Longtemps invisibles, souvent marginalisées, les communautés gaies, lesbiennes, bisexuelles et trans (LGBTQ+) ont dû, au fil des décennies – et même des siècles – inventer leurs propres codes pour se reconnaître, se protéger, se rallier… et, ultimement, exister.
Ces symboles, parfois secrets, parfois flamboyants, ont joué un rôle crucial dans les luttes identitaires, politiques et culturelles des personnes queers. Du triangle rose au drapeau arc-en-ciel, en passant par le mouchoir de poche ou le labrys, retour sur l’histoire de ces marqueurs de fierté et de résistance.
Des codes clandestins à la résistance symbolique Pendant des siècles, vivre ouvertement sa sexualité ou son genre en dehors des normes hétéro-cis imposées était dangereux, voire mortel. Dans ce contexte, les personnes LGBTQ+ ont créé des codes discrets pour signaler leur appartenance à une communauté qu’on ne pouvait pas encore nommer publiquement. Ces codes, qui peuvent être visuels (comme la mode) ou verbaux, servaient de signal pour identifier les personnes queer et indiquer parfois des préférences sexuelles spécifiques, tout en restant discrets pour éviter la dénonciation.
Dans l’Europe du 19e siècle, certaines femmes lesbiennes adoptaient des accessoires masculins pour affirmer leur indépendance — cannes, chapeaux melon — tandis que des hommes gais utilisaient — dans les années 1970 et 1980 — des mouchoirs colorés glissés dans la poche arrière (le fameux hanky code ou code des foulards) pour exprimer subtilement leurs préférences sexuelles.
L’un des symboles les plus lourds d’histoire est sans doute le triangle rose : imposé aux hommes homosexuels et à des femmes lesbiennes dans les camps de concentration nazis, le triangle rose sera adopté dans les années 1970 comme symbole de mémoire et de lutte. Il rappelle que la fierté ne peut exister sans justice.
Le drapeau arc-en-ciel : l’icône d’une révolution douce
En 1978, à San Francisco, le militant Harvey Milk commande au vétéran et artiste Gilbert Baker la création d’un symbole d’espoir pour la communauté gaie. Le drapeau arc-en-ciel naît dans un esprit de paix, d’inclusion et de beauté : chaque couleur représente un aspect essentiel de la vie — la sexualité, la lumière, la nature, l’harmonie… L’emblème devient mondialement reconnu et brandi dans tous les défilés de la Fierté.
Au fil du temps, plusieurs variations du drapeau sont apparues pour mieux refléter la diversité au sein de la diversité : drapeau trans, bisexuel, lesbien, non binaire, intersexe, asexuel… Chaque étendard est une affirmation : « nous sommes là, nous existons, et nous méritons d’être vus·es et respecté·es. »
Des symboles pour unir… et différencier Dans les années 1990, l’émergence de drapeaux spécifiques — comme ceux des communautés cuir, ours, ou encore le labrys pour les lesbiennes féministes — traduit un besoin de reconnaissance propre à des communautés aux réalités et aux cultures distinctes. Ces symboles sont autant de moyens de créer du lien que de revendiquer une place unique dans un ensemble souvent amalgamé. Certaines icônes ont même nourri des formes de résistance ou d’orgueil spécifique.
Par exemple, le drapeau bisexuel, créé par Michael Page en 1998, répondait à l’invisibilisation des personnes bi dans les espaces gais et lesbiens. Le drapeau trans, dessiné par Monica Helms en 1999, repose sur un jeu de symétrie : peu importe dans quel sens on le tient, il reste lisible — une métaphore puissante de la légitimité du genre, quelle que soit sa direction.
La charge affective des symboles
Au-delà de leur fonction identitaire ou politique, ces symboles possèdent aussi une portée affective. Porter un pin du drapeau trans ou afficher un autocollant arc-en-ciel sur sa voiture, ce n’est pas juste une déclaration publique : c’est une manière de se protéger, de se reconnaître entre pairs, de trouver du réconfort, parfois dans des environnements hostiles. Ces marques visuelles sont aussi
essentielles pour les jeunes en questionnement. Un simple drapeau aperçu dans une vitrine, une bibliothèque ou une école peut faire toute la différence. Il envoie le message que «tu n’es pas seul·e», que «tu peux être toi-même», que «tu es bienvenu·e ici».
Une culture vivante, une fierté mouvante
Aujourd’hui, les drapeaux et symboles LGBTQ+ continuent d’évoluer. De nouvelles
couleurs sont ajoutées pour reconnaître les réalités racisées, les personnes intersexes ou neurodivergentes. On débat, on crée, on nuance. Parce qu’un symbole vivant n’est jamais figé. Il se transforme avec sa communauté. Ce que tous ces symboles ont en commun? Ils racontent l’histoire d’un combat pour être vu·e, entendu·e, accepté·e. L’histoire d’un arc-en-ciel aux mille couleurs, façonné par celles et ceux qui ont refusé de rester dans l’ombre.
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