Le laboratoire Moderna, qui commercialise l’un des principaux vaccins contre le SRAS-CoV-2 (le virus responsable de la COVID-19), a lancé en aout dernier un essai clinique pour test un vaccin contre le VIH, basé sur la technologie de l’ARN messager (ARNm).
Les résultats de la phase 1 de cet essai clinique ne sont pas attendus avant 2023. Dans cette première phase, il s’agit de tester la tolérance et la réponse immunitaire sur 56 volontaires séronégatifs âgés de 18 à 56 ans. En cas de résultats concluants, l’essai sera élargi à plusieurs centaines de personnes au cours de la phase II puis auprès de milliers de personnes à risque de contamination par le VIH lors de la phase III. C’est lors de cette phase III qu’ont échoué toutes les tentatives préalables, à l’exception d’un essai en Thaïlande qui montrait une protection d’environ 34% – jugée très insuffisante.
Les résultats définitifs de ce nouvel essai basé sur l’ANRm anti-VIH ne devraient donc pas être connus avant 5 ou 10 ans, à moins que les promoteurs ne puissent bénéficier d’une accélération du processus, comme dans le cas de la mise au point des vaccins à ARN anti-SRAS-CoV-2.
Ce sont en fait deux vaccins candidats qui vont être évalués au cours de cette étude, mRNA-1644 et mRNA-1644v2-Core. Combinés lors de cette phase I, ils doivent provoquer une réponse immunitaire contre l’enveloppe et le noyau du virus en synthétisant des copies inoffensives sur le plan viral de fragments du VIH. L’objectif prioritaire est le développement d’anticorps neutralisants, appelés «broadly neutralizing antibodies» et utilisés par ailleurs dans des essais thérapeutiques anti-VIH.
Prudence et pondération
Si cette nouvelle est encourageante, la découverte et la mise à disposition d’un vaccin efficace contre le VIH n’est probablement pas pour demain. Contrairement au SRAS-CoV-2, le VIH a comme particularité d’intégrer son matériel génétique dans l’ADN des cellules qu’il infecte (ce qui explique son appellation de «rétrovirus»). Il est donc beaucoup plus difficile à cibler, puisqu’il reste présent de manière inactive dans ces cellules, qui deviennent de fait des réservoirs.
L’autre obstacle majeur est la variabilité du génome du VIH (environ 10 000 bases azotées) qui conduit à des millions de variants au sein de l’organisme d’une personne infectée ou d’un individu à l’autre, contre quelques dizaines de variants pour le SRAS-CoV-2. Plus encore, le site d’attachement des anticorps anti-VIH est elle-même hypervariable, y compris dans sa structure tridimensionnelle, bien plus que ne l’est la protéine du SRAS-CoV-2. C’est pourquoi les chercheurs de Moderna se sont appliqués à sélectionner des antigènes plutôt constants d’un virus à l’autre pour leur vaccin anti-VIH candidat .
Enfin, gardons en tête qu’il est toujours plus facile de développer un vaccin quand la réponse naturelle déjà opérante est «reproductible», comme c’est le cas pour l’hépatite B, l’hépatite A, le virus du papillome humain (VPH) ou le SRAS-CoV-2.
La découverte d’un vaccin contre le VIH au cours des prochaines années reste donc pour le moment très incertaine.