Il est loin le temps où Ariane Moffatt craignait les questions des journalistes sur ses amours et son orientation sexuelle.
Depuis quelques années, l’auteure-compositrice-interprète s’affiche aux bras de son amoureuse dans les événements publics, elle réplique aux homophobes sur les réseaux sociaux et normalise la famille homoparentale dans l’œil du public. Le 9 août prochain, elle offrira son premier spectacle solo dans le cadre de Fierté Montréal.
Quel genre de spectacle as-tu prévu?
Ce ne sera pas aussi mégalo qu’aux FrancoFolies en juin dernier, mais ça reste un show de festival avec mon band et un ajout de percussions. Je vais jouer huit des chansons de mon dernier album, Petites mains précieuses, et plusieurs de mes succès. Ça va être groovy, funky, disco, électro. Ce n’est pas un show intime.
Pourquoi t’associer à un événement LGBTQ+?
Il était temps! Ça fait des années que l’organisation m’approche. Soit je n’étais pas en tournée, soit ça ne concordait pas avec mon agenda. Avec le temps, l’événement a pris du coffre, au niveau des prestations musicales et de l’organisation. C’est une fierté pour moi de m’associer à ma propre cause en présentant mon travail.
Bien des personnes te voient comme un modèle. Comment vis-tu avec ça?
Je le sens de plus en plus, quelques années après mon coming-out. Il y a encore trop peu de modèles lesbiens publics. Quand j’ai reçu la médaille Phénicia cette année, je constatais que j’étais la seule maman homoparentale publique au Québec. Après mes spectacles, plusieurs mamans viennent avec leurs enfants et me témoignent de ça. Mon but est de normaliser tout ça. Je pense que même ceux qui auraient tendance à avoir peur de la différence ou à faire preuve d’homophobie non voulue peuvent réaliser qu’on est une famille tout à fait normale.
As-tu moins droit aux faux pas?
J’essaie de ne pas me mettre cette pression-là et de me défaire de l’idée qu’il faut être parfait, nickel et gentil avec tout le monde. J’ai envie de refléter du positif, mais les gens sont capables de comprendre que ce n’est pas parce que tu es une personnalité publique que ta vie est parfaite. Ça fait partie du rôle de modèle de montrer qu’on n’est pas sans faille.
En décembre 2018, tu as riposté à un troll homophobe sur Twitter. Comment vis-tu le fait d’être exposée à la haine sur les réseaux sociaux?
Quand je vois les atrocités que reçoivent Safia Nolin et tant d’autres, ça démontre à quel point le spectre des gros innocents est large. Mais personnellement, ça me coule un peu sur le dos. C’est tellement facile de me traiter de grosse lesbienne. Ça me fait constater leur ignorance plus que ça me fait mal. C’est dégueu, mais ça ne m’empêche pas vraiment de dormir.
Comment choisis-tu les enjeux LGBTQ sur lesquels tu t’exprimes?
Avant de me dévoiler entièrement, je craignais de devenir la lesbienne de service. J’anticipais le fait d’être étiquetée. C’était presque de l’homophobie intériorisée. Mais depuis que je m’assume, je suis de plus en plus intolérante à l’homophobie et à la non-acceptation de la différence. Par exemple, après la tuerie au Pulse d’Orlando, ça allait de soi pour moi de convier la communauté LGBTQ à mon spectacle aux Francos. C’était un appel viscéral. C’est comme si c’était moi qu’on avait touché. Cela dit, la cause LGBTQ+ est très vaste. Quand on me propose certaines choses, c’est à moi d’établir mes limites et de trier les sujets sur lesquels je veux m’exposer. En vieillissant, la citoyenne en moi et la femme que je suis me poussent à prendre position.
Trouves-tu que les journalistes sont délicats quand ils abordent ces sujets-là avec toi?
Ils sont très respectueux. Je sens que certains d’entre eux ont envie de faire leur part pour abolir les tabous. Et je pense avoir passé l’étape durant laquelle les médias focalisaient sur le coming-out et mes enfants durant les opérations promotionnelles. L’information a été exprimée, digérée et normalisée. Ma blonde est un peu connue, parce qu’elle fait des interventions dans les médias en tant que psychologue. C’est moins mystérieux. Maintenant, on me demande comment vont les enfants au début et on enchaîne en parlant de musique. Je ne pensais jamais en arriver là. Ce n’est plus central. Ça justifie à quel point ça valait la peine de me libérer.
En 2015, mon collègue Patrick Brunette t’avait mise au défi d’écrire une chanson évoquant directement ton amoureuse. Est-ce que tu l’as fait?
Dans plusieurs chansons, c’est clair que je parle de ma blonde. Dans Pour toi, je répète le mot « femme » au moins 20 fois en utilisant des adjectifs très sensuels. Et j’ai de plus en plus envie de faire des chansons en duo avec une autre fille. C’est l’fun de dépasser ce qu’on a déjà fait et de s’assumer encore plus. Les hétérosexuels sont capables d’écouter ça. C’est moins délicat qu’il y a cinq ans. On a bougé énormément à propos de la fluidité des genres et des possibilités en amour. Par contre, je ne suis pas activiste au point d’écrire juste des chansons d’amour au féminin. J’aime avoir un discours que peut s’approprier un peu tout le monde, sans que ce soit axé sur les genres. J’essaie de séparer ma responsabilité sociale de la création, sinon ça crée une barrière à ma liberté artistique. Je veux que l’écriture demeure l’espace de toutes les libertés.
Écrirais-tu une chanson sur un enjeu LGBTQ+ qui te tient à cœur?
Ben oui! Tout ce qui me touche peut être matière à écriture. Je l’ai fait par le passé en parlant d’avortement dans Poussière d’ange, d’environnement dans La pluie et le beau temps et de l’actualité dans Jeudi 17 mai.
Il y avait un projet de mariage dans l’air pour cet été. Où en est-il?
On l’a remis à l’année prochaine. L’année actuelle est tellement intense qu’on ne voulait pas que le mariage devienne une source de stress. Mais il aura lieu.
ARIANE MOFFATT, spectacle gratuit présenté le VENDREDI 9 août, de 21h30 à 23h, sur la Scène TD. Elle sera précédée sur scène, de 19h à 20h30, par la DJ montréalaise Bamboo Hermann et, de 20h30 à 21h15, par Dear Denizen et ses grooves électro-rock teintés de post-punk. fiertemtl.com