Une centaine de personnes — politiciens, militants, citoyens et journalistes — étaient présentes le 17 août pour l’inauguration officielle du nouveau Parc de l’Espoir, lieu de recueillement et de rassemblement dédié à la mémoire des victimes du VIH/sida au Québec, situé à l’angle des rues Sainte-Catherine Est et Panet.
Au cœur du Village depuis près de 30 ans, le nouveau parc conserve les éléments distinctifs des précédentes versions du parc dans une volonté de respecter la mémoire du lieu, tout en le rendant plus accessible et plus vert.
Trois des co-fondateurs du parc de l’Espoir — Roger Le Clerc, Michael Hendricks et René Le Bœuf — étaient présents pour l’occasion, tout comme bien des militants gais ou VIH. À peu près tout le monde se disaient agréablement surpris des travaux qui embellissent et agrandissent le parc de l’Espoir. Le parc s’ouvre encore plus que par le passé aux passant-e-s qui peuvent ainsi être conscientisé-e-s encore davantage aux réalités des victimes du VIH/sida, le tout dans un design contemporain et végétalisé qui invite au recueillement.
« Aujourd’hui, nous célébrons les travaux qui embellissent et agrandissent notre parc de l’Espoir. Nous espérons que nous allons nous souvenir. Nous espérons que nous allons nous approprier ce lieu pour en faire un lieu de rencontres, de « flânage », mais surtout de mémoire », a souligné Roger Le Clerc au nom des co-fondateurs du parc de l’Espoir. »

Les travaux de réaménagement ont permis d’ouvrir le parc au-delà des limites qu’il avait par l’ajout de saillies plantées, par un dallage similaire sur la rue Panet et par l’élargissement des trottoirs adjacents; de mettre le parc sur un seul niveau et de le rendre accessible universellement, suivant la pente douce et naturelle de la rue Panet; et d’augmenter le couvert végétal dans une optique de diminution des îlots de chaleur. À ce sujet, de nouvelles zones de plantations ont été créées dans des saillies et la superficie verte est passée à 238 m2 (une augmentation de plus de 300%) et un mur végétal a été implanté entre le parc et les bâtiments adjacents. Il faudra attendre l’été prochain pour voir les vignes plantées grimper sur l’imposante structure autonome installée à deux pieds de l’édifice adjaçent. D’ici à ce que la végétation prenne emprise sur cette imposante structure, l’aspect visuel le plus marquant du nouveau parc est la matérialisation d’un ruban rouge géant, symbole universel de la lutte contre le sida, à travers le site dans les aménagements au sol et avec un banc en ellipse qui émerge du ruban rouge.
On se doit de souligner qu’on a renforcé l’aspect commémoratif par le retrait de la base de béton des mâts, ce qui facilitera la circulation et l’accrochage de rubans commémoratifs et par le déplacement près du mur végétalisé de la plaque commémorative à la mémoire des personnes mortes du sida au Québec (œuvre de Marc Pageau en acier corten) et des deux plaques en l’honneur du militant et homme de cuir, Danny Beck.


On a conservé une zone de rassemblement dans la portion du site située à l’intersection Sainte-Catherine et Panet, et on a déplacé les assises de granit qui intègrent mieux l’espace, permettant à un plus grand nombre d’utilisateurs-trices de s’y asseoir et de regarder déambuler les gens sur la rue Sainte-Catherine Est.
Rappelons que ces travaux ont été réalisés à la suite d’une série de consultations menées depuis septembre 2019 auprès des communautés riveraines et LGBTQ+, des organismes communautaires et de divers intervenants en lien avec le parc de l’Espoir, et au terme d’un vaste sondage sur le réaménagement proposé.
La mairesse, Valérie Plante et le conseiller municipal du quartier, Martin Beaudry, ont tenu à rappeler, tour à tour, qu’en cette année qui marque le 30e anniversaire du premier Parc de l’espoir (qui a connu 3 versions : une citoyenne et deux financées par la ville) et en tant que ville signataire de la déclaration de Paris, le nouveau Parc de l’Espoir réaffirme l’engagement de Montréal à lutter contre le VIH/sida et à contribuer aux efforts pour mettre fin à l’épidémie dans le monde d’ici 2030.


« L’inauguration du nouveau parc de l’Espoir réitère notre engagement à préserver la mémoire des personnes victimes du VIH/Sida et reflète notre volonté de développer dans le Village des projets structurants et accessibles universellement pour les membres des communautés LGBTQ2+, les résidentes et les résidents de Ville-Marie et les visiteurs» a déclaré la mairesse Valérie Plante. «En cette année qui marque le 40e anniversaire du premier diagnostic de VIH en Amérique du Nord et en tant que signataire de la déclaration de Paris qui affirme notre engagement à lutter contre le VIH/sida à Montréal et contribuer aux efforts pour mettre fin à l’épidémie dans le monde d’ici 2030, je suis très fière de ce réaménagement et j’invite toute la population montréalaise à redécouvrir ce lieu d’exception.»
Pour Robert Beaudry, conseiller de Ville du district de Saint-Jacques, « le réaménagement de ce lieu dédié à la mémoire des victimes du VIH/sida au Québec est le fruit d’un exercice de consultation avec les communautés riveraines et LGBTQ2+, les organismes communautaires et divers intervenants en lien avec le parc de l’Espoir. Le parc de l’Espoir se trouve au cœur du Village et c’était important que le nouvel aménagement conserve les éléments distinctifs du précédent parc dans une volonté de respecter la mémoire du lieu, tout en le rendant plus accessible et plus vert. Grâce à ce travail concerté, nous laissons à Montréal un monument unique pour honorer la mémoire des victimes de cette terrible maladie ».
« Nous sommes ravis de voir enfin le parc de l’Espoir s’ouvrir aux passant-e-s qui seront ainsi conscientisé-e-s encore davantage aux réalités des victimes du VIH/sida, le tout dans un design contemporain et fleuri qui invite au recueillement et inspire un avenir meilleur. La présence de ce mémorial de grande qualité dans le Village contribuera à faire de Montréal une destination LGBTQ2+ unique au monde », a souligné JP Loignon, président de la Société de développement commercial du Village.
Sachez, par ailleurs, que le graffiti homophobe « Sida=vie, Dieu est contre les gais » qu’on avait gardé dans la 2eversion du Parc a finalement été recouvert à la demande des citoyens dans la plus récente version du parc.
Un peu d’histoire… sur le Parc de l’espoir

S’il y a un parc où l’implication des citoyens a joué un rôle important à Montréal, c’est bien le Parc de l’espoir. En 1990, les militants d’Act Up y terminent leur marche du premier décembre et installent 1400 rubans noirs dans les arbres pour marquer de façon percutante les morts dans la communauté gaie.
Dans les jours qui suivent, l’administration de la Ville de l’époque fait enlever les rubans par ses services d’entretien. Quelques semaines plus tard, en janvier, les militants regarnissent les arbres d’autant de rubans multicolores, rappelant les couleurs de l’Arc-en-ciel. Et des milliers de gens les imitent et emboîtent le pas.
Pendant plusieurs mois, on a pu y voir des rubans mémoriaux (sur lesquels le nom de personnes décédées avait été inscrit), des oursons, des objets personnels qui se retrouvent au pied des arbres. Une campagne populaire auprès des politiciens est mise en branle et les réunions des Comités de quartier sont saisies de la nécessité que la ville officialise ce parc à la mémoire des victimes du sida. Entretemps, le parc devient le lieu privilégié des actions de Act Up et pour maintes manifestations gaies ou activités d’organismes sida.
Une plaque non officielle est finalement installée par les citoyens en mai 1993. Le tournage du film Médecin du cœur, sur la bataille du docteur Réjean Thomas, a capté ce moment. On y lisait «Parc commémoratif des victimes du sida».

À l’Hôtel-de-Ville, les élus hésitent d’abord, mais de guerre lasse, le parc est finalement désigné officiellement par la Ville. Lors du marchethon Ça marche, en octobre 1994, une plaque commémorative, œuvre de Marc Pageau, est enfin dévoilée. Faite d’un acier corten — qui a la particularité de rouiller rapidement —, elle symbolise les souffrances des sidéens. Cette plaque a été intégrée à la plus récente version du parc.
En 1996, alors que la trithérapie fait son arrivée dans le paysage, la ville débloque 2 500 000$ pour l’aménagement du parc qui sera terminée fin décembre de la même année, mais inauguré en début de 1997. L’aménagement du parc provoque dès son inauguration des réactions très divergentes, allant de l’admiration (en particulier de la part du milieu de l’architecture et du communautaire sida) à la plus profonde déception par certains citoyens qui comprennent mal l’idée d’un parc-cénotaphe qui se voulait clairement un monument funéraire, élevé à la mémoire des victimes du VIH/sida et où la disposition des bancs rappelait des tombeaux.
Cette version du Parc de l’espoir ne laissait pas indifférent, qu’on l’aime ou non. Quoi qu’il en soit, à la manière des places publiques de France, le parc aménagé est très fréquenté et les tombeaux symboliques deviennent des bancs publics, très appréciés des gens qui veulent se reposer un instant ou regarder la faune du Village, les soirs ou le weekend.

Pour s’assurer de la pérennité du Parc, Roger Le Clerc, Michael Hendricks et René Lebœuf créent, en 2007, la société La mémoire vivante du parc de l’Espoir. L’idée étant de rappeler la volonté des survivants du sida de témoigner de la vie des personnes décédées de cette maladie.

Dans le cadre de son Programme de réaménagement des parcs et faisant suite aux nombreux réaménagements de parcs réalisés, dans le secteur, l’arrondissement de Ville-Marie annonçait, à l’été 2019, son intention de procéder au réaménagement du parc de l’Espoir tout en s’assurant de conserver la vocation de mémoire des victimes du sida.
La version actuelle du parc est le fruit de plusieurs consultations publiques (dont certaines se sont faites par l’entremise de Fugues) réalisées de la fin 2019 à mars 2020.
Quelques photos du parc prisent dans la nuit précédant l’inauguration (16 août 2021)


