Mercredi, 10 septembre 2025
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    Honey Don’t! une comédie queer aussi légère qu’amusante

    Margaret Qualley campe une détective privée obsédée et désinvolte dans un polar, qui ne mène peut-être pas bien loin mais qui divertit sans mal.

    La détective Honey O’Donahue, incarnée par Margaret Qualley dans un style qui rappelle Chandler, n’est pas exactement la meilleure dans son métier. C’est d’ailleurs l’un des gags récurrents de Honey Don’t!, le nouveau polar comique et éclaté d’Ethan Coen, où l’héroïne tente même de convaincre un client potentiel (Billy Eichner, hilarant) de ne pas l’engager. Faire surveiller son conjoint infidèle serait, selon elle, un gaspillage d’argent. Elle avait raison.

    Attention : ce n’est pas qu’Honey soit incompétente. Elle a l’instinct aiguisé, l’œil pour flairer les crapules qui rôdent autour d’elle et ce froncement de sourcils permanent qui ressemble à une « resting interrogator face », surtout quand elle est entourée d’hommes. Mais son manque d’engagement et sa tendance à se laisser distraire par des intrigues secondaires — ou par des lesbiennes séduisantes — l’empêchent rarement d’aller au bout de ses enquêtes.

    On pourrait en dire autant du film lui-même. Honey Don’t! se laisse volontiers séduire par des détours, des marges ou des personnages excentriques. Ce n’est pas un défaut, mais plutôt l’essence même du projet : un film qui préfère l’errance au récit linéaire.

    Il s’agit du deuxième long métrage d’Ethan Coen réalisé sans son frère Joel, après Drive-Away Dolls sorti l’an dernier. Les deux frères nous ont donné The Big Lebowski ou encore No Country for Old Men, classiques où l’humour grinçant et la maîtrise formelle s’équilibraient parfaitement. Depuis quelque temps, Ethan collabore plutôt avec sa conjointe, Tricia Cooke, qui signe ici le scénario.

    Cooke, ouvertement lesbienne, apporte sa sensibilité à ces comédies « queerisées » inspirées du cinéma de série B. Drive-Away Dolls et Honey Don’t! forment déjà un diptyque irrévérencieux et un troisième film pourrait venir compléter une trilogie officieuse. Ces films avancent à la vitesse de croisière, parfois même en roue libre, peuplés de personnages délirants qui se croisent et s’entrechoquent, entrecoupés d’éclats de violence aussi absurdes que grotesques.

    Mais il faut dire que la tension caractéristique des films des frères Coen — cet équilibre entre la rigueur artistique et l’humour potache — s’est estompée. Le tandem Coen-Cooke s’en approche parfois, mais on sent aussi un relâchement volontaire, une nonchalance qui fait partie du ton.

    Le décor, par contre, est lourd de sens. Drive-Away Dolls plaçait deux femmes de Philadelphie en cavale vers la Floride à la veille du bug de l’an 2000. Ici, Coen et Cooke situent Honey Don’t! à Bakersfield, bastion républicain californien. Dans le générique, leurs noms et ceux de l’équipe apparaissent peints sur des enseignes vieillottes, comme pour s’installer dans cet arrière-pays à l’abandon. Le choix du lieu, où un pasteur évangélique corrompu s’en prend aux plus vulnérables, n’a rien d’anodin.

    Ce pasteur, Drew Devlin, est incarné par Chris Evans, tout sourire carnassier et charme scouteux, un mélange savoureux de narcissisme et de lubricité. Derrière son vernis de sainteté, il intègre des fantasmes BDSM dans ses sermons et dirige en parallèle le trafic de drogue local.

    Honey se retrouve dans son orbite lorsqu’un de ses clients potentiels, membre de la congrégation de Devlin, meurt dans un accident de voiture suspect. L’enquête l’amène à croiser une galerie d’hommes lourdauds ou insistants, incapables de respecter son homosexualité.

    À l’inverse, Honey se relâche auprès des femmes, surtout celles qui éveillent son gaydar : MG, policière campée par Aubrey Plaza, qu’elle séduit en un rien de temps, ou encore la mystérieuse fatale sur Vespa (Lera Abova), tellement « femme » qu’elle pourrait bien être française.

    Ces personnages se croisent plus qu’ils ne s’entrelacent dans un fil narratif solide. Mais peu importe : chaque rencontre donne à Qualley l’occasion de briller. Avec sa voix rauque et ses répliques mordantes, elle occupe l’écran avec une aisance déconcertante, jouant elle-même avec les clichés du film noir, sans jamais s’y enfermer complètement.

    On pourrait reprocher à Honey Don’t! de ne pas chercher à tout résoudre, de ne pas suivre ses intrigues jusqu’au bout. Mais ce serait passer à côté du plaisir principal : se perdre avec Margaret Qualley dans ce joyeux chaos queer. Après tout, livrer une histoire bien ficelée, ce serait jouer trop « straight » pour un film qui affiche un tel mépris joyeux de tout ce qui sent l’hétéronormativité.

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