Si vous êtes sur Instagram, YouTube ou TikTok, vous avez peut-être vu passer les vidéos du compte Château Poséidon, l’immense projet de Thomas Garneau et de Damien Verhaegen, un couple québécois qui documente les travaux de restauration d’un château français qu’ils ont acheté cette année.
Quand vous êtes-vous rencontrés?
Damien — Il y a 15 ans, lors d’un souper chez un ami commun à Montréal. Thomas revenait de deux ans passés en Angleterre. On s’est appréciés rapidement et on a emménagé ensemble après six mois.
À quel moment c’est devenu clair que vous vouliez une relation et non un simple fling?
Thomas — Je ne fais pas de fling. Damien est mon premier chum. J’avais fait mon coming out en Angleterre. À mon retour en mai, je pensais profiter de ma vie de jeune célibataire fraîchement sorti du placard, mais en juillet je l’ai rencontré, et on a commencé à sortir ensemble en août.
Pourquoi vous êtes-vous mariés il y a sept ans?
Thomas — Pour nous, c’était une célébration de l’amour. Comme la mère de Damien est décédée l’année suivante, on est encore plus contents d’avoir vécu ce grand moment avec elle, nos familles et nos amis.
Damien — C’est à ce moment-là qu’on a constaté à quel point les gens sont heureux lors des mariages. Après le nôtre, on a commencé à penser à en organiser d’autres. C’est tellement exaltant et fabuleux!



À quel moment la réno, la déco et les projets manuels sont-ils devenus des passions pour vous?
Thomas — Quand on avait 25 ans, on a acheté notre premier condo avec le minimum de mise de fonds. On a modifié l’espace tranquillement; le condo a pris de la valeur, on en a acheté un deuxième, puis un troisième à Vancouver. Celui-là n’était pas très beau, alors on a tout refait côté esthétique — pas la plomberie ni l’électricité. On a toujours entrepris des projets pour lesquels on n’avait pas assez d’argent, mais on s’arrangeait pour les réussir quand même. On travaillait parfois la nuit à sabler à la main.
Damien — Le condo de Vancouver s’est vendu plus cher que le prix demandé, alors les gens semblent aimer ce qu’on fait!
Est-ce le projet du château ou l’idée de retourner vivre en France qui est arrivé en premier?
Damien — Un peu des deux. Après avoir perdu ma mère, mon père a déménagé en Suède. Ma sœur était la seule personne de ma famille au Canada : elle vivait à Montréal, moi à Vancouver. Je n’avais plus grand monde au pays à part Tom et des amis. Le reste de ma famille vivait en Europe. Je n’y avais jamais habité, sauf à cinq ans. Je rêvais d’y retourner en tant qu’adulte et de renouer avec ma parenté. En parallèle, on voyait que certains châteaux en France étaient parfaits pour les événements qu’on voulait organiser et qu’on pouvait en acheter un pour le prix d’un condo d’une chambre à Vancouver. Avec de la volonté, de la passion et de la patience, on savait que c’était possible.


Je comprends, mais pourquoi un projet aussi fou?
Thomas — Perdre la mère de Damien, à seulement 60 ans, nous a fait comprendre à quel point la vie passe vite. Moi, j’avais une bonne job stable. J’aurais très bien gagné ma vie. On aurait pu faire plein de voyages et avoir de belles voitures, mais ce n’est pas ça qui nous faisait vibrer. On voulait une vie où chaque journée est différente. On voyait cette aventure comme un saut dans le vide, quelque chose que peu de gens font. C’est vraiment épeurant — et ça l’est encore chaque jour —, mais à la fin de chaque journée, on n’en revient pas de ce qu’on vient de vivre.
Où est situé le château?
Damien — À 2 h 30 de Paris, en voiture ou en train, dans la vallée de la Loire, où l’on retrouve plusieurs châteaux comme Chambord, l’un des plus grands de France, à 40 minutes du nôtre. Il y a aussi beaucoup de vignobles autour de nous.
Thomas — On est plus au sud, dans une région appelée le Berry, qui a sa propre culture. C’est très agricole et il y a plein de bons produits. C’est un territoire moins connu de la France.
Quand on parle de France, du monde agricole et des châteaux, on pourrait imaginer des mentalités conservatrices. Comment les gens réagissent-ils au couple gai qui vient de débarquer?
Damien — On avait un peu peur au début, mais ils sont fantastiques. On n’a jamais senti qu’on était différents. Personne n’a fait de remarques. Ils sont très généreux : ils nous aident, nous donnent des meubles et de la vaisselle pour que le projet fonctionne. Parmi tous les endroits où on a vécu, c’est dans la ville de Québec qu’on a ressenti le plus d’homophobie.
Que connaissez-vous de l’histoire de la propriété, qui date de 1860?
Damien — Elle a été construite par une famille d’industriels — et non des nobles — qui avaient fait fortune dans les terres et l’immobilier. Le château a été bâti dans un style néo-renaissance. Ils ont engagé de très bons architectes, dont un qui a aussi dessiné des cathédrales, des châteaux et des hôtels de ville.
Thomas — Cette famille a tout perdu durant la Première Guerre mondiale. Ensuite, un homme d’affaires qui avait fait fortune dans la fabrication d’armes a racheté la propriété entre les deux guerres. Puis, elle est passée entre plusieurs mains, jusqu’à ce que des Allemands l’achètent avec 200 hectares de terrain pour y faire un golf. Peu après, le mur de Berlin est tombé, le projet s’est effondré et l’argent a été retiré. Ils possèdent encore les hectares, mais on a acheté le château et 15 hectares.
Combien a-t-il coûté?
Damien — Moins de 500 000 euros, soit près de 815 000 $ canadiens. On a le château, une maison, une tour et, en prime, une maisonnette qu’on a trouvée dans la forêt par la suite.
Thomas — Pour le rendre opérationnel, on ne veut pas dépasser le prix d’achat comme budget de travaux. Cela dit, un château entraîne sans cesse des coûts supplémentaires. On va avoir besoin des profits générés par l’organisation de mariages et la location de chambres d’hôte. On est conscients que notre vie va se résumer à profiter du lieu où on vit. L’argent qu’on va faire devra retourner dans le château.
Quels sont vos plans?
Damien — On veut restaurer le château et retirer les mauvaises rénovations effectuées dans les années 1960-1970, en plus d’ajouter des éléments beaucoup plus authentiques, comme on en trouvait en 1860. On va s’informer sur les aspects légaux en France pour ne pas être considérés comme un hôtel — ce qui exigerait, par exemple, un ascenseur et une rampe d’accès. On veut respecter les règles sans dénaturer les lieux, afin de louer quelques chambres.
Pourquoi partagez-vous le projet sur les réseaux sociaux?
Thomas — Ça nous donne une belle visibilité. On est en pleine campagne française et on tripe sur notre région. On veut que les gens la découvrent. Sur YouTube, nos épisodes montrent la rénovation et notre mode de vie. On veut que les gens aient envie de venir pour le château et pour toute la région.
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