Mercredi, 12 février 2025
• • •
    Publicité

    Relations amour-haine

    Aimer peut faire mal. Si cette phrase apparaît comme une contradiction, elle est pourtant bien réelle. Je sais, le sujet est plutôt lourd pour l’édition de la Saint-Valentin. Je me devais de faire honneur à mon cynisme habituel du 14 février.

    Combien d’entre vous ont eu des relations passionnées suivies de grands moments de désespoirs, de détachement ou d’indifférence ? De grands bonheurs, un amour fou, et puis, plus rien. De grands
    moments d’extase, qui font ensuite place à la monotonie et parfois même à la colère. Une grande colère vis-à-vis d’une personne qu’on aime. C’est possible, malheureusement. Cette colère peut venir de plusieurs endroits ; faire face à un sentiment d’impuissance, une perte de contrôle, une façon d’extérioriser sa peine, sa tristesse, pressentir le potentiel gâché d’une relation, d’un individu, etc. Au terme de ma première relation, j’éprouvais beaucoup de colère quelques mois, voire quelques années avant notre séparation. À un point où être dans la même pièce qu’elle me rendait tendue, frustrée, colérique… je n’étais plus moi-même. Je ne me reconnaissais plus. Au lieu de vivre dans l’ombre de moi-même, j’ai décidé de mettre un terme à ce que je ne pouvais accepter : la fin de notre relation. On change avec les années et parfois, malgré toute notre bonne volonté et notre amour, nos routes se divisent.

    On dit que le temps arrange les choses. Il tempère les choses, certes, j’ai parfois ces moments de colère, quoique beaucoup moins intenses qu’à l’époque. Le secret est de pardonner, me dit-on, pour avoir le cœur plus léger. Pardonner à l’autre et à soi-même. Ce n’est pas faux, mais ce n’est pas aisé. Avec les années, j’ai appliqué un certain laisser-aller, en me concentrant sur ce que je pouvais contrôler : mon bonheur.

    Je n’ai jamais trouvé cela évident puisque, à mes yeux, mon bonheur dépend beaucoup des autres, ou plutôt de la relation que j’entretiens avec les autres personnes que j’aime et qui m’aiment, bref, les bonheurs que je retire de mes interactions sociales avec les autres. Perso, je ne pourrais pas m’épanouir en vivant seule dans une cabane isolée en forêt, j’ai besoin d’interactions sociales. Je crois que tout être humain est un être social et éprouve ce besoin à l’intérieur de lui, à un certain degré, même si certains font plus d’anxiété que d’autres ou sont moins sociables que d’autres. Dans mes relations amoureuses et amicales, j’ai toujours trouvé difficile de me positionner, de trouver mon bonheur, par rapport aux autres.

    Le fait est qu’on doit toujours définir et exprimer nos émotions, nos positions, nos étiquettes sociales. Quand j’ai fait mon coming out, j’ai tellement craint la réaction de mes proches. C’est comme si j’avais tout mis dans les mains des gens que j’aime pour décider de mon bonheur, comme si j’attendais leur consentement vis-à-vis de ma relation et de mon orientation sexuelle pour être heureuse. Heureusement, j’ai des bon.ne.s ami.e.s ouvert.e.s d’esprits.

    Tout ça pour dire à quel point le regard des autres peut être important dans une relation, bien que cette relation ne se déroule pas nécessairement sous le regard des autres. Aimer, c’est avant tout un acte intime. Que ce soit votre amoureuse, votre amie ou vos parents, l’amour que vous portez à cette personne est différent, mais n’a certainement pas besoin d’être public pour être validé. Pas besoin d’identifier votre amoureuse sur Facebook, pour qu’elle sache que vous l’aimez vraiment. Pas besoin que votre voisin vous dise que vous formez un beau couple, pour réellement croire à votre couple. Il suffit de regarder au fond de vous le ressenti et, le plus humblement du monde, accepter de vivre vos émotions avec la personne pour qui vous ressentez ces émotions. Que faire quand ces émotions sont conflictuelles : vous haïssez la personne que vous aimez ? Vous aimez la personne que vous haïssez ? Est-ce que vivre une relation amour-haine sainement est possible ?

    Personnellement, je ne crois pas. Du moins, pas lorsque cette dualité est constante. Avoir le « cul pogné entre deux chaises » c’est non seulement inconfortable, mais irritant à la fin. Sans pardon, ou bilan ou travail important sur soi-même, la haine prend le dessus sur l’amour. Et nous avons malheureusement une myriade d’événements médiatisés de colère incontrôlée menant à des actes informés par la colère (et, bien sûr, transformés à divers niveaux, selon divers facteurs socioéconomiques, physiologiques, psychologiques, etc.). Prenez, par exemple, les féminicides. Il y en a eu 25 l’an dernier, seulement au Québec (1) ! Des femmes ont toutes été tuées aux mains des hommes. Souvent des hommes étant en relation d’amour et/ou d’amitié et/ou familiale avec le meurtrier.

    Des hommes en colère contre leurs femmes, leurs filles, leurs mères… celles qu’ils « aiment » ou avec lesquelles ils entretiennent une relation « amour-haine ». La Coalition féministe contre la violence envers les femmes recense ces féminicides, en nous rappelant qu’il n’y a pas de « petits féminicides ». Malheureusement, il y a des actes horribles, comme ceux commis envers Gisèle Pelicot (2), qui nous rappellent que l’humanité est abjecte et que l’être aimé n’est pas toujours celui que l’on croit être… cela dit, Mme Pelicot, avec un courage sans borne, nous rappelle le plus beau des messages. Ici, la honte change de camp ! La tête haute, elle regarde ses agresseurs. La tête haute, elle ne laisse pas transparaître sa colère. La tête haute, elle affirme que son amour-propre, celui qu’elle porte à elle-même et à ses valeurs, peut tout changer et peut être plus fort que la violence et la haine des autres. Bravissimo !

    Du même auteur

    SUR LE MÊME SUJET

    LEAVE A REPLY

    Please enter your comment!
    Please enter your name here

    Publicité

    Actualités

    Les plus consultés cette semaine

    Publicité