Le chanteur français Eddy de Pretto revient en force avec un troisième album. Crash cœur est un album punché, où l’on retrouve un Eddy de Pretto qui s’aventure davantage, notamment au plan musical. En attendant un arrêt à Montréal – ce qu’il ferait « avec grand plaisir et grande joie » – Fugues a pu lui poser quelques questions.
Pourquoi l’album s’appelle-t-il Crash cœur?
Eddy de Pretto : L’album, il est rempli de rupture, c’est un amour un peu qui se crashe, qui est tendu, qui est frontal. Du coup, c’était important pour moi que d’en venir à la sensation rien que [par le] mot, sentir ça juste en un mot, juste en un impact.
Crash cœur est un album où l’on vous retrouve sous de nouvelles couleurs au niveau musical. Quels ont été vos inspirations pour cet album?
Eddy de Pretto : Une fois que j’avais les chansons – et j’en avais pas mal! -, je me suis très rapidement mis à la recherche d’un son, d’une attitude dynamique. Très rapidement, c’est le RnB – la musique de mon adolescence – qui est arrivé, c’est-à-dire cette énergie qui donne une envie de se lever pour danser. J’avais envie d’un album qui donne un souffle, un album sur notre époque un peu morbide. Du coup, le RnB et le côté un peu évasion de la musique sont arrivés très rapidement en moi.
Est-ce que ce que vous diriez que vous êtes plus heureux, dans votre vie et dans votre musique?
Eddy de Pretto : C’est un peu le sous-texte de cet album, la quête infinie du bonheur : est-ce qu’il est stable? Est-ce qu’il est constant? Je crois que la réponse est non. L’album est fait d’énormément de ruptures, énormément de crashs où, tout d’un coup, il y a beaucoup de phases up tempo. On pense que tout va bien – ou, en tout cas, on fait semblant – et puis, tout d’un coup, il y a une retombée intense et radicale dans quelque chose de plus intime, solitaire, sombre. Il y a une fine ligne entre l’intense bonheur et la chute la plus noire, et donc il faut tenir comme ça sur le fil. Je crois que j’ai un peu cette schizophrénie-là de tenir entre les deux. Et la tombée d’un côté ou d’un autre peut très vite arriver.
Est-ce que ça vous fait peur parfois de vous exposer publiquement et de vous montrer
vulnérable?
Eddy de Pretto : Non, je n’ai jamais eu cette sensation de pudeur émotionnelle, de me dire que, potentiellement, ça serait trop. On m’a parfois fait remonter que [ce que je faisais] était parfois trop intime mais ça, ça regarde la sensibilité des gens. Moi, en tout cas, je n’ai pas l’impression de devoir me contenir dans ce que j’ai envie de raconter, dans comment j’ai envie d’analyser les contours de mon intime.
Vous avez toujours assumé votre homosexualité, mais est-ce que c’est dur d’être un
homosexuel sous l’œil du public? Est-ce que c’est difficile l’homosexualité quand on est connu en France?
Eddy de Pretto : Non pas du tout, sauf quand il y a du cyberharcèlement sur les réseaux qui m’amène jusqu’au tribunaux. Là, c’est compliqué. Mais, sinon, au quotidien, pas du tout. J’ai tellement été franc sur ma situation dès le début qu’aujourd’hui on ne vient pas m’embêter dans la vie quotidienne.
Vous avez dit à NRJ, en France : « « Parler d’homosexualité aussi directement et crûment dans le langage, en chansons pop n’avait en tout cas pas été envisagé jusqu’ici. Je ne l’ai jamais caché, c’était dans mes chansons ». Pourriez-vous clarifier vos propos?
Eddy de Pretto : Ce que je veux dire, c’est qu’il ne sort pas des albums d’un homme gay tous les mois dans l’industrie musicale. Je n’ai jamais caché [mon homosexualité] et c’est quelque chose d’important pour moi que de devoir et de pouvoir parler de mes réalités sans devoir les compromettre ou les déguiser pour la masse. Moi, j’ai grandi dans une génération où toutes les histoires d’amour et toutes les histoires musicales et tous les chanteurs, c’était que des hétérosexuels. Ce n’est pas pour autant que je n’ai pas adoré et que je ne me suis pas entrevu, imaginé pouvoir vivre ces histoires-là et être touché même de ces histoires-là. Pour moi, c’est un sujet sans l’être, mais c’est important quand même de le dire et d’avoir la chance de pouvoir l’exprimer comme je le souhaite. Je ne sais pas comment on pourrait comparer ça aux États-Unis, mais, en tout cas, il y a plus de chanteuses assumées en francophonie qui chante leur amour homosexuel et qui ont fait leur coming out que de chanteurs hommes.
Votre chanson eau de vie est une collaboration avec Juliette Armanet. Comment en êtes vous venu à cette collaboration?
Eddy de Pretto : Ça s’est fait assez naturellement. J’avais écrit cette chanson de mon côté, et je me suis rendu compte qu’il y avait des mots qui appartiennent au vocabulaire de Juliette Armanet comme « Zeste de mélo », « Je sens ton business »… Je me suis dit « Attend… Soit c’est du Juliette Armanet tout craché, soit j’ai trop écouté Brûler le feu, soit je me trompe! » Du coup je lui ai envoyé et je lui ai dit « Écoute, je pense énormément à toi en écrivant cette chanson, qu’est-ce que t’en penses? » Elle me dit 10 jours après « Écoute je l’écoute en boucle il faut absolument qu’on fasse un truc dessus » et puis c’était parti.
Dans votre chanson R+V, vous affirmez être inspiré par « Rimbaud, Verlaine, Elton,
Genet, RuPaul, Frank, Freddie [et] Warhol ». Y a-t-il une personne là-dedans qui vous a particulièrement inspiré?
Eddy de Pretto : C’est dur parce que, pour chacun, à un moment ils m’ont donné un petit coin de ma personnalité je pense. [Je dirais] Frank Ocean, pour sa musicalité et son art du montage musical, [mais] en vrai chacun apporte quelque chose à mon être.
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