Jeudi, 10 octobre 2024
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    Vincent Warren : Prince de la danse et prince de la vie

    Il est des rencontres marquantes. Celle avec Vincent Warren reste un cadeau de la vie. Pour moi, comme pour tous ceux et celles qui le connaissent, l’ont approché ou l’ont croisé. Le documentaire Un homme de danse qui a été présenté dans le cadre du Festival international du film sur l’art donne l’exacte mesure de cet homme et donne surtout le goût d’en apprendre plus sur lui.

    Américain d’origine, passionné de danse, il triomphe rapidement sur les scènes aux États-Unis avant de s’installer à Montréal. Danseur aux Grands ballets canadiens, il sera de la création du ballet rock Tommy, sur la musique des Who, révolutionnant l’univers classique de la danse. Il rencontrera et dansera pour les premiers grands chorégraphes contemporains, dont sa grande amie, Jeanne Renaud, avec qui il apprendra le français. Sa gentillesse et son immense culture chorégraphique en font un être d’exception. Collectionneur de tout ce qui touche à la danse d’ici et d’ailleurs, il donne sa collection de plus de 2600 documents à l’École supérieure de ballet de Montréal qui crée la bibliothèque Vincent-Warren, une bibliothèque ouverte à tous.

    J’avais eu l’occasion de rencontrer Vincent Warren a plusieurs reprises dans des événements sociaux, et j’avais été charmé par ses yeux bleus, sa générosité et son humour toujours emprunt de tendresse. Et quand il m’a ouvert la porte de chez lui pour cette entrevue, mes premières impressions n’ont fait que se confirmer.

    Danser sa vie
    Aujourd’hui, âgé de 77 ans, Vincent Warren continue de collectionner des documents sur la danse, entouré par tous les objets, les photos et les tableaux qui témoignent de sa vie. Impossible d’échapper à une visite guidée. Et comme Vincent Warren est un conteur né, il donne vie à tout cet univers. Sur un guéridon, au-dessous d’un dessin représentant le poète américain Franck O’Hara, des photos de lui et de cet homme qu’il a tant aimé, comme il nous le dira plus tard. Sur un autre guéridon, Anne Béranger, son second amour rencontré à Paris dans les années soixante-dix. Anne Béranger a été directrice d’une des premières compagnies de danse contemporaine en France, pour laquelle, entre autres, Carolyn Carlson a dansé. Franck O’Hara et Anne Béranger, ses deux grandes passion, vivent encore dans le coeur de Vincent Warren et l’émotion étrangle sa voix quand il les évoque. Mais l’homme, avec élégance, reprendre vite le dessus, et l’humour n’est jamais loin. Me montrant des photos de lui, jeune, Vincent me glisse à l’oreille : « Si tu publies une des ces photos, dis bien à tes lecteurs que j’ai un peu changé depuis ! »

    Une fois l’appartement visité, l’homme me sert un café et des biscuits, avant que ne commence l’entrevue. De ses débuts à New York, à son arrivée à Montréal puis de son passage à Paris, Vincent Warren a connu tous les chorégraphes et les grands danseurs de cette époque. Intéressé autant par le ballet classique que la danse contemporaine, Vincent refuse de choisir. « Fernand Nault disait qu’il n’y a que deux sortes de danse, la bonne et la mauvaise ». Fernand Nault, alors codirecteur artistique des Grands Ballets canadiens et chorégraphe attitré, demeure celui qui a monté à Montréal le premier ballet rock, Tommy, sur la musique des Who. « Il a dû mal à faire accepter ce projet à Ludmila Chiriaeff, la fondatrice des Grands Ballets qui avait une conception très classique de la Danse, explique Vincent, mais ce ballet a connu un grand succès surtout en tournée aux États-Unis. Je n’étais pas de la création. C’est plus tard que j’ai dansé le rôle de Tommy, un rôle qui m’allait très bien, puisque j’étais plus un danseur expressif que technique. Et comme la chorégraphie de Fernand Nault jouait beaucoup sur la théâtralité, j’étais parfaitement à l’aise. Il faut se rappeler l’époque, le début des années soixante-dix, beaucoup de jeunes sont venus voir ce ballet rock, et dans la salle les gens fumaient et ça ne sentait pas que le tabac ».

    Vincent Warren pourrait facilement donner un cours sur l’histoire de la danse au Québec et au Canada tant il s’est intéressé aux différentes évolutions de cet art. Sans oublier les anecdotes de la petite histoire qui émaille la grande histoire de la danse. Par exemple, la découverte de Jean-Pierre Perreault, plus intéressé par l’art visuel à l’époque. «Nous étions dans un bar gai de la rue Stanley à Montréal, quand mon ami et chorégraphe Peter Boneham a remarqué un jeune homme montant les escaliers. Il m’a dit que ce gars avait la gestuelle et la physique d’un danseur, et nous l’avons abordé», raconte Vincent Warren. La suite, on la connaît. Jean-Pierre Perreault épousera totalement la danse contemporaine et fera connaître Montréal à l’étranger. «Il y avait une véritable effervescence à cette époque, mais aussi des rivalités. La danse contemporaine se divisait en deux écoles, celle initiée par Jeanne Renaud et Peter Boneham, avec le groupe de la Place-Royale, et de l’autre côté l’école de Martine Époque à l’Université de Montréal, dont sont issues des danseurs et des chorégraphes comme Marie Chouinard », continue Vincent Warren.

    Vincent Warren Cérémonie photo Donald Labelle

    La vie sentimentale de Vincent Warren se confond avec sa carrière. Alors qu’il a rencontré le poète américain Franck O’Hara à New York, il s’en vient à Montréal où les perspectives d’une carrière de danseur sont meilleures. « Franck était un être admirable, intelligent, brillant et il m’aimait tellement. Il m’écrivait des poèmes. J’étais étonné d’être aimé comme cela. Avec lui, j’ai découvert tous les peintres et les poètes américains de l’époque. Ce fut un drame pour moi quand j’ai appris sa mort. En même temps, je pense que tout ce que j’ai ressenti à ce moment-là, je l’ai fait passer dans la danse. J’ai commencé à danser après son départ avec encore plus d’intensité et d’expressivité». Plusieurs années plus tard, à Paris où il tente de s’imposer, Vincent rencontre Anne, directrice d’une directrice de danse contemporaine qui portait son nom, un véritable coup de foudre qui durera un an. Mais pour des raisons professionnelles, Vincent Warren retourne à Montréal et danse de nouveau pour les Grands Ballets canadiens. «J’ai eu la chance d’aimer et d’être aimé par deux êtres exceptionnels, malheureusement trop tôt disparus», confie l’ancien danseur, et comme pour chasser l’émotion qui l’étreint, il rajoute dans un grand éclat de rire : «J’ai eu deux grandes histoires d’amour et beaucoup de sexe entre ces deux histoires ».

    Puis, entre son amour pour l’Inde, ses rencontres avec Rudolph Noureev, ses interrogations face à un courant actuel qui serait la non-danse, Vincent Warren nous amène dans le petit jardin parce qu’il veut nous montrer les premières fleurs de ce printemps tardif, des roses des neiges, dont il caresse les pétales avec ravissement. Beaucoup de souvenirs, mais aucune nostalgie, comme si le fait d’avoir vécu si intensément était un cadeau qui continuait à le nourrir, à l’émerveiller encore chaque jour.

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