sexuelle. » Matthieu Jost ajoute que les hôtes comprennent particulièrement bien les besoins des voyageurs lgbt. « Ils peuvent les aider à découvrir la scène gaie locale et parfois passer du temps avec eux. En fait, la majorité de nos utilisateurs souhaitent une interaction avec leurs hôtes, pas seulement louer un espace. »
Si certains accusent Misterb&b d’être devenu un système de rencontres sexuelles et/ou amoureuses entre les gais du monde entier, son fondateur n’est pas d’accord : « Les gens n’ont pas besoin de payer pour une location s’ils veulent une date. Il y a énormément d’applications gratuites pour ça. La mission de Misterb&b est de permettre de voyager en sécurité et de se sentir accueillis. » Voilà probablement l’une des raisons qui poussent bien des femmes hétérosexuelles à s’inscrire elles aussi sur la plateforme dédiée non exclusivement aux voyageurs lgbt. Certaines femmes diminuent ainsi le risque d’être embêtée par des hôtes insistants.