Les films sur la communauté LGBTQ+ sont encore très rares en Inde. Les producteurs justifient cette situation en disant que le public familial n’est pas à l’aise avec les thèmes homosexuels au cinéma. La sortie du film Bleu cobalt sur la plateforme de visionnement en continu Netflix mérite d’autant plus d’être soulignée.
Le film de Sachin Kudelka bénéficie d’une belle direction photo, tout en comportant certains défauts. C’est néanmoins une œuvre d’intérêt sur le désir au masculin. Que le roman en marathi (écrit par Kundalkar) ait été publié en 2006, alors que l’article 377 (qui prohibait tout rapport charnel contre l’ordre de la nature) était toujours en vigueur, donne encore plus de résonnance au film.
Ce film rappelle, sous certains aspects, le désormais succès planétaire de Luca Guadagnino, Call Me by Your Name (rare film gai de l’histoire récente à avoir remporté un succès commercial, et ce, sur plusieurs marchés de la planète, ainsi que des Oscars). Ainsi l’action de Bleu cobalt se situe, comme dans le film de Guadagnino, dans une ville côtière paradisiaque, le Kerala, où une famille de marathes accueille un locataire pour quelques mois, à la suite du décès d’un membre de la famille. Nous assistons alors à ce deuil, mais surtout aux impacts découlant de la présence de cet énigmatique locataire, qui bouleversera la vie d’un jeune auteur en herbe et de sa sœur anticonformiste qui, tous deux, s’éprennent de l’énigmatique locataire.
Cela dit, Prateik Babbar, qui incarne l’inconnu, ne dégage pas le même magnétisme qu’Armie Hammer. Et les références et superlatifs exprimés par les personnages à son sujet — comme s’il incarnait une sorte d’inspiration de l’idéal du désir masculin — ne nous persuadent pas tout à fait. Le jeune protagoniste Tanay, joué par Neele Mehendale, qui tombe amoureux de l’invité (dont on ne connaitra jamais le nom), n’est pas non plus à la hauteur de son rôle dans le scénario, car souvent on ne perçoit pas dans son regard tout l’amour qu’il est censé éprouver pour le bel inconnu. Mais peut-être est-ce la comparaison avec le film Call Me by My Name qui met la barre trop haute…
En tant que professeur gai très discret, voire angoissé, qui nourrit un amour secret pour Tanay, son étudiant, Neil Bhoopalam livre la meilleure performance du film. Malgré le respect qu’il a pour lui, Tanay n’éprouve pas les mêmes sentiments que son professeur et n’aspire qu’à vivre sa vie pleinement ailleurs. Quand Tanay quitte sa ville, on aperçoit des affiches collées sur les murs annonçant la sortie du révolutionnaire et extraordinaire film de la canadienne d’origine indienne Deepa Mehta, Fire (1996), qui raconte la naissance d’un amour interdit entre deux femmes, situant Bleu cobalt à une époque où il était encore assez dangereux de vivre son homosexualité au grand jour en Inde. Malgré certaines maladresses, Bleu cobalt frappe plusieurs bonnes notes, en particulier dans les scènes où Tanay se rapproche physiquement et émotionnellement de l’inconnu, qu’on voit plusieurs fois partiellement dénudé. Certains trouveront sans doute que les rebondissements de l’intrigue ne sont pas toujours crédibles, ni même logiques d’un point de vue occidental, mais ils seront sans doute touchés par son lyrisme inexprimé, sa mise en scène en toute liberté de l’amour homosexuel dans une société plutôt fermée et traditionnelle, ainsi que par la très grande beauté dans le dépouillement et le rythme lent du film.
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