Jerry Greenfield, cofondateur de la légendaire marque de crème glacée Ben & Jerry’s, a annoncé sa démission mercredi, accusant la multinationale Unilever — propriétaire de la marque — d’avoir « muselé » l’activisme politique de l’entreprise au moment même où l’administration Trump s’en prend « aux immigrant·e·s, aux femmes et à la communauté LGBTQ+ ».
« Une des décisions les plus douloureuses de ma vie »
C’est sur les réseaux sociaux, dans une déclaration relayée par son partenaire de toujours Ben Cohen, que Greenfield a officialisé son départ, le qualifiant de « l’une des décisions les plus dures et les plus douloureuses » qu’il ait jamais prises.
Depuis la vente à Unilever il y a plus de vingt ans, les deux fondateurs conservaient un rôle symbolique, sans véritable pouvoir décisionnel. Mais l’entente de fusion préservait une certaine indépendance, qui a permis à Ben & Jerry’s de se démarquer en prenant position pour la paix, la justice et les droits humains.
« Pendant plus de 20 ans sous la bannière Unilever, Ben & Jerry’s s’est exprimée en faveur de la justice et des droits humains, non pas comme des concepts abstraits, mais en lien direct avec les événements de notre époque », a écrit Greenfield.
Des tensions croissantes avec Unilever
La relation entre les fondateurs et Unilever s’était tendue ces dernières années, notamment après la décision de Ben & Jerry’s de cesser la vente de ses produits dans les colonies israéliennes en 2021.
En novembre 2024, la compagnie a poursuivi Unilever en justice, l’accusant d’avoir écarté illégalement son ancien PDG David Stever et d’avoir censuré des publications sur la Palestine, le Mois de l’histoire des Noirs, la liberté d’expression et d’autres sujets sensibles.
« C’est profondément décevant de constater que l’indépendance — la base même de la vente à Unilever — n’existe plus. Et cela survient alors que notre pays voit ses droits civiques, les droits des immigrant·e·s, des femmes et des personnes LGBTQ+ attaqués de plein fouet », a écrit Greenfield. « Défendre les valeurs de justice et d’équité n’a jamais été aussi crucial. Or Ben & Jerry’s a été réduite au silence, mise à l’écart par peur de déplaire aux puissants. »
La riposte d’Unilever
De son côté, Unilever, qui prévoit scinder ses marques de crème glacée dans une nouvelle entité baptisée The Magnum Ice Cream Company d’ici la fin de l’année, a nié ces accusations. Le groupe affirme n’avoir jamais voulu évincer Stever et accuse Cohen et Greenfield de ternir son image.
« Nous ne partageons pas le point de vue de Jerry Greenfield et avons cherché à engager une conversation constructive sur la façon de renforcer la position de Ben & Jerry’s comme entreprise porteuse de valeurs », a déclaré un porte-parole à l’Associated Press.
L’avocat de Ben & Jerry’s, Shahmeer Halepota, a pour sa part dénoncé une « tentative à peine voilée de sauver la face malgré des menaces, des représailles professionnelles et une interdiction de critiquer les politiques de l’administration Trump ».
Une longue histoire d’engagement LGBTQ+
Depuis ses débuts, Ben & Jerry’s a intégré la défense des droits LGBTQ+ à son ADN. Dès les années 1980, l’entreprise offrait des avantages aux couples de même sexe, bien avant la légalisation du mariage partout aux États-Unis en 2015. Elle continue aujourd’hui de soutenir des lois comme l’Equality Act, qui vise à renforcer les protections contre la discrimination et la violence. La marque a aussi souligné des dates clés comme la Journée de visibilité trans.
Un engagement qui se poursuit hors de l’entreprise
Si Greenfield reste discret sur ses prochains projets, il promet de poursuivre son militantisme en dehors de Ben & Jerry’s :
« Ça a toujours été plus qu’une question de crème glacée; c’était une façon de répandre l’amour et d’inviter les gens à se joindre à la lutte pour l’équité et un monde meilleur. Si je ne peux plus porter ces valeurs à l’intérieur de l’entreprise, je le ferai à l’extérieur, avec tout l’amour et toute la conviction dont je suis capable. »