Samedi, 1 novembre 2025
• • •
    Publicité

    Une gardienne queer trouve refuge au Canada

    Avec des figures comme Megan Rapinoe, Marta ou Sam Kerr, on pourrait croire que le soccer féminin est un terrain naturellement accueillant pour les athlètes queer. Pourtant, derrière chaque parcours se cachent des défis pour vivre pleinement son identité, sur le terrain comme dans la vie. La carrière de la gardienne Sofia Manner en est un bon exemple.

    À 27 ans, Manner possède toutes les qualités qu’un club recherche pour garder les filets. Décrite comme une « présence imposante », elle mesure plus d’un mètre quatre-vingt, affiche une solide carrure et une expérience de jeu supérieure à celle des gardiennes issues directement des rangs universitaires. Pas étonnant qu’au moment de bâtir sa première équipe professionnelle féminine, le AFC Toronto ait sauté sur l’occasion de la recruter dès le lancement de la saison 2025.

    « On observait plusieurs gardiennes en Amérique du Nord, en Europe, un peu partout dans le monde. Puis on est tombés sur Sofia et on a tout de suite été intéressés », raconte Rasih Pala, entraîneur des gardiennes de l’AFC Toronto. À l’époque, Manner jouait encore pour le club floridien Orlando Pride.

    Vivre en Floride, survivre comme personne queer
    Malgré le nom de son équipe, la vie en Floride n’avait rien de réjouissant pour une joueuse queer.
    « Je suis plus masculine que bien des filles, alors je me suis retrouvée dans des situations vraiment inconfortables, surtout dans les toilettes publiques. Je me faisais constamment mégenrer », se souvient-elle.

    Originaire d’Helsinki, Sofia Manner avait rejoint la Floride en 2021 pour faire ses études supérieures à Boca Raton. Mais c’était aussi l’époque post-Trump et le début du mandat de Ron DeSantis comme gouverneur, période marquée par des politiques hostiles aux personnes trans et non conformes au genre. En 2023, un projet de loi a même criminalisé l’utilisation de toilettes ou vestiaires différents du sexe assigné à la naissance.

    Ces lois ont eu des répercussions sur toute la communauté LGBTQ+, en touchant non seulement les personnes trans mais aussi quiconque ne correspond pas à l’idéal hétéronormatif. « Je me suis demandé : est-ce que je reste pour travailler ici? Mais rapidement, j’ai compris que ce n’était pas une option, pas en Floride en tout cas. »

    Du filet de quartier à l’élite universitaire
    La gardienne finlandaise avait toutefois appris depuis longtemps à se frayer sa place. Benjamine d’une fratrie de trois enfants, elle voulait suivre les traces de son frère aîné qui jouait au soccer. « Je l’admirais tellement que je voulais forcément jouer aussi. J’ai essayé la gymnastique avec ma sœur, mais ce n’était pas pareil. Le soccer, c’était une vraie passion. »

    Très vite, elle s’est retrouvée dans les buts face à des garçons plus âgés. « J’adorais arrêter les tirs, c’était beaucoup plus excitant que de marquer. »

    Son identité queer s’est affirmée à l’adolescence. À 16 ans, elle a eu son premier béguin pour une fille. « Je me disais : je pense à elle plus que je ne pense à mes autres amies. » Incapable de le dire à voix haute, elle l’a écrit sur son téléphone et a simplement montré l’écran à la personne concernée.
    Après le secondaire, elle s’envole pour l’Université Stony Brook, à New York. Dès sa première saison, elle décroche le titre de Recrue de l’année America East. Pourtant, elle n’osait pas encore vivre totalement à découvert. « J’étais dans un nouveau pays, avec une nouvelle langue, une nouvelle équipe. Je me dépêchais toujours d’aller à la douche en premier pour éviter les regards. » Ce n’est qu’avec l’arrivée progressive d’autres joueuses queer dans l’équipe qu’elle a commencé à se sentir à l’aise.

    Relations toxiques et libération au Canada
    Être « la première » ou « la seule » reste un défi. Sofia Manner en a souffert en Floride, où sa relation amoureuse était marquée par la honte. « Ma copine ne voulait pas qu’on soit vues ensemble en public. Quand ses meilleures amies sont venues la visiter, elle a parlé de moi comme si j’étais son chum… J’étais sous le choc. »

    Aujourd’hui, à Toronto, c’est une toute autre histoire. Elle vit ouvertement son amour, s’est fait des amitiés solides dans l’équipe et profite d’un climat plus inclusif. « Quand les gens t’acceptent vraiment, l’ambiance est tellement plus agréable », témoigne Kaela Hansen, défenseure de l’AFC Toronto et proche de Sofia Manner. « C’est la lumière de l’équipe. Si quelqu’un a une mauvaise journée, Sofia trouve toujours un moyen de le faire sourire. »

    L’entraîneur des gardiennes confirme son importance : « C’est la plus expérimentée et elle conseille énormément les plus jeunes. Son leadership est précieux. »

    Être soi-même, pour soi et pour les autres
    Le Canada n’est pas exempt de défis pour les athlètes LGBTQ+, mais Sofia Manner note un contraste marqué. Le match de la Fierté organisé par l’AFC Toronto en juin dernier, avec un spectacle de drag à la mi-temps, illustre bien cette volonté d’inclusion. « Ici, tu peux être qui tu veux vraiment. Je me sens accueillie. »

    En devenant une joueuse out et fière, Sofia Manner contribue à ouvrir la voie pour d’autres. Déjà mise en avant dans une anthologie consacrée aux athlètes queer finlandais, elle incarne cette nouvelle génération qui transforme le sport. « Sauver l’équipe dans les moments difficiles, pour moi, c’est incroyable », dit-elle. Sur le terrain comme dans la vie, Sofia Manner prouve que protéger ses coéquipières va bien au-delà du filet.

    Du même auteur

    SUR LE MÊME SUJET

    LAISSER UN COMMENTAIRE

    S'il vous plaît entrez votre commentaire!
    S'il vous plaît entrez votre nom ici

    Publicité

    Actualités

    Les plus consultés cette semaine

    Publicité