En septembre dernier, un fait divers est passé rapidement sous le radar. Un professeur dans une école de Côte-des-Neiges a été victime d’intimidation et de menaces sur un site de clavardage avec les étudiant.e.s après avoir répondu positivement quand l’un d’eux lui avait demandé s’il était gai. Questions. Est-ce que les établissements scolaires sont outillés pour endiguer toute vague de discrimination de la part de leurs étudiant.e.s, ou encore sont-ils prêts à soutenir leur collègue ciblé par des menaces ? Et nos communautés, comme les organismes qui la composent, ont-elles fait preuve de solidarité face à la situation que vivait cet enseignant ?
Francis Richer est enseignant en stage dans une école secondaire de Côte-des-Neiges, « J’ai senti qu’il y avait un malaise à l’idée d’aborder cette question-là non seulement en classe mais également à travers l’école car quant à moi, cette question-là peut devenir un excellent réflexe pour faire de la sensibilisation pour atteindre une des missions de l’école, c’est-à-dire socialiser » déclarait-il sur les ondes de Radio Canada dans l’émission du 15-18. Se sentant délaissé aussi bien par l’école que par l’institution universitaire dont il dépend, il s’en ouvre sur Facebook qui n’est pas du goût de l’équipe professionnelle qui menace de lui faire échouer son stage par manque de loyauté. Que Francis Richer subisse alors ces menaces en silence et se débrouille tout seul avec cette situation. Pas tout seul, le ministre de l’Éducation Bernard Drainville dans une entrevue au Soleil considère que la réaction de la direction de l’école n’a pas été assez sévère et déclare « Les intimidateurs doivent être sanctionnées ». Mais quand, comment, par qui ? Tout cela mériterait des éclaircissements.
Quoique l’on puisse dire sur les nombreuses avancées légales et sociales pour l’acceptation des minorités sexuelles et de genre, il y a encore du chemin à faire. Et surtout d’avoir les outils nécessaires et la volonté de réagir quand de telles situations se produisent et qui contreviennent à la fameuse Charte des valeurs québécoises. On s’étonne de la peur de la direction de l’école, comme des universitaires qui encadrent la formation de Francis Richer de soutenir l’enseigner. Plutôt que d’aborder de front la question, en rappelant que de tels actes sont inadmissibles, de rappeler les valeurs défendues au Québec, et donc de s’en prendre aux auteurs de ces actes avant tout, il préfère rejeter l’odieux de la situation sur l’enseignant à qui on reproche d’avoir raconté son histoire dans les médias. Un manque de loyauté selon ses professeurs. Mais de loyauté, l’école comme l’université n’en ont pas fait preuve à l’égard de l’enseignant. Ou si peu.
On me répondra que toutes les institutions scolaires ont des codes de vie, que l’on informe les étudiant.e.s sur la façon de se comporter face à leurs pair.e.s, voir les adultes qui les encadrent. L’agenda que chacun.e reçoit rappelle les consignes en vigueur. Un peu comme ce que l’on peut lire dans l’extrait repéré par Rafael Provost d’Ensemble pour la diversité et publié sur les réseaux sociaux. Dans cet agenda, on peut lire au sujet de la Stratégie de la semaine pour faire face à la violence et à l’intimidation à de curieux conseils. Je cite : Changer ton apparence. Parfois, un simple changement dans ton apparence (style, habillement, maquillage, etc.) peut suffire à faire cesser l’intimidation, lit-on. En somme, l’intimidation serait la responsabilité de celui ou celle qui la subit et donc de sa faute ? Comme on le disait de ses femmes agressées sexuellement à qui on reprochait d’avoir porté une tenue « trop légère » provoquant ainsi les hommes. Par leur tenue, ces femmes l’auraient quelque part bien cherché. La stratégie invoquée dans cet agenda cautionne et validerait dans une certaine mesure par la même les actes d’intimidation et de violence, et pire culpabiliserait celles et ceux qui en sont victimes. Pas fort.
Bien sûr, on peut reprocher à l’école, aux profs d’université d’avoir été très pusillanimes dans le peu de soutien apporté à Francis Richer, mais on peut s’étonner aussi du manque de réaction de nos communautés et des organismes qui la compose dont on se serait attendu à un peu plus de solidarité, et peut-être de sorties publiques condamnant les gestes posés par ces étudiant.e.s. Saluons au passage, Pascal Vaillancourt, d’Interligne, qui a pris publiquement la parole, et Rafael Provost qui en a fait mention sur sa page.
Dans d’autres situations semblables, beaucoup d’organismes contactés ont simplement avancé que s’ils ne se prononçait pas c’est que cela ne faisait pas partie de leur mandat. Axés sur la prévention, la sensibilisation, l’éducation, leur mission ne recouvrait pas la défense des droits des personnes qui étaient victimes d’homophobie ou de transphobie. En somme, on a de jolis programmes pour la prévention des incendies mais on n’intervient pas toujours quand l’un d’entre eux (un feu) se déclare.
Même chose du côté de la classe politique ou du gouvernement à part la réponse du ministre de l’Éducation. Martine Biron, ministre responsable de la Lutte contre l’homophobie et la transphobie ne s’est pas exprimée non plus. Cela ne doit pas faire partie de sa mission non plus.
Le message alors renvoyé est que si tu es un enseignant 2SLGBTQ+ et qu’en ouvrant ton ordinateur et que tu lis comme Francis Richer : « francis le gay vas mourir », ou d’autres menaces de ce genre, tu dois encaisser le coup en sachant que le soutien aussi bien de tes employeurs que des communautés auxquelles tu appartiens sera aussi mince qu’une peau de chagrin.
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