Alors que l’arc-en-ciel est devenu le symbole mondial du #cavabienaller pendant la pandémie de la COVID19, que reste-t-il du drapeau irisé pour célébrer la Fierté? Je vous propose un retour aux sources et une réflexion sur nos couleurs, pour (re)trouver notre Fierté. C’était en 1978, à San Francisco.
Inspiré par les mouvements de protestation antiguerre, de l’époque peace and love et des luttes pour les droits des LGBT ayant meublé la décennie en cours, un jeune homme âgé de 27 ans, qui avait appris à coudre dans l’armée, conçoit un drapeau arc-en-ciel qui deviendra emblématique de notre communauté. Symbole de pouvoir et de fierté collective, puis sans copyright, puisqu’il appartient au domaine public, comme tout drapeau : « C’est aussi pourquoi le drapeau est si puissant, parce qu’il appartient à tout le monde! », pour citer feu, son créateur, Gilbert Baker, décédé en 2017.
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C’était en 2013. J’allais interviewer « l’homme derrière le drapeau » pour son 35e anniversaire de création. Armée de ma carte d’appel (je n’avais pas encore de cellulaire) et de mon accent anglais (à la « French canadienne »), je signale le numéro, indicatif régional de New York. Gilbert me répond. Je me rappelle avoir été intimidée, par sa voix et son discours qui, certes, traduisaient un impressionnant parcours. Je me souviens que nous avons d’abord discuté de drapeaux, tant arc-en-ciel que fleurdelisé (c’était la journée de la St-Jean Baptise), ainsi que de température (c’était canicule à Montréal, comme à New York). Bref, c’était tout à propos, il faut dire, pour débuter une conversation sur le drapeau arc-en-ciel! Ce drapeau, m’expliqua-t-il « tout le monde peut en tirer sa propre signification, mais le choix de l’arc-en-ciel est si parfait, car ce sont toutes les couleurs, et c’est ce que nous sommes! C’était un choix très logique. Après la création du premier drapeau, j’ai dû enlever certaines couleurs, c’était un compromis, car je voulais que le drapeau soit plus accessible à tous. Dans les années 1978, l’impression couleur était très dispendieuse et il y avait beaucoup de limitations à l’époque à ce niveau », explique celui dont la carrière de flag maker s’étendra sur plusieurs décennies. D’ailleurs, pour Baker, qui a vécu l’époque de la « révolution graphique » des années 70, les drapeaux vont bien au-delà des logos, non seulement au niveau de la liberté du copyright et de la circulation de l’œuvre, comme de sa réappropriation, mais aussi au niveau de la pérennité de l’œuvre. Et à n’en point douter, avec une symbolique des couleurs qui s’inspire des chakras, le drapeau arc-en-ciel allie l’individuel au collectif ; le rouge pour la vie, l’orangé pour la guérison, le jaune pour le soleil, le vert pour la nature, le bleu pour la sérénité/l’harmonie et le violet pour l’esprit, ainsi que le rose (pour la sexualité) et le turquoise (pour l’art et la magie) qui seront retirés de la version originale, dû à un manque de tissus.
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C’était au printemps 2020. Personnellement, voir des enfants dessiner des arcs-en-ciel et les coller dans les fenêtres des maisons, des garderies, des écoles, me donne beaucoup d’espoir. Pas tant en ce qui concerne la COVID19, car je crois (même si j’espère avoir tors) que cela ne sera pas notre dernière pandémie… mais parce que, premièrement c’est de l’art thérapie utilisée à bon escient (faire dessiner tes enfants au lieu de leur donner la tablette est une bonne idée), mais surtout parce que les voir dessiner cet arc-en-ciel est pour moi un symbole positif; d’abord, à l’image du drapeau et des chakras, il nous invite à demeurer positifs à l’intérieur et l’afficher à l’extérieur, pour renforcer la lutte/l’espoir collectif. Cet arc-en-ciel du #cavabien aller est, en référence au drapeau qui nous concerne, un symbole d’inclusion et d’ouverture sur le monde. Peu importe notre couleur de peau ou de drapeau (de diversité sexuelle et de genre, ou encore de pays et de nationalité), ce drapeau irisé est synonyme de toutes ces couleurs (chakras) qui se retrouvent en nous, en chacun de nous. Et je n’évoque pas, ici, une religion ou une individualité narcissique, mais plutôt une spiritualité inclusive et positive. Un peu comme l’arc-en-ciel, le phénomène météorologique. Il se manifeste, malgré la pluie, comme une lueur d’espoir, qui viendra poindre, malgré le ciel gris, tel un éclaircit sur des jours meilleurs; un arc irisé qui suscite chez les petits comme les grands, l’émerveillement. Lorsque je regarde/parade dans le défilé de la Fierté, dans les rues de Montréal, chaque année, je me dis que c’est aussi ça le lègue de Gilbert Baker : l’émerveillement et le cirque des couleurs dans les rues de la métropole.
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Ce sera en août 2020. Si cette année, nous allons plutôt s’afficher devant l’écran d’ordinateur et parader dans notre salon, je souhaite à toutes les personnes LGBTQ+, ainsi qu’à leurs allié(e)s, d’excellentes célébrations de la Fierté, une Fierté réinventée, certes, tout aussi nécessaire et importante. Inutile de mentionner que #cavabienaller (si tu mets ton masque, pis tu te laves les mains)!
Pour relire l’entrevue accordée au Fugues par Gilbert Baker, en 2013