Mardi, 17 septembre 2024
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    La Fierté à Berlin divisée par la guerre à Gaza

    Depuis des mois, le conflit israélo-palestinien mobilise et divise la communauté LGBTQ+ berlinoise. Et ce conflit extérieur a jeté de l’ombre, le week-end dernier, sur différentes marches des fiertés qui avaient lieu dans la capitale allemande.

    Avant toute chose, précisons que la Fierté de Berlin ne se résume pas, comme dans beaucoup de capitales européennes, à une unique marche des fiertés. La Fierté de Berlin, c’est un long week-end en juillet, de manifestations suivies d’une pléthore d’after parties, c’est même si on inclus les activités culturelles et communautaires, un mois entier de festivités, un mois de la fierté. Et même plus: c’est une dizaine de marches réparties de juin à août, de l’East Pride, initiée par des ancien·ne·x·s Allemand·e·x·s de l’Est, à l’ACSD, le Christopher Street Day (CSD) anarchiste, en passant par la Behindert und verrückt feiern Pride Parade, manif des personnes en situation de handicap et neurodivergentes, ou encore la TIN* Pride, la marche des personnes trans*, inter et non binaires.

    Cet été 2024 restera particulier dans l’histoire de la Pride berlinoise, en ce que la majorité des marches ont reflété les revendications de la société civile vis-à-vis de la guerre qui fait rage en Israël-Palestine depuis des mois.

    250,000 people turn out for Christopher Street Day in Berlin

    D’un côté les membres de la communauté LGBT* qui font part d’un soutien indéfectible à l’État d’Israël, en partie en raison de la dette morale et historique de l’Allemagne à son égard, et qui sont en cela en phase avec la ligne du gouvernement allemand, et qui entretiennent souvent des liens forts avec la communauté LGBTIQ+ israélienne vivant à Berlin ou Tel-Aviv. Ils sont plutôt de nationalité allemande, blancs et cis, ont souvent plus 30 ans et sont bien souvent plus gais et lesbiennes que queer, et ils sont politiquement à gauche ou au centre.

    De l’autre coté, une jeune génération (moins de 30 ans) résolument queer, qui est principalement (mais pas essentiellement) constituée plus d’expats et de migrant·e·s que d’Allemand·e·s de naissance, très à gauche, qui prend fait et cause pour la Palestine.

    Le «grand CSD», comme on appelle à Berlin la marche principale du samedi après-midi (plus de 250 000 participant·e·s cette année), a été relativement épargnée par les tensions qui ont émaillé le week-end. Un bloc issu de la pro-israélienne East Pride était présent à la manifestation avec de grands drapeaux israéliens et leur slogan «Homos sagen Ja zu Israel», doublé désormais d’un «Queers for Israel», réponse directe au «Queers for Palestine» utilisé depuis des mois dans les manifs pro-Gaza par l’autre camp.

    Queers demonstrierten in Berlin für Israel: „Freiheit im Nahen Osten wird  es erst geben, wenn man eine CSD-Parade in Gaza veranstalten kann“

    Tandis que les militant·e·s pro-Israéliens défilaient joyeusement dans les allées de Tiergarten, les militant·e·s pro-Palestiniens battaient marchaient à Neukölln, au sud de la ville. L’Internationalist Queer Pride (IQP), lancée en 2021, se veut une alternative au grand CSD, jugé par certain·e·s trop commercial, capitaliste et «pinkwashiste» (un terme connu comme une insulte pour qualifier (un État, une organisation, un parti politique ou une entreprise qui améliore son image en promouvant son attitude accueillante envers les personnes LGBT), avec ses chars à essence aux noms de grandes entreprises allemandes, perçu comme trop hédoniste et pas assez revendicateur politiquement, mainstream et pas assez queer.

    Cristallisation du conflit à la Dyke* March

    Face à ce défilé gigantesque, l’Internationalist Queer Pride propose une manifestation plus politique et très diverse. Entre 5000 et 15’000 personnes étaient présentes selon les estimations avec la particularité (et pas la moindre) que l’IQP était cette année entièrement dévolue à la cause palestinienne, et ce sans aucune nuance et aucune critique du Hamas. Une nuée de drapeaux rouge-noir-blanc-vert et de keffiehs planait au-dessus d’une foule jeune et queer. Notons que l’ambiance était très tendue tout au long du cortège. Plusieurs altercations ont eu lieu entre la foule peu favorable et la police, suscitant mouvements de foule et plusieurs arrestations.

    Mais c’est la Dyke* March, la marche des fiertés lesbiennes, qui a traditionnellement lieu le vendredi soir, veille du grand CSD, qui a cristallisé les lourdes tensions qui parcourent depuis des mois la communauté LGBTIQ+ berlinoise.

    Dyke* March Berlin 2024 - Spalten, was gespalten gehört - Initiative Queer  Nations

    Empêtrées depuis quelques semaines dans une guerre interne provoquée par des militantes de l’East Pride qui les accusent de soutenir la cause palestinienne, les organisatrices de la Dyke* March ont eu bien du mal à convaincre la communauté FLINTA* (Femme, lesbienne, inter, non binaire, trans*, agenre) de leur neutralité sur le sujet. Au point qu’une contre-manifestation a été organisée simultanément par des militantes pro-Israël. Malgré l’appel du groupe organisateur de la Dyke* March à ne pas manifester avec des drapeaux nationaux, quels qu’ils soient, une marée de drapeaux palestiniens claquaient au vent vendredi dernier.

    Montecruz Foto on X: "#B2707 Today was the massive Internationalist Queer  Pride demo in Berlin. First impressions... #LGBTQ #pride #StopGazaGencide # CSD #IQP #iqpberlin #iqp2024 #Queer https://t.co/CyFhACe5u4" / X

    Plusieurs altercations ont eu lieu en fin de cortège – notamment autour d’un groupe de TERFs arborant des pancartes transphobes – qui n’en sont toutefois restées qu’aux mots.

    Cerise sur le gâteau de ce week-end mouvementé: un groupe d’une trentaine de jeunes néonazis s’était rassemblé samedi midi sur le trajet du grand CSD dans le but d’attaquer des manifestants gais. Ils ont été heureusement arrêté par la police avant le passage de la marche et placés en garde à vue préventive toute la journée. Du jamais-vu à Berlin.

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    1 COMMENTAIRE

    1. J’ai beaucoup de difficulté à accepter la présence dans des défilés de la fierté de bannières politisées sur des enjeux qui n’ont que très peu à voir avec les communautés LGBTQ+. ET encore plus À PROPOS d’un conflit idéologique qui a pris naissance il y a plus de cent ans. Rappelons qu’à la suite de la Première Guerre mondiale et de la chute de l’Empire ottoman, la Palestine passe sous mandat britannique, c’est-à-dire qu’elle est contrôlée par le Royaume-Uni qui veut en faire un foyer national juif, dont le peuple réclamait de pouvoir revenir sur la terre de leurs ancêtres.
      Durant la montée de l’antisémitisme des années 1920, les communautés juives d’Europe y immigrent de plus en plus. Après des vagues d’immigration qui ne posent aucun problème, les choses se compliquent. Devant les tensions croissantes, la Grande-Bretagne tente, en vain, de limiter l’immigration juive en Palestine.
      Le 14 mai 1948, à la suite d’une résolution de l’ONU ayant pour effet de diviser la Palestine en deux, la création de l’État d’Israël est proclamée.
      Mais après la création de l’État d’Israël, de nombreux conflits éclatent entre la Palestine et Israël ainsi qu’avec les pays voisins comme le Liban qui refusent l’existence même d’un état juif.
      En 1987, le Hamas est créé durant la première Intifada (aussi nommée la première guerre des pierres). Il est ESSENTIEL de rappeler que ce mouvement préconise la lutte armée et S’OPPOSE aux processus de paix tels que ceux négociés dans le cadre des accords d’Oslo de 1993.
      En 2006, le Hamas remporte les élections législatives dans la bande de Gaza, notamment avec l’appui de ses alliés dans la région, dont le gouvernement iranien qui rejette l’existence même l’Israel.
      Et depuis le 7 octobre 2023, c’est officiellement la guerre entre le Hamas et Israël.

      Et certains groupes voudraient qu’on prenne position contre l’Israel ou la Palestine ? Ce conflit ne se règlera que si les deux partis négocient de bonne foi. Ce n’est pas en marchant dans les rues à Montréal, Berlin ou New York ou Toronto que ce conflit se réglera.

      Ne laissons pas des éléments extrémistes instrumentaliser les célébrations de la fierté avec des causes qui ont si peu à voir avec nos communautés. IL y a des victimes LGBTQ+ de chaque côté de ce conflit, ne l’oublions pas.

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