Et bien, il est mobilisé. Et comment appréhendons-nous notre propre corps, et le connaissons-nous si bien? Et pourtant, il est incontournable dans tous les actes de la vie. Gerard X Reyes, depuis ses tout débuts dans la danse, n’a jamais cessé de se poser la question. Ceux qui en 2016, au Festival TransAmériques, ont pu «participer» à son spectacle The Principle of Pleasure, bénéficient d’une bonne introduction au travail créatif de Gerard X Reyes qui présentera cette année au FTA, Public/Private Parts ou l’Origine du monde.
Le chorégraphe s’éloigne des sentiers battus pour nous interroger sur la relation particulière que nous entretenons avec le corps que nombre de conventions sociales, morales et religieuses ont réduit à un instrument ne pouvant s’exprimer que dans des cadres bien codifiés et parfois totalement arbitraires. Et bien sûr pour le chorégraphe-interprète-formateur, sous l’angle créatif de la danse.
Artiste inclassable, Gerard X Reyes donne des cours de «voguing». Mais il est aussi éducateur sexuel somatique. Une discipline qui doit échapper à beaucoup d’entre nous mais qui se développe de plus en plus. En gros, la sexualité somatique permet une meilleure connaissance de son corps, de le reconnecter avec soi-même, d’être plus à l’aise avec cette enveloppe et d’en reconnaître ce qu’il peut nous apporter comme satisfaction, ou non. Et quand on parle du corps dans tous ses états, on ne peut pas échapper à la sexualité non plus.
«Quand j’ai commencé à danser, j’avais 19 ans, et très vite s’est imposée cette question, où était la sexualité dans la danse. On sait très bien que dans la danse, le corps joue un grand rôle dans la séduction mais on ne touchait pas à la sexualité, peut-être parce qu’elle relevait de l’intime, du privé, ou bien de la pornographie si on pense aux films ou à des bars de stripteaseur.ses, à la prostitution, tout ce qui est encore condamné moralement, mais ce monde me fascinait aussi», constate Gerard X Reyes.
Si nombre de chorégraphes ont osé mettre des danseur.ses totalement nu.es sur scène, la majorité ont toujours bien insisté que les parties normalement cachées des corps alors
exposées n’avaient plus rien à voir avec de l’exhibitionnisme et que donc les organes génitaux perdaient tout leur caractère sensuel voire érotique. «J’ai passé plusieurs années à réfléchir à ce projet. J’ai même pensé faire un film porno mais qui ne reprendrait pas les conventions et les clichés de ce que l’on retrouve dans presque toutes les productions.
En fait, des productions très hétéronormées avec des corps parfaits, bien loin de la réalité de chacun. (Il s’agit) donc de sortir du fantasme pour être plus près de la réalité», explique Gerard X Reyes., et de savoir s’il était pour faire un film porno queer féministe? C’est à Berlin, ville dans laquelle il a plusieurs fois séjourné, que le chorégraphe va trouver son inspiration grâce aux rencontres qu’il y fait, entre autres dans le monde des travailleur.ses du sexe, des escortes, des acteur.trices pornos et des éducateur.trices sexuel.les. «J’ai beaucoup parlé avec ces personnes de leur rapport à leur corps aussi bien dans leur champ d’activité, le sexe, mais aussi de leur rapport à leur corps avec les autres en dehors de leur métier, continue Gerard X Reyes, et j’ai découvert avec les éducateurs-trices ce qu’on l’appelle la sexualité somatique à laquelle je me suis formé».
Cette méconnaissance de notre corps trop souvent considéré comme un instrument qui doit se plier à notre volonté et qu’on ne respecte pas toujours en voulant le modifier ou le rendre plus performant oblitère souvent que celui-ci pourrait nous en apprendre beaucoup sur nous-mêmes si nous le connaissions mieux et l’écoutions mieux pour incarner ce que le chorégraphe nomme le «moi sensuel».
«La notion de sensualité est souvent évacuée, même si inconsciemment elle joue dans la séduction, mais elle est importante dans la relation à l’autre, du simple toucher à la caresse, jusqu’à la relation sexuelle, selon les contextes, commente le créateur, et comment apparaissent les frontières entre le privé, le public, et la pornographie, et comment chacun réagit face à cela».
En fait, avec Public/Private Parts ou l’Origine du monde, ce sont tous les sens qui seront mis à contribution pour découvrir le corps dans tous ses états. «Je me suis entouré de travailleur.ses du sexe, d’éducateur.trices ainsi que de danseurs pour cette création dans laquelle je souhaite que celles et ceux qui viennent soient plus des témoins de cette recherche que des spectateurs et des spectatrices.
Dans l’Espace bleu de l’édifice Wilder (Agora de la Danse), une vingtaine de personnes par représentation, masquées et à distance seront entourées de six stations sur lesquelles seront projetées des films réalisés à Berlin, et de trois plateformes sur lesquelles évolueront trois danseurs-performeurs, redonnant ainsi ses lettres de noblesse au corps dépouillé de tous les artifices, lui rendant ainsi sa juste place.
INFOS | Public/Private Parts ou L’Origine du monde, par Gerard X Reyes
Les 10-11-12 juin 2021 à l’Espace Danse de l’Édifice Wilder
Pour en savoir plus : go.fta.ca/spectacle/public-private-parts/
Le FTA Festival TransAmériques 2021, du 26 mai au 12 juin | fta.ca