Vendredi, 11 octobre 2024
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    Blue Jean : double vie dans l’Angleterre des années 80

    C’est dans le nord-est de l’Angleterre, plus précisément à Newcastle en 1988, que se déroule Blue Jean, le premier long-métrage de la réalisatrice Georgina Oakley. Alors que le gouvernement conservateur de Margaret Thatcher est sur le point d’adopter la loi Section 28, stigmatisant les gais et les lesbiennes en interdisant la « promotion » de l’homosexualité, Jean (Rosy McEwen) mène une double vie : professeure d’éducation physique dans un collège de jour et lesbienne de soir. Cette double vie est plutôt recluse le jour ; à l’école, elle s’adresse peu à ses collègues, dine seule et se contente sans trop d’implication émotive de coacher ses élèves, bref de « faire son temps ». Le soir, elle sort en boite dans l’underground lesbien de Newcastle, où elle s’éclate (sans trop d’écarts), avec sa copine Viv (Kerrie Hayes) et ses amies. Plutôt réservée et secrète, la vie de Jean se déroule sans anicroche, malgré le regard indiscret des voisines, et ce, jusqu’au jour où Lois, une nouvelle élève de sa classe, débarque dans le bar qu’elle fréquente, forçant Jean à des remises en question.
     
    Après avoir réalisé quelques courts-métrages, dont le téléfilm Bored en 2019, Georgina Oakley réalise ici un premier long-métrage maitrisé et assumé, rafraichissant par son retour dans l’Angleterre des années 80, en revisitant une période sombre de l’histoire homosexuelle, sans pour autant tomber dans le mélodrame. Si Oakley fut nommée pour plusieurs prix relativement à ce premier long-métrage, dont le Queer Lion au Festival du film de Venise en 2022, elle remporte le prix du public aux Giornate degli Autori, en plus d’être récompensée dans des festivals tels que Thessalonique, Séville, Paris, Belfast, etc. L’actrice principale Rosy McEwen n’est pas en reste, puisqu’elle est repartie avec le British Independent Film Award pour son interprétation toute en retenue ; elle porte littéralement le film sur ses épaules et traduit admirablement tout le poids d’une époque répressive qui l’empêche de s’épanouir par peur d’être « outée ».

    Nous sommes ici dans le régime de la peur, celui qui fonctionne sur le système de la honte, un sentiment qui habitera plusieurs gais et lesbiennes de l’époque. D’où les célébrations dites de la Fierté, aujourd’hui, qui visent à contrecarrer (mais aussi à se remémorer) ce sentiment longtemps subi par nos communautés. Le film de Georgina Oakley s’illustre ainsi à juste titre dans des couleurs ternes d’une Angleterre plutôt pauvre, industrielle et peu fière de cette époque répressive, alors que la direction photo parvient, au même titre que les actrices, à nous faire vivre cette époque révolue. Rosie est d’ailleurs intriguée par Le puits de solitude (The Well of Loneliness) de Radclyffe Hall, un livre banni en Angleterre dès sa parution en 1928…

    D’ailleurs, dans une scène subséquente, elle entendra à la radio que « l’hétérosexualité est la base de la société civilisée », sous l’écoute attentive de ses collègues qui renchérissent avec des commentaires homophobes. Sans conteste, si Blue Jean résonnera certainement aux oreilles des plus veilles générations, il constitue un éloquent legs aux plus jeunes, rappelant qu’il n’y a pas si longtemps, soit 35 ans, la perspective de vivre une orientation sexuelle autre qu’hétérosexuelle était synonyme de honte et de répression. Jusqu’à ce que la honte soit substituée par la parole libérée…

    INFOS | Blue Jean (2022, Royaume-Uni, 1 h 37), avec Rosy McEwen, Kerrie Hayes, Lucy Halliday, un film réalisé et scénarisé par Georgina Oakley, est distribué par Métropole Films et présenté dans les cinémas canadiens depuis le 23 juin.

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