«Si une personne est homosexuelle, qui suis-je pour la juger? Nous devons être frères.» Cette déclaration faite par le pape en quittant le Brésil pourrait donner l’impression d’une attitude plus nuancée, voire tolérante, en rapport à l’homosexualité toujours associée par la doctrine catholique à une déviance. Mais peut-on vraiment parler d’une réelle ouverture, voire d’un changement en profondeur de l’Église ?
Interrogé sur l’existence d’un «lobby gai» au Vatican, le pape François a eu cette réponse surprenante : «On écrit beaucoup sur ce lobby gai. Je ne l’ai pas encore trouvé. Je n’ai encore rencontré personne au Vatican qui me montre sa carte d’identité avec écrit “gai”. On doit distinguer le fait d’être homosexuel, et le fait de faire partie d’un lobby. Les lobbies ne sont pas bons. Si une personne est homosexuelle, qui suis-je pour la juger? Le problème n’est pas d’avoir cette tendance, le problème est de faire des lobbies, lobbies des affaires, lobbies politiques, lobbies des francs-maçons. C’est cela le problème le plus grave. Si une personne est homosexuelle, qui suis-je pour la juger?»
Une déclaration relevée comme positive par bien des journalistes et associations LGBT et même par Henri Tincq, journaliste, spécialiste des questions religieuses. Comme ce dernier le remarquait récemment, «on est loin de la dénonciation du crime contre nature qui crie vengeance à la face de Dieu, qui était celle du pape Pie X» et de bien d’autres après lui. La déclaration du pape François ne met pas fin à la révulsion de l’Église vis-à-vis homosexualité, mais dénote une bienveillance de ton, inconnue jusqu’à ce jour, de la part du chef hiérarchique de l’Église.
Avec l’épidémie du sida et sur la question de l’interdiction de l’utilisation du condom par l’Église, la guerre entre les catholiques et la communauté gaie n’a cessé de s’amplifier ces trente dernières années. D’autant plus avec les revendications et les succès obtenus dans l’égalité, le droit au mariage et à l’homoparentalité. Depuis, le Vatican n’a fait que condamner.
Rappelons-nous que dès que les Pays-Bas, le Canada et la Belgique, ont reconnu le mariage gai, la Congrégation de la doctrine de la foi à Rome a déclaré que le respect dû aux personnes homosexuelles n’impliquait pas d’accepter les «unions» homosexuelles et encore moins leur reconnaissance légale et que cela portait atteinte à la cellule familiale composée «d’un homme et d’une femme».
Forts de ce message, plusieurs militants catholiques ont usé de tous les moyens de pression et d’influence pour faire échouer ces projets. Comme on l’a vu aux États-Unis, avec le Defence of Mariage Act et la Proposition 8 en Californie, et comme on l’a vu en France, depuis la fin du printemps, avec la longue bataille sur le «mariage pour tous», la hiérarchie catholique et les associations religieuses/familiales ont été en première ligne des hostilités ciblant le mariage entre personnes de même sexe.
Ii faut spécifier que le pape François ne s’est pas encore prononcé sur le des mariages entre personnes de même sexe. Il s’est borné à réitérer que la position de l’Église sur le mariage était bien connue, mais il n’en a pas dit plus. On ne peut donc voir dans ces silences et dans la déclaration du pape François, un réexamen de la position de l’Église. On peut y voir tout de même une condamnation des attitudes discriminatoire auxquelles l’Église nous a habituées. Et, peut-être la promesse de propos plus mesurés à l’avenir. Reste encore à voir, comment cette approche sera interprétée par certains cardinaux de Pologne, d’Afrique ou encore d’Amérique latine qui régulièrement prêchent la condamnation de l’homosexualité.
SOTCHI…
À moins de six mois des Jeux olympiques de Sotchi, le pays hôte des prochains jeux est sous le feu des critiques d’ONG et de militants LGBT qui ont appelé à priver la Russie des jeux Olympiques en 2014 ou de boycotter les produits russes pour protester contre la loi antigaie adoptée récemment. D’autres personnalités ont fait savoir que le boycott ne leur paraissait pas la solution la plus adéquate.
Pour le militant russe Nikolai Alekseev, il faut trouver des moyens innovants pour se faire entendre, comme par exemple blacklister les membres du gouvernement pour les empêcher de se rendre à l’étranger. Le président de GayRussia préconise de profiter de ce moment où tous les pays du monde auront les yeux rivés sur la Russie pour dénoncer les lois homophobes.
Après des décennies de diabolisation de la communauté gaie par le gouvernement soviétique, puis russe (pour des raisons électoralistes) et par l’Église orthodoxe (qui pointe le doigt vers l’homosexualité comme expression du Mal), il ne faut pas se surprendre si les Russes en grande majorité accueillent favorablement la nouvelle loi : moins de 10% disent connaître des gais ou de lesbiennes.
Mais ne leur lançons pas la pierre. Souvenons-nous le temps pas si lointain où l’homosexualité était criminalisée, ici, et où l’on pouvait perdre son emploi à cause de son orientation sexuelle. Pour que l’opinion publique russe devienne plus favorable à une protection des droits pour tous et exerce des pressions sur son gouvernement en ce sens. il faudra que les gais et lesbiennes russes fassent, eux aussi, le cheminement que nous avons fait et sortent du placard dans toutes les sphères de la société pour donner un visage humain à l’homosexualité russe. D’ici-là, soyons à leurs côtés pour les soutenir dans cette lutte.