Dimanche, 9 novembre 2025
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    Claudine Metcalfe, un monument de la communauté LGBTQ+

    Je ne reviendrai pas sur la pièce Corps fantômes, ses auteurs et ses metteurs en scène : mon collègue Denis-Daniel Boullé l’a très bien fait. Mais revenons au rôle de Claudine Metcalfe, joué sur scène par la talentueuse Charlie Monty. Claudine Metcalfe, un monument de la communauté LGBTQ+ (comme on dit aujourd’hui). Féministe, lesbienne, journaliste et militante de la première heure, elle a contribué à la mise sur pied de plusieurs organisations, dont Dire enfin la violence, qui a d’ailleurs inspiré en partie les auteurs et autrices de la pièce.

    « Les luttes ont évolué, ce n’est plus la même chose, mais la lutte pour les droits a donné des résultats que l’on voit aujourd’hui et dont les jeunes générations peuvent bénéficier »,
    dit d’entrée de jeu Claudine Metcalfe.

    Celle-ci a milité dans de nombreuses associations, dont le projet Dire enfin la violence. Le contexte des années 1990 en est un de luttes pour les droits, de descentes policières, de meurtres en série d’hommes gais — 17 pour être exact, en seulement 3 ou 4 ans —, le tout doublé du sida qui faisait des ravages à l’époque. Les hommes tombaient comme des mouches, décimant toute une partie de la communauté. Il faut bien comprendre : ces hommes mouraient rejetés par leurs familles, alors que leurs conjoints n’avaient aucun droit ni recours. Non, les « conjoints de fait » n’existaient pas et le mariage non plus. Le combat allait porter fruit plusieurs années plus tard grâce aux changements de lois, de mentalités et aux décisions des tribunaux. Mais sommes-nous à l’abri des reculs ? Il suffit de regarder ce qui se passe au sud de la frontière pour s’en rendre compte.

    « J’ai rencontré Charlie Monty, elle est très sympathique, celle qui m’incarne dans Corps fantômes. Je lui ai parlé des soirées qu’il y avait au Lilith [un établissement pour lesbiennes]. Cela m’a ramenée à cette époque. C’était spécial de se remémorer ces moments-là : l’organisation d’événements de poésie féministe, etc. », avoue-t-elle. « Il y a des femmes et des lesbiennes dans La Messe Basse [la compagnie théâtrale]. Je me demandais quelle serait la place des femmes et des lesbiennes dans une pièce qui parle beaucoup d’homosexualité masculine, de meurtres et du sida. Mais non, j’ai constaté que la place des femmes était bien là. Il y a beaucoup de poésie féminine dans cette pièce. Je ne voulais pas que la place des femmes soit diluée, parce qu’elle a été importante et qu’elle l’est encore », affirme-t-elle.

    « Ici, c’est une belle façon de transmettre l’histoire, de la faire connaître aux jeunes générations, pour qu’elles voient comment cela s’est passé. Ils ont rencontré Michael Hendricks, René LeBoeuf, Roger Le Clerc et Claude Poissant qui était là au début et qui les appuyaient. Ils ont fait leurs recherches, leurs lectures, leurs rencontres avec des gens qui ont vécu cette époque. Ils sont allés aux Archives gaies du Québec. C’est sérieux, ils ont fouillé profondément pour dénicher des détails », explique Claudine Metcalfe, qui fut longtemps chroniqueuse et journaliste aux magazines Fugues et Gazelle, celui-ci étant en quelque sorte la petite sœur du premier.

    Après tous ces meurtres et la police qui n’agissait pas malgré les différentes interventions… Il a fallu attendre le meurtre du pasteur anglican Warren Elling et l’appel de Mgr Andrew Hutchinson, l’archevêque anglican de Montréal, « pour que la police bouge et entreprenne une véritable enquête sur ces meurtres. C’était vraiment une autre époque », ajoute-t-elle.

    « On a vécu des choses terribles. Ta vie pouvait être détruite à cause d’une photo. [Le journal] Allô Police publiait les photos des gens arrêtés lors des descentes. Quelqu’un est venu nous voir en pleurs : c’était un ingénieur qui venait de perdre sa job. Mais comment
    pouvions-nous l’aider [à Dire enfin la violence] ? », s’interroge-t-elle.

    « C’était quelque chose d’aller au parc Maisonneuve la nuit pour avertir les gars qui se trouvaient dans les bosquets que la police de la moralité pouvait débarquer n’importe quand. On les prévenait aussi que, non seulement ils risquaient de se faire arrêter par la police, mais aussi d’être battus par des bandes d’hommes hétéros », se rappelle Claudine Metcalfe. Pour les jeunes qui liront ce texte, il faut rappeler qu’il n’y avait pas d’applications de rencontres, pas de cellulaires, et qu’Internet en était à ses balbutiements…

    « Je me sens privilégiée, souligne Claudine Metcalfe. Le respect est là. Bien sûr, c’est une construction théâtrale, mais il y a une histoire qui se vit dans ce contexte. À certains moments, ils sont allés dans les détails, comme lors des soirées d’organisation chez Roger [Le Clerc], avec Michael Hendricks, René LeBoeuf et Douglas Buckley Couvrette. Parfois, les choses s’enflammaient et j’essayais de trouver un consensus. Bien entendu, c’est artistique, c’est flyé, mais c’est contemporain et ça illustre bien comment les choses se sont passées. »

    « Je pense que c’est une pièce qui permet aux jeunes d’apprendre et aux plus vieux de se souvenir. Elle nourrit aussi l’espoir chez les jeunes. Je voulais les encourager à persévérer, malgré le temps écoulé entre le début de leurs recherches et la mise en scène. Et le fait que le projet se réalise et que la pièce sera jouée au Théâtre Duceppe, ce n’est pas rien !

    Ils ont réussi à réunir des comédiens et des comédiennes capables d’incarner les figures de cette époque. Celui qui joue Michael est afro-québécois. C’est ancré dans notre époque, oui, mais amené avec beaucoup de crédibilité. Pour les jeunes d’aujourd’hui, c’est important », conclut Claudine Metcalfe.

    INFOS | Corps fantômes, du 22 octobre au 22 novembre 2025, au Théâtre Jean-Duceppe.
    https://duceppe.com/corps-fantomes

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