L’artiste multidisciplinaire Soleil Launière présentera son spectacle lors d’une immense soirée consacrée aux arts autochtones, le 31 juillet, à l’Esplanade tranquille. Dans le cadre de Fierté Montréal, la musique, la danse et la poésie réuniront les voix de Bobby Sanchez, Camille Larivée, Gilbert Niquay, Léuli Eshràghi, Shub, Marie-Celine Einish et Carling Sioui. Fugues a tendu le micro à Soleil pour mieux connaître son parcours créatif et identitaire.
Dirais-tu que c’est très queer de mélanger les disciplines artistiques?
Soleil : Mets-en! C’est queer et décolonial. On ne se bloque pas à une forme spécifique. On se laisse être qui on est en tant qu’artistes et en tant qu’humains. Ça ouvre des portes dans mon esprit créatif. Mon spectacle est déjà très mélangé avec de la musique, de la poésie et de l’art performance. Quand je vois d’autres formes d’art qui émergent à côté et qui abordent des sujets différents, en apportant la réflexion plus loin, je trouve ça super inspirant.
Comment t’identifies-tu dans le spectre de la queerness?
Soleil : Je suis bispirituelle et pansexuelle. À chacun sa façon d’exprimer comment il se sent en tant qu’être bispirituel. Moi j’aime beaucoup la connexion à quelque chose de plus grand que nous, relié au monde des esprits. Ce n’est pas juste le genre et la sexualité, même s’ils sont inclus. C’est la façon de se sentir à l’intérieur et d’être lié au monde. J’utilise le mot femme, pas seulement pour le genre, mais aussi pour évoquer l’énergie. L’énergie féminine et l’énergie masculine sont présentes dans mon corps d’une manière fluide. J’ai l’impression en étant mère que j’accepte la mère en moi comme une grande vague.
Plusieurs personnes autochtones bispirituelles m’ont expliqué que ce concept existait depuis des temps immémoriaux et qu’il avait été mis de côté avec l’arrivée des colons blancs et leur religion. Puis, il commence à reprendre sa place depuis quelques années dans les communautés. Quand as-tu senti que ça t’interpellait et que tu voulais te l’approprier?
Soleil : Je me suis toujours sentie entre deux. Adolescente, je l’ai découvert d’abord dans la sexualité : j’aimais les hommes et les femmes. Au Lac Saint-Jean, j’avais des relations plus facilement avec des garçons, parce que c’était la « norme ». À 17 ans, j’ai commencé à avoir des petites relations avec des femmes. Ça m’a rendue plus libre. J’ai aussi côtoyé des hommes et des femmes bisexuelles qui m’ont fait découvrir cette réalité. Vers 24-25 ans, en étant avec des personnes trans, j’ai découvert le mot pansexuelle. Dans ces années-là, je suis allée passer beaucoup de temps en Nouvelle-Zélande où la communauté queer est extraordinaire. J’ai trouvé mon assise là-bas. J’ai commencé à me dire queer davantage. Ça m’a lancée plus loin dans mon acception de moi, de mon corps et de qui je suis totalement. À mon retour, vers la fin de la vingtaine, j’ai découvert le concept de two-spirits (bispiritualité).
À quel point l’art queer autochtone en général se déploie-t-il de nos jours?
Soleil : Comme l’art autochtone prend de l’ampleur et que les personnes queers sont mieux acceptées à l’intérieur des communautés, les artistes autochtones queers prennent de plus en plus leur place. Ce n’est pas pareil partout, mais à Mashteuiatsh, avec un de mes ex, on était retourné dans la communauté. Il commençait à parler de faire sa transition. Il n’y avait pas de regards croches dans la communauté de voir deux femmes, tandis qu’à Roberval, juste à côté, c’était beaucoup plus fermé, même si ça tend à s’ouvrir.
Tu es une artiste qui fait de la musique, du théâtre, de la performance et du mouvement. Comment toutes ses formes se nourrissent-elles?
Soleil : Au début de ma pratique artistique, j’avais l’impression de devoir faire une seule chose. Mais quand je faisais seulement de la musique, je me sentais bloquée à l’intérieur. Lorsque je suis allée juste en théâtre, j’avais la même impression. Idem en danse. Je n’étais jamais capable de briser les murs de qui j’étais vraiment. À l’intérieur de l’art performance, j’ai trouvé une multitude. Ça m’a poussée à intégrer du théâtre, de la musique, de la danse et des arts visuels dans mon art performance. Je veux enlever les frontières. C’est extrêmement décolonial. Ça m’a replongée dans les rituels de ma communauté pour m’exprimer de manière plus profonde, sans toujours faire appel aux mots.
Comment présentes-tu ton premier album, Taueu, sorti en octobre 2023?
Soleil : En l’écoutant au complet, on traverse la recherche identitaire. On commence avec Joséphine Bacon qui lit un poème qu’elle a écrit pendant que je dansais lors d’une résidence. Peu à peu, elle m’apprend à le dire. Je suis tombée enceinte pendant que je faisais l’album. On finit l’album avec le cœur de mon enfant dans mon ventre. Ça fait une belle boucle de l’aînée à l’enfant à venir.
INFOS | Soleil Launière sera du spectacle Lumière des Nations, présenté le jeudi 31 juillet 2025, sur la scène de l’Esplanade tranquille, de 17 h à 21 h. https://fiertemontreal.com
Pour suivre Soleil Launière : https://soleil-launiere.com
Super show ce soir. Soleil m’a envoûtée!