
Bien avant toute la controverse sur la réappropriation culturelle, la chorégraphe Mélanie Demers avait un projet fou: que son travail soit réapproprié par d’autres chorégraphes et réécrit par d’autres écritures. Un projet qui a mis plusieurs années à se concrétiser et qui sera présenté dès septembre sur la scène de l’Agora de la danse sous le titre de Danse Mutante.
«Comme un vol artistique», précise d’entrée de jeu Mélanie Demers au tout début de l’entrevue. «Je souhaitais qu’on se réapproprie l’œuvre avant son créateur, donc de donner carte blanche à des chorégraphes choisies pour qu’elles puissent à partir d’une de mes créations y projeter leur propre univers». Chorégraphes au féminin et surtout en provenance de cultures différentes. «Le fait que ce soient des chorégraphes femmes n’est pas un choix de ma part, mais disons que cela s’est imposé, continue Mélanie Demers, parce que
ce sont des femmes dont j’admire depuis longtemps le travail même si nos manières d’envisager la danse sont totalement différentes.» Et la grande surprise pour l’artiste québécoise, c’est qu’elles ont accepté de se lancer dans cette aventure. On retrouve la newyorkaise Ann Liv Young, chorégraphe-performeuse marquée par la radicalité de ses propositions; Kettly Noël, chorégraphe et activiste d’origine haïtienne mais qui, depuis trente ans, vit en Afrique, et enfin, la chorégraphe néerlandaise, Ann Van Den Broek, reconnue pour sa minutie dans l’évocation des corps. Des parcours, des écritures singulières portées par des femmes qui se sont donc confrontés à celle Mélanie Demers. «Si j’ai participé à toute la logistique, qui a pris beaucoup de temps, je n’ai pas encore vu le résultat.

En fait, je ne veux pas intervenir dans le processus de chacune, continue Mélanie Demers, je veux à la limite être aussi surprise que le spectateur de l’Agora de la danse.» Pour se faire, il a fallu travailler sur trois continents et veiller à ce que les deux danseurs choisis puissent se rendre aussi bien à New York, Bamako et Rotterdam. Une gestion du temps difficile compte tenu des engagements des unes et des autres. Les deux danseurs sont connus de la scène théâtrale et de la danse de Montréal, deux danseurs que Mélanie Demers qualifie de muses: Francis Ducharme et Riley Sims.
«Ce sont eux qui devront au cours du spectacle investir nos quatre univers différents et y apporter aussi leur sensibilité, confie l’instigatrice de Danse Mutante, et il était évident qu’il fallait que ce soit eux qui portent sur scène ce projet. Eux aujourd’hui, connaissent beaucoup mieux que moi (Rires !) le travail des trois autres chorégraphes, mais ils sont tenus au secret.» Selon Mélanie Demers, une œuvre a sa propre existence, et elle peut être reprise, réinterprétée par d’autres artistes comme le serait un livre traduit en différentes langues. Ici, il s’agit de la langue particulière de chacune des chorégraphes invitées.
En fait de tout temps, en littérature comme en art visuel, et comme en musique, les artistes se sont inspirés d’autres œuvres, les ont faites leur, et loin de les trahir, leur ont rendu hommage. À découvrir absolument à compter du 17 septembre prochain, Danse Mutante, pas tout à fait la même, pas tout à fait autre.
Danse Mutante De Mélanie Demers Les 17, 18, 19, 20 et 21 septembre 2019 à 19h.Agora de la danse | Édifice Wilder agoradanse.com