Il y a quelques jours à peine, la Cour supérieure du Québec invalidait plusieurs articles du Code civil discriminatoires envers les personnes trans et non binaires. Au même moment, l’information fait surface que l’organisme PDF Québec est signataire d’une déclaration internationale ouvertement transphobe. Où est la colère? Où est l’indignation collective face à une prise de position violente vis-à-vis de certaines femmes, une décision qui va à l’encontre des valeurs mêmes du Québec? Et où sont les féministes?
Lettre ouverte
Pour la mise en contexte, PDF Québec est un organisme créé en 2014 qui lutte contre les violences vécues par les femmes « parce que nées femmes ». En signant la Déclaration sur les droits des femmes fondés sur le sexe biologique, l’organisme réaffirme sa vision binaire des individus, basée sur l’assignation identitaire faite à la naissance. Entre autres demandes, les signataires du document souhaitent obtenir le droit d’exclure les femmes trans (article 1b), de nier l’existence des hommes trans (article 3c) et de pouvoir mégenrer les personnes trans (article 4c).
Bien que le Québec ait adopté une Loi visant à renforcer la lutte contre la transphobie et à améliorer notamment la situation des mineurs transgenres en 2016, aucun contrecoup sur les réseaux sociaux face à l’action de PDF Québec. Mis à part quelques réactions individuelles, dont celle de la députée libérale Jennifer Maccarone, silence radio.
Aucune tempête médiatique. Même Simon Jolin-Barrette, le ministre responsable de la lutte contre l’homophobie et la transphobie, reste silencieux.
Pourtant, à la même période l’an dernier, le ministre du Travail, Jean Boulet, évoquait la possibilité de réévaluer le financement de la FFQ après un tweet de l’ancienne présidente. Il jetait de l’huile sur le feu des réactions quant aux propos peut-être maladroits de la publication.
La comparaison est frappante.
Une publication sur le compte privé d’un individu mène à l’intention de réviser le financement de l’organisme qu’elle préside. Si le premier ministre fait taire la rumeur, l’information se promène comme une trainée de poudre et contribue à l’essor des critiques qui fusent de toute part. Nombre de personnes élues prennent la parole, dont Isabelle Charest, la ministre responsable de la Condition féminine, les médias partagent l’information d’une même voix et les chroniques vont bon train pour dénoncer la publication et celle qui les a tenues. Dans le cas de PDF Québec, un organisme signe publiquement un document qui vise à légitimer la discrimination envers une partie de la population et personne n’en parle.
Dit autrement, une levée de boucliers collective contre les propos ironiques de Gabrielle Bouchard sur l’hétérosexualité et un silence parlant face à la violence décomplexée de PDF Québec envers les personnes trans et non binaires.
Pourtant, on aurait pu penser le contraire puisque l’hétérosexualité n’est pas mise en danger par une publication, alors que la transphobie mène à des souffrances, des agressions, voire des meurtres, de nombreuses personnes chaque année.
Comment expliquer cette différence de traitement?
De la part des médias, peu de surprise. Dénoncer les violences dont sont victimes les personnes trans ne vend pas.
De la part des personnes qui se disent féministes, ce l’est davantage. Alors que plusieurs étaient montées aux barricades contre les propos de Gabrielle Bouchard, un silence complice semble régner quant au féminisme hégémonique de PDF Québec. Un soutien invisible qui n’inclut pas toutes les femmes.
Maintenons-nous le statu quo en choisissant qui peut tenir un discours confrontant, ou même violent, sans représailles? Et qui veut-on faire taire? Faisons-nous preuve de plus de complaisance face aux personnes qui reproduisent certains privilèges qu’à celles qui les remettent en question? Défendons-nous plus certaines femmes que d’autres?
Ce deux poids, deux mesures laisse croire que oui.
Mélanie Ederer, militante féministe
Avec le soutien d’Ash Paré, Coordonnataire de TransMontréal