Quel que soit le vainqueur, les morts et les destructions engendrées par la guerre devraient toujours laisser un goût amer à toute victoire. On le voit dès qu’un conflit armé débute dans le monde, on se sert de l’histoire pour rappeler que deux pays, deux populations sont des ennemies de toujours pour tenter de justifier une confrontation sanglante. Le conflit ukrainien ne fait pas exception. On assiste à une guerre fratricide au nom d’intérêts qui ne sont pas ceux des hommes et des femmes qui se retrouvent sur le terrain les armes à la main, et pas toujours ceux de la population civile prise en étau et qui voit son monde s’écrouler.
Comme la plupart d’entre vous, je n’approuve pas l’agression russe dont on qualifie le président de dictateur. Comme si les velléités autocrates de Poutine dataient de la fin février. Je ne saluerai pas, comme on le fait, Zelenski de héros de la liberté. Au regard de l’histoire récente de l’Ukraine, de la corruption qui y régnait, le pays a été balloté entre l’OTAN d’un côté et la Russie de l’autre, chacun cherchant à agrandir sa zone d’influence et de contrôle.
La population civile ukrainienne qui n’a absolument pas voix au chapitre, est la première victime. La population russe en est une autre, mais les dommages seront moindres comparés à sa voisine ukrainienne. Comme toujours, des personnes qui ne se connaissent pas vont souffrir, s’entretuer et vont mourir au nom de leaders et d’oligarques qui eux se connaissent très bien et qui auront toujours un toît, de quoi manger, et un lit pour dormir sur leurs deux oreilles. Pas sûr que la population russe soit heureuse de voir de jeunes hommes et de jeunes femmes partir risquer leur vie sur l’ordre de quelques-uns qui ne risquent rien. Rien de nouveau sous le soleil.
En février 2014, lors des Jeux Olympiques d’hiver à Sotchi en Russie, le Stade olympique à Montréal avait été illuminé aux couleurs du drapeau arc-en-ciel pour protester contre les lois russes homophobes. Plusieurs événements avaient même été organisés pour protester contre le régime. Pas sûr que notre indignation louable, certes, ait fait frémir Poutine et son entourage. Ce qui n’a fait que souligner notre impuissance à être un quelconque levier sur la scène internationale.
Quant à l’Ukraine, si parmi l’élite, il y a une ouverture pour les minorités sexuelles, la population en général, très conservatrice et très religieuse reste campée sur une détestation de tout ce qui est LGBTQ. En 2015, des représentants de Fierté Montréal étaient allés soutenir la timide gay pride qui avait été attaquée par des nazis et d’autres groupes d’extrême-droit. Plusieurs policiers chargés d’assurer la sécurité du défilé avaient été blessés de même que de nombreux militant.e.s.
Autre récurrence de l’histoire, les programmes des dictatures ont toujours eu une haine de la liberté individuelle, de la liberté d’expression, de tout ce qui s’écarte des valeurs et des discours officiels. Les prisons s’ouvrent à celles et ceux qui osent s’écarter de l’autoroute idéologique du dictateur. Et parmi celles et ceux qu’elles considèrent comme des ennemi.e.s «naturell.e.s», les dictatures ciblent toujours des minorités ethniques et/ou linguistiques, les féministes déclarées, et bien évidemment les LGBTQ. Là encore aucune surprise. De Trump à Bolsonaro, sans oublier le Hongrois Viktor Orbán et le Polonais Andrzej Duda. Ce dernier a parlé de l’idéologie LGBT comme une nouvelle forme de communisme.
Nous sommes solidaires, nous exprimons sur les réseaux sociaux notre indignation, parfois nous sortons dans la rue bravant le froid pour montrer notre détermination sous les fenêtres d’un consulat ou d’une ambassade. C’est bien, mais c’est peu. Nous faisons pression sur nos gouvernements et d’autres instances internationales pour obliger, voire sanctionner, les pays qui ont des lois et des politiques homophobes et transphobes, mais les résultats sont peu spectaculaires. Disons qu’ils sont timides et parfois inutiles, comme ces pays qui changent leurs lois pour continuer à recevoir des subventions internationales et dont l’inaction sur le terrain conforte un climat social hostile au LGBTQ.
Même si notre voix porte peu, n’est pas entendue au Kremlin, ni même souvent reconnue à l’échelle internationale, nous devons dans la mesure de nos moyens continuer à la faire entendre, à défoncer des portes pour que celles-ci atteignent les principaux intéressés avec l’aide de tous les instruments légaux et internationaux sur les droits de la personne dans lesquels nos droits sont reconnus et paraît-il protégés.
Mais surtout, nous devons faire preuve de solidarité avec toutes les personnes qui sont les premières victimes des guerres et des conflits iniques. Bien sûr, un vieux fond d’eurocentrisme et de souvenirs de guerres mondiales impliquent que nous soyons plus réceptifs à ce qui se passe en Ukraine. Notre engagement dans la défense des droits de la personnes qu’elles soient européennes, russes, africaines ou dans un état conservateur américain ne doit pas s’arrêter à la défense des LGBTQ.
En ce sens, nous devons être solidaires avec l’Ukraine, indépendamment de ce que nous pensons du gouvernement de Zelenski, nous devons être solidaires avec la population russe qui refuse cette guerre. Chaque fois que les bruits des bottes se fait entendre, les populations les plus vulnérables sont les premières touchées, les femmes, les personnes âgées, les enfants et les minorités bien évidemment. Les bombes ne font aucune différence entre le sexe, le genre, l’âge, la couleur, ou tout autre particularisme.
La guerre est un échec. Il suffit de traverser un cimetière militaire pour s’en rendre compte. On se rassure en se disant qui elles et eux sont tombé.e.s pour libérer un pays, pour défendre des libertés, des valeurs que l’on partage, bien sûr, mais qui n’étaient pas forcément celles de ceux qui ont fomenté les guerres.