Après plus de cinq décennies d’existence dans le quartier gai de Toronto, la librairie Glad Day Bookshop, considérée par plusieurs historiens comme la plus ancienne librairie LGBTQ+ encore en activité au monde, va quitter la rue Church. Elle sera temporairement installée dans le quartier du Petit Portugal, à l’ouest du centre-ville de Toronto, pour poursuivre sa mission dans un contexte financier difficile.
Une décision pour éviter la fermeture
En 2023, la librairie avait fait appel à la générosité du public afin d’éviter une expulsion due à des retards de paiement de loyer. Grâce à une campagne de dons ayant permis de récolter près de 200 000 $, elle a pu se maintenir à flot. Mais pour assurer sa pérennité, l’équipe a finalement pris la décision de réduire ses coûts en quittant le Village gai, du mois pour le moment.
« Ces fonds nous ont permis de trouver une solution pratique qui réduit nos coûts de 95 % tout en nous laissant le temps de chercher des locaux permanents et des stratégies créatives », explique la librairie sur son compte Instagram.
Glad Day Bookshop occupera dès ce mois-ci un nouveau local temporaire situé au 32, rue Lisgar, dans un espace plus modeste mais toujours animé d’une volonté d’accueil et de résilience.
Un lieu refuge pour la communauté
Pour Michael Erickson, copropriétaire de l’établissement, Glad Day est bien plus qu’une librairie : c’est un espace essentiel de soutien, notamment pour les personnes LGBTQ+ nouvellement arrivées à Toronto. « Parfois, les gens ont simplement besoin de s’asseoir, de boire un thé, de parler à quelqu’un ou d’obtenir de l’aide de façon informelle. Cette ville — et ce monde — peuvent être rudes, surtout avec la montée actuelle de la transphobie et de l’homophobie. Il faut un endroit où souffler », confie-t-il.
Il insiste sur l’importance d’un espace gratuit et accessible, en complément des bars et des centres communautaires, souvent hors de portée pour les personnes marginalisées. « Une librairie, c’est un lieu spécial. On peut y entrer, consulter des livres sans être dérangé. Et grâce à notre mandat, nous offrons du soutien par les pairs, ainsi que des activités culturelles favorisant les échanges. »
Une ressource pour les familles aussi
Tianna Henry, coordonnatrice des événements de la librairie, souligne l’évolution du public fréquentant Glad Day. Elle constate une augmentation notable du nombre de parents et de proches de personnes LGBTQ+ venant chercher des ressources pour mieux accompagner leurs enfants. « On en voit de plus en plus, et c’est formidable », affirme-t-elle.
Une activité culturelle à réinventer
Glad Day organisait environ 500 événements par année dans son ancien espace. Le nouveau local, plus petit, ne permet pas de maintenir ce rythme. « Le côté positif, c’est qu’on va toucher plus de quartiers grâce à des emplacements éphémères. Le revers, c’est qu’on ne pourra pas organiser autant d’événements », reconnaît Michael Erickson.
Malgré tout, il espère un éventuel retour dans le Village, soulignant l’importance symbolique et concrète du lieu : « Quand quelqu’un arrive d’une région rurale de l’Ontario après avoir fui son foyer, nous sommes souvent le premier endroit où cette personne se rend. Ne plus être dans le Village, c’est une perte. »
Une histoire de résilience
Fondée en 1970, Glad Day a survécu à bien des changements. Pour Tianna Henry, cette nouvelle étape est avant tout une preuve de résilience : « Nous avons existé sous différentes formes au cours de nos plus de 55 ans d’histoire. Et nous continuerons à nous adapter et à évoluer. »
Des négociations ont lieu avec la ville pour trouver un nouvel endroit dans le quartier gai, qui c’est grandement gentrifié au cours de la dernières décennie, voyant pousser de nombreux gratte-ciel là où se trouvaient des institutions LGBTQ+, comme des bars et des boutiques spécialisées.
