Olivia Nuamah est une spécialiste des questions communautaires, elle est aussi une mère et une artiste. Son expérience en tant que DJ dans les clubs à Toronto et à Londres lui a donné une compréhension unique de la représentation des artistes trans et queer dans les espaces culturels. Cela influencera sans doute l’approche qu’elle entend prendre à la direction du Pride de Toronto. Nous nous sommes entretenus avec elle pour en savoir plus.
Olivia Nuamah, qui a grandi dans le quartier Moss Park du centre-ville de Toronto, s’est considérée comme hétérosexuelle pendant la plus grande partie de sa vie. Elle a été mariée deux décennies à un homme qu’elle a rencontré après avoir déménagé en Grande-Bretagne, où elle a étudié, a été DJ et a travaillé pour le gouvernement de Tony Blair. Olivia et son mari avaient deux garçons, lorsqu’elle s’est rendue compte qu’elle avait besoin de vivre quelque chose de différent. Après la dissolution de son mariage et sa sortie du placard, elle est retournée à Toronto avec ses fils, et vit dans une maison du quartier St Clair et Oakwood, qu’elle partage maintenant avec sa partenaire, Becky McFarlane.
En tant que nouvelle directrice exécutive de Pride Toronto, Olivia Nuamah a l’avantage de son expérience en tant que personne de couleur dans la communauté LGBTQ, contrairement aux dirigeants précédents de l’organisme. Une expérience qui lui sera utile pour résoudre la crise qui a éclaté l’an dernier à la suite de l’arrêt du défilé par le groupe Black Lives Matter qui exigeait le retrait du défilé de la présence policière. Depuis, les membres de l’organisation ont voté en faveur de cette résolution et Olivia Nuamah entend respecter les souhaits des membres, soit de défendre les plus marginalisés dans la communauté LGBTQ.
Vous avez travaillé à la Fondation Atkinson, avez été de l’équipe de santé familiale du Inner City à Toronto, fait du bénévolat pour le centre communautaire 519 et avez travaillé avec l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair pour réduire la pauvreté chez les enfants. Comment cette expérience variée vous aide-t-elle dans votre nouveau rôle avec Pride Toronto?
Cela m’aide à apporter une approche facilitatrice au développement communautaire. Dans le passé, Pride Toronto s’est concentré sur la réalisation d’un festival qui reflète les besoins de ses communautés et une de mes principales compétences est la facilitation communautaire et la recherche de moyens pour mieux collaborer les uns avec les autres et pour trouver des solutions. L’une des choses que je veux apporter à Pride Toronto c’est le développement et la collaboration communautaires en plus d’essayer d’accroître les activités à longueur d’année qui favorisent non seulement l’implication, mais aussi le dialogue respectueux et la compréhension des différentes réalités de nos diverses communautés.
Olivia, vous avez fait du bénévolat avec Pride et d’autres organismes LGBTQ de Toronto, et ce, depuis quelques années, quel est votre souvenir préféré de la fierté à Toronto?
Pour moi, le bénévolat est un moyen d’honorer toutes ces personnes qui ont combattu et tant sacrifié pour les droits dont nous jouissons aujourd’hui. Sans bénévoles, le festival ne pourrait pas se produire et je suis fière de me compter en tant que bénévole et membre de cette communauté diversifiée et qui est passionnée par les racines politiques et sociales du festival. Comme je suis une grande admiratrice de son travail — et que j’ai moi-même été DJ dans le passé —, voir à l’œuvre le DJ Frankie Knuckles au Pride fut un moment très spécial. Surtout qu’il est décédé quelques mois plus tard.
Quelles sont vos pensées concernant les célébrations de la Fierté de Toronto de l’année dernière? Et comment, vous et le reste de l’équipe préparez-vous l’édition de cette année?
Le festival, l’an dernier, a atteint ses objectifs à bien des égards. Il y a eu des moments tendus, certes, mais parfois nous devons voir la tension comme une opportunité pour grandir. Mon espoir serait que, entre l’année dernière et cette année, il y ait un plus grand engagement avec nos membres et notre communauté afin d’assurer que le festival reflète encore plus l’expérience et les réalités de chacun.
Quel message aimeriez-vous transmettre aux personnes qui ont pu s’inquiéter de l’avenir de la fierté à Toronto ?
Nous faisons tous et toutes partie de l’avenir du Pride de Toronto. Si vous avez quelque chose à offrir, si vous désirez contribuer, si vous voulez participer, si vous pensez que l’on doit discuter de tel ou tel enjeu : devenez membre, bénévole et engagez un dialogue avec les autres personnes dans la communauté. Faites-le généreusement et de manière respectueuse envers les autres, tout en restant conscient que peut-être nous ne voyons — ou n’expérimentons — pas nécessairement les choses de la même manière. Les organisations ne sont que le regroupement des voix de ceux et celles qui les composent. Nous devrions tous être préoccupés par le futur des célébrations de la fierté, ici et ailleurs. Nous avons encore beaucoup de travail à faire et nous devrions nous préoccuper de ce qui se passe à travers le monde.
Quel est votre objectif général pour Pride cette année?
Réfléchir aux communautés qu’il sert. Ce que j’aimerais faire, c’est de mettre en place des processus qui favorisent un plus grand dialogue sur les objectifs du festival et sur ce que la communauté veut — afin de créer un meilleur alignement entre les raisons pour lesquelles les célébrations de la fierté existent et les attentes de chacun(e).
De quels aspects du Pride êtes-vous la plus enthousiaste?
La fierté c’est autant l’occasion de célébrer nos réalisations que de rendre hommage à nos luttes passées et de reconnaître combien ces luttes se poursuivent. La programmation culturelle durant la fierté se doit de refléter cette politique. Il y aura donc des événements pour danser et s’éclater, pour nous aider à nous libérer et pour célébrer. Il y aura aussi des événements dont l’objectif est d’inspirer, d’interroger, de sortir de la norme. Le fait de programmer un festival qui se veut aussi englobant est un défi, c’est certain, mais il est essentiel d’y insérer une programmation culturellement spécifique afin de bien intégrer les Autochtones, les communautés latinos, celles du Moyen-Orient, de l’Asie du Sud et les Noirs des Caraïbes et de l’Afrique, et ce, avec des artistes qui nous inspirent par leurs accomplissements, qui ont su intégrer leurs identités culturelle et sexuelle ou qui ont pris une position en appuyant nos communautés. La programmation intégrera des événements qui cherchent à brasser la notion de ce que cela signifie être queer, avec les artistes LGBTQ qui ont réussi dans le monde du rock, du punk, du hip hop et du r & b. Il est toujours excitant de sélectionner ce qui fera la couleur et la saveur d’un festival, de bâtir une programmation qui inspirera les gens. Ça sera aussi l’occasion de mettre de l’avant le talent artistique et formidable qu’on trouve, ici même, à Toronto… un aspect très important à mes yeux. Je me suis engagée à promouvoir de nouveaux artistes et à créer une programmation que tout le monde appréciera et où tous se sentiront représentés.
Ne manquez pas l’édition de juin de FUGUES où vous retrouverez notre sélection des événements à ne pas manquer de l’édition 2017. Au moment d’allez sous presse, la programmation complète n’avait pas encore été dévoilée, mais elle devrait l’être d’ici le début mai sur le site de Pride Toronto et sur sa page Facebook.
INFOS | www.pridetoronto.com et www.facebook.com/pridetoronto
— par Yves Lafontaine et Yannick Leclerc